Punishment Park


 


Samedi 25 mars 2006 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Peter Watkins – USA – 1971- 1h28 – vostf

Fable politique inspirée par l’application du McCarren Act, une loi d’exception votée en 1970 à la faveur d’une aggravation du conflit au Nord-Vietnam, autorisant à placer en détention « toute personne susceptible de porter atteinte à la sécurité intérieure ».Dans une zone désertique du sud de la Californie, un groupe de condamnés est amené, contre la promesse de leur libération, à traverser jours le désert à pied, sans eau ni nourriture, pour atteindre le drapeau américain sans être capturés par les forces spéciales armées et motorisées lancées a leur poursuite.

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Peter Watkins a le goût de l’agitation : il a construit sa réputation chez les contestataires grâce à sa défense acharnée de toutes les libertés. Son discours fustige l’utilisation des médias de masse par le pouvoir en place, qui lui permettent, grâce à l’appui des grandes instances financières, de diffuser ses idées à travers le pays. Dès ses débuts, le cinéma permet à Peter Watkins de s’insurger contre une institution politique, la guerre, stigmatisée dans son premier court-métrage, Journal d’un soldat inconnu. Punishment Park fait partie de ces brûlots cinématographiques qui jalonnent la carrière du réalisateur.

Punishment Park a été tourné en août 1970, dans le désert de San Bernardino, à une centaine de kilomètres de Los Angeles. Le casting mêlait de jeunes acteurs professionnels à un grand nombre de non-professionnels, venus principalement de Los Angeles.

Le film, bien que projeté au Festival de Cannes en 1971 et apprécié par la critique européenne, a été très mal reçu par les journalistes américains. A sa sortie aux Etats-Unis, dans un petit cinéma de Manhattan, il est apparu assez vite que le distributeur ne prendrait pas le film en mains, peut-être à cause des rudes critiques de la presse, peut-être à cause de pressions de la part des autorités. Punishment Park n’est resté à l’affiche que quatre jours. Depuis, le film a rarement eu l’honneur d’une ressortie aux Etats-Unis et n’est jamais passé à la télévision.

Pour mieux rendre compte de la gravité de l’évènement, le film utilise une forme documentaire. Les militants qui y apparaissent jouent leur propre rôle, chacun représentant les différents courants (pacifistes, objecteurs de conscience, militants des droits civiques, féministes…) qui ont animé le mouvement général contre la guerre au Viêt Nam à la fin des années 1960. Tourné lui-même à l’époque du conflit, le film résonne comme une mise en garde.

Le scénario de Punishment Park procède d’une uchronie. Il développe les conséquences possibles d’une extension de la déclaration d’état d’urgence par le Président des États-Unis pendant la guerre du Vietnam qui a, dans la réalité, été décrétée temporairement. En outre, le McCarran Act, amendé dans les années 50, qui fut appliqué par Nixon, autorisait à placer en détention toute personne susceptible de mettre en péril la sécurité du pays, et ce, sans en référer le Congrès. On mesure tout au long du film l’impact de cette décision qui implique une limitation considérable de la liberté d’expression, compte tenu de l’attachement historique des États-Unis à ce droit fondamental.

 » En 1950, Patrick McCarran, le président de la commission d’enquête sur les activités anti-américaines, propose un projet de loi afin d’interdire les organisations « ayant pour but avoué ou inavoué d’obtenir un changement de régime politique aux USA », projet prévoyant notamment l’inscription automatique de tout sympathisant communiste auprès des autorités. Les sénateurs libéraux, par crainte de passer pour des faibles ou des collaborateurs auprès du public (à l’heure où les communistes sont en Corée du Sud), proposent de leur côté la mise en place d’un plan de détention pour les personnes susceptibles de commettre des actes de sabotage ou de terrorisme. La proposition est reprise par McCarran qui intègre à son projet l’enfermement des suspects dans des camps « aussi longtemps que le requiert l’enquête sur le danger supposé que ces individus font courir à la Nation et sans qu’ils puissent avoir recours à un avocat ou communiquer avec l’extérieur ». Harry Truman s’oppose violemment à cette proposition de loi (« Nous devons protéger notre sécurité nationale, certes, mais nous abandonnerions notre plus précieuse tradition si nous laissions restreindre nos libertés fondamentales. Le coup fatal porté à la Bill Of Rights ravira les dictateurs du monde entier car il ridiculise notre volonté de servir d’exemple pour la liberté dans le monde ») et il présentera le projet des libéraux comme « la proposition de loi sur les camps de concentration ». Mais le sénat américain passe outre le veto du président et la loi est adoptée, les libéraux devant accepter de voter pour l’ensemble du projet pour voir leur contribution mise en avant. Le McCarran Act est toujours en vigueur aujourd’hui. Peter Watkins part donc de cette loi pour livrer sa vision de la politique américaine : un gouvernement fascisant, impérialiste, qui bafoue la liberté de parole, qui écrase la jeunesse révoltée. Une critique radicale qui est déjà à l’œuvre au sein même de la production cinématographique américaine depuis 1967. Watkins ne fait finalement que s’engouffrer dans la brèche contestataire ouverte au sein de l’industrie hollywoodienne par des films comme Bonnie & Clyde et Easy Rider. Punishment Park est, sur le papier, un film d’anticipation qui prend comme point de départ le contexte politique de l’Amérique du début des 70’s. On y parle de la guerre du Vietnam, des mouvements pour la paix, de la lutte pour les droits civiques ou encore pour l’égalité hommes / femmes, on y évoque la façon dont le gouvernement écrase toute velléité contestataire. Watkins ne fait que pousser un peu les choses en inventant un camp punitif et une traversée du désert qui se transforme en chasse à l’homme. Pour le reste, tout est factuel: les arrestations arbitraires, les tribunaux d’exceptions, les jugements expéditifs… Les acteurs qui incarnent les militants sont tous issus des mouvement contestataires. Ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent, les histoires qu’ils racontent viennent de leur propre vécu. De même, en face, plusieurs des acteurs interprétant les membres du tribunal ont été choisis par Watkins dans une population s’opposant à tous ces mouvements, le cinéaste leur demandant simplement de dire ce qu’ils pensent réellement de ces jeunes, de leur lutte et eux d’embrayer avec leurs propres mots, souvent d’une violence inouïe. De même les policiers sont interprétés par des militaires d’une base militaire située non loin du lieu de tournage. Grâce au procédé adopté par Watkins (prendre des acteurs qui sont ce qu’ils doivent incarner à l’écran et les laisser s’exprimer), les scènes de tribunal de deviennent une saisissante captation de la confrontation entre deux Amériques : d’un côté ceux qui se sont révoltés, qui ont été battus par les policiers, qui ont connus le racisme ordinaire, les brimades, les arrestations abusives, les humiliations, et de l’autre la population conservatrice qui se sent en danger, qui voit son monde vaciller. On voit la rhétorique se mettre en place, s’inventer dans ces échanges où chaque camp essaye d’ouvrir les yeux de l’autre. Et l’on constate que la dialectique ne produit rien, que chacun parti campe sur ses positions, que rien ne se transmet. Ce constat amer devient la photographie d’une Amérique définitivement fracturée, coupé en deux et dont les sutures ne peuvent plus cicatriser…La façon dont Watkins s’attaque à son autre cible, les médias, est certainement ce qui, aujourd’hui encore, demeure le plus intéressant. Pour rappel, Watkins s’oppose dans son travail de cinéaste à deux aspects des médias audiovisuel et cinématographique : ce qu’il nomme la monoforme  (« modèle narratif et uniforme imposé par Hollywood et les mass media audiovisuels ») et l’horloge universelle qui guide toute la production médiatique (pour faire court, le formatage des durées à 26 ou 52 minutes, quelque soit le sujet abordé). Watkins se pose directement contre le cinéma hollywoodien classique et, par son procédé filmique, en dénonce le formatage et la propagande qui y est selon lui larvée, propagande masquée par l’efficacité de la forme adoptée par l’industrie du rêve…Watkins met en avant dans Punishment Park les outils du langage documentaire que les médias utilisent. Il use de tous les ressorts cités au dessus et les montrent comme faisant partie intégrante d’une œuvre de fiction. S’il parasite constamment la fiction par le style documentaire afin de lutter contre la monoforme du cinéma hollywoodien, il utilise aussi la fiction pour dénoncer l’hypocrisie et le mensonge à l’œuvre dans les mass media audiovisuels.C’est là, tout simplement, que réside la force de Punishment Park et qui fait que ce film devrait encore aujourd’hui être utilisé dans toutes les salles de classes : en une heure et demi de temps, il permet à tout un chacun de comprendre comment fonctionne la télévision, des reportages aux reality show (phénomène que le film anticipe d’ailleurs brillamment). Une œuvre citoyenne en quelque sorte, un film de service public.  » (dvdclassik.com)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Amnesty International et CSF.

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