Pride



Vendredi 17 Octobre 2014 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Matthew Warchus – Royaume-Uni – 2014 – 2h00 – vostf

Eté 1984 – Alors que Margaret Thatcher est au pouvoir, le Syndicat National des Mineurs vote la grève. Lors de leur marche à Londres, un groupe d’activistes gay et lesbien décide de récolter de l’argent pour venir en aide aux familles des mineurs. Mais l’Union Nationale des Mineurs semble embarrassée de recevoir leur aide. Le groupe d’activistes ne se décourage pas. Après avoir repéré un village minier au fin fond du pays de Galles, ils embarquent à bord d’un minibus pour aller remettre l’argent aux ouvriers en mains propres. Ainsi débute l’histoire extraordinaire de deux communautés que tout oppose qui s’unissent pour défendre la même cause.

Notre article

par Josiane Scoleri

Pride est un film qui entre dès la première minute dans le vif du sujet et qui y reste. Il va même y rester sans discontinuer d’un bout à l’autre de cette histoire qui pourrait sembler un peu trop exemplaire -exemplative comme on dit en Belgique- si elle n’était pas aussi profondément ancrée dans les faits. Et « les faits sont têtus », comme chacun sait… Nous voici donc catapultés dans cette Angleterre des années 80, traversée de multiples contradictions entre évolution des moeurs, fin de l’Empire et « révolution » thatchérienne. Les militants des droits des homosexuels se battent pour enfin apparaître au grand jour et exister aux yeux de tous. Les mineurs se battent pour ne pas disparaître au rayon des vieilleries de l’histoire et continuer à exister dans la dignité.. Fierté et dignité marchent main dans la main et Pride se situe très exactement à ce carrefour-là où convergent luttes et prises de conscience qui jusque là s’ignoraient plus ou moins superbement. La puissance du film lui-même tient toute entière dans ce maelstrom de forces décuplées de se retrouver ensemble. Par son rythme, avec une bande-son qui à elle toute seule est une plongée en apnée dans les eighties, le film nous embarque littéralement dans le flux de l’Histoire au travers de mille histoires personnelles qui chacune a quelque chose à nous dire de l’ordre de fierté et de la dignité. Et comme il s’agit d’un film résolument britannique, l’humour est lui aussi bien sûr au rendez-vous, quelquefois au coeur même des moments les plus dramatiques. Ce cocktail entre situations graves, voire tragiques et clins d’oeil ironiques ou scènes de franche rigolade est véritablement la marque de fabrique du film et emporte irrésistiblement l’adhésion du spectateur. Et tant pis pour les pisse-vinaigres. Qu’ils passent résolument leur chemin. Stephen Beresford, le scénariste et Matthew Warchus, le réalisateur ont réussi à travailler en symbiose pour nous concocter un film patchwork et pourtant sans couture apparente, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites..

Cette mise en scène chorale permet au réalisateur de nous offrir une coupe transversale de la société britannique de l’époque dans une approche quasi-documentaire : au-delà de la musique, tout y est : les costumes, les coiffures, les dégaines des uns et des autres. Il y a dans Pride quelque chose de profondément honnête, mu par la volonté de rendre compte. C’est ce qui permet à ce film, plein de drôlerie et d’émotion, d’éviter la caricature et la sensiblerie. Et peut-être encore plus important de ne pas sombrer dans l’hagiographie ou le conte de fées. Car avec cette si belle histoire, où les valeureux combattants déplacent les montagnes des préjugés, où les plus vulnérables se révèlent les plus déterminé/es, où l’ouverture conduit à la solidarité au coeur même de l’adversité, il semble presque miraculeux qu’on n’ait pas affaire à un caramel mou dégoulinant de bons sentiments. Or, il n’en est rien. Les dialogues sonnent vrai et on sent chez les acteurs une réelle gourmandise à habiter leur personnage tant chez les plus chevronnés (Imelda Staunton, Bill Nighy, plutôt à contreemploi) que chez les jeunes (Ben Schnetzer ou George MacKay). Là aussi, le cocktail fonctionne.

La mise en images quant à elle est modeste. Les cadrages sont classiques et la caméra, très fluide, est avant tout au service des acteurs. Matthew Warchus est un metteur en scène de théâtre et il mène sa direction d’acteurs comme on dirige une troupe, c’est à dire un ensemble qui fait corps au-delà de la simple addition de ses membres tout en laissant suffisamment d’espace à chacun pour s’exprimer. C’est son parti-pris de mise en scène. Il ne faut attendre de sa part ni mouvements de caméra spectaculaires ni angles de prise de vue déconcertants. Il ne s’aventure pas sur ce terrain-là. Il s’en tient à ce qu’il sait faire et il le fait bien. Que demander de plus ? Car Pride sous ses aspects de comédie enjouée aborde une infinité de sujets graves qui sont peut-être encore plus à l’ordre du jour aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Le tissu industriel de l’Europe toute entière est en lambeau. Le travail lui-même semble avoir perdu sa raison d’être en tant qu’activité de production. Le racisme anti-pauvre se fait de plus en plus virulent (sans papiers, sans droits, sans toit, sans dents…). Le racisme tout court prend ses aises dans la sphère publique et il règne encore et toujours un climat d’hystérie généralisée à chaque avancée des droits des homosexuels. Les malades du SIDA ne servent certes plus d’épouvantail (en Europe en tout cas), mais la peur de l’épidémie est périodiquement agitée (grippe aviaire hier, virus Ebola aujourd’hui) pour stigmatiser telle ou telle communauté… Dans un tel contexte, Pride ne fait pas seulement oeuvre de mémoire pour tirer des oubliettes un moment historique hors du commun – ce qui ,en soi, est déjà beaucoup – mais il rame vigoureusement à contre-courant en proclamant haut et fort que l’espoir est possible, qu’il peut servir à quelque chose de se battre et que l’ utopie loin d’être une fumisterie définitivement has been est bel et bien le moteur, non seulement de l’Histoire, mais de nos vies. Pour reprendre les mots d’ Edouard Glissant, Pride remet en l’ordre du jour la « nécessité indissociable du poétique et du prosaïque » ou comme le dit humblement la chanson: « Yes, it’s bread we fight for, but we fight for roses too ».

Sur le web

Le scénario est inspiré du parcours de militants homosexuels, qui se sont mobilisés pour aider des mineurs en grève au Pays de Galles en 1984. Lorsque le projet a été proposé par le producteur et le scénariste, personne ne croyait à cette histoire. Mais après maintes vérifications qui ont confirmé cette dernière, Stephen Beresford se lança dans l’écriture du scénario. Le producteur, David Livingstone s’exprime à ce sujet : « Si Pride est drôle et émouvant, c’est surtout une histoire vraie. Du coup, c’est d’autant plus fort de voir ces personnages qui, au départ, s’opposent, puis qui font front commun. » Il se passa deux ans entre la première rencontre du producteur David Livingstone avec le scénariste Stephen Beresford, et la sortie du film. Deux années durant lesquelles Beresford s’est documenté pour son scénario, et notamment grâce à la découverte d’une vidéo du mouvement LGSM – Lesbians and Gays Support the Miners. Il retrouva quelques membres du groupe via les réseaux sociaux, qui l’orientèrent vers le co-fondateur du mouvement, Mike Jackson, détenteur des archives. A l’écriture, il décida ce qui devait être de l’ordre de la fiction et de l’histoire vraie.

Cette histoire a constitué l’occasion idéale de donner forme à une comédie dramatique grand public sur les droits des homosexuels et des syndicats : « C’est une histoire d’une importance capitale, et je pense que le LGSM a, sans le vouloir, contribué à faire tomber les barrières et les préjugés, ce qui a permis aux droits des homosexuels d’être reconnus et protégés par la communauté LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels), le manifeste du parti Travailliste et le Congrès des Syndicats. Les Gallois ont vraiment eu le sentiment que personne n’avait encore reconnu ce que ces jeunes gens ont accompli, et tous les gens que nous avons rencontrés étaient heureux d’en parler et de voir l’aboutissement de leur combat enfin représenté à l’écran« , raconte le scénariste Stephen Beresford. Il poursuit : « Je tenais par-dessus tout à ce que la Gay Pride soit représentée comme un événement politique, et pas comme un carnaval.« 

Il était évident pour le scénariste et le producteur de faire appel au metteur en scène Matthew Warchus pour réaliser Pride : « Il nous fallait quelqu’un qui comprenne de manière quasi viscérale le propos et qui ait passionnément envie de raconter cette histoire« , souligne Livingstone. De plus, l’histoire de Matthew est étroitement liée au scénario, car durant son adolescence, il a vécu près de la plus grande centrale à charbon d’Europe, dans le Yorkshire. Il raconte : « Je me souviens des piquets de grève à l’extérieur de la centrale, lorsque je me rendais au lycée. Ce conflit historique a été l’un des moments les plus marquants de ces années très sombres au cours desquelles j’ai acquis une conscience politique : j’ai grandi entre les tests d’alertes aériennes en cas d’attaque nucléaire, les attentats de l’IRA et, bien entendu, le SIDA.« 

La star britannique Bill Nighy explique pourquoi il a choisi de prendre part à ce film et témoigne de son expérience de tournage : « C’est l’un des meilleurs scénarios que j’aie jamais lu », confie-t-il. « Je n’ai pas hésité une seconde à donner mon accord. J’irais même jusqu’à dire qu’il s’agit du film le plus important de l’année, dans le genre évocation historique. Le croisement de ces deux intrigues – la grève des mineurs et l’histoire de la communauté gay d’Angleterre – est remarquablement mené. On ne peut pas se permettre de raconter n’importe quoi, d’autant plus que ces événements n’ont cessé d’être dévoyés et déformés depuis qu’ils ont eu lieu. C’est l’une de mes meilleures expériences.« 

L’équipe du film a tourné dans le sud du Pays de Galles, à Londres et ses alentours, investissant le village où se sont déroulés les évènements de 1984. Matthew Warchus raconte : « Il se situe sur une ancienne voie romaine, très intéressante sur le plan esthétique, et qui fait penser à un décor construit au milieu de nulle part, à l’image d’une petite ville de western. (…) C’était un lieu très fort et les fantômes du passé y rôdent encore« . L’équipe tourna sous les yeux intrigués des villageois qui, malgré une petite appréhension de départ, bravèrent le froid pour assister au tournage. Simon Bowles, le chef décorateur, a eu la lourde tâche de reconstituer l’univers anglais des années 80. Avec peu d’images sous la main, il demanda directement aux gens de la région de lui prêter les leurs. L’équipe a construit des devantures de magasins pour représenter la rue de Bloomsbury où se trouvait la librairie Gay’s the Word, et le foyer des mineurs a été reconstitué dans un centre sportif à la périphérie de Londres.

Le film est sélectionné en clôture de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2014.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

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