Ram-Leela



Dimanche 27 Février 2022 à 16h – 19ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Sanjay Leela-Bhansali, Inde, 2013, 2h34, vostf

Transposez Romeo et Juliette, l’oeuvre de Shakespeare, dans le splendide paysage du Gujarat en Inde, vous obtenez Ram-Leela. Deepika Padukone et Ranveer Singh interprètent le couple mythique et donnent vie à ce tableau de mille et une couleurs.

Notre article

par Bruno Precioso

Le tournage de Padmaavat, début 2017, valut à Sanjay Leela Bhansali d’être passé à tabac par des groupes de RSS (extrémistes de la doctrine de l’hindutva) qui brûlèrent une partie des décors, convaincus que le cinéaste cherchait à offenser l’image de la princesse rajpoute Padmavati. Avec une adaptation de Roméo et Juliette, nul doute que le réalisateur avait pris moins de risques en 2013… il lui fallut néanmoins compter avec les plaintes et pétitions déposées par les associations alléguant que le titre initial (Ramleela) jouait sur la confusion avec Ramlila, représentation théâtrale traditionnelle du Ramayana, et pouvait heurter les sentiments religieux des hindous. Quoique le titre fût changé deux fois, la sortie du film sous le nom de Goliyon Ki Raasleela Ram-Leela (à peu près « Une divine danse de balles : Ram-Leela ») fut interdite dans l’Uttar Pradesh. Le cinéma est une affaire sérieuse en Inde. Il est vrai que les films, construits sur les tiraillements de personnages écartelés entre amour et tradition, convoquent les valeurs hindoues par excellence : l’amour et le mariage (sacrés), le respect des parents, la vie familiale, la fidélité en amitié…. La « vigilance citoyenne » qui a accompagné la montée en puissance du BJP, puis depuis 2014 ses victoires électorales, double une censure toujours vivace : le baiser par exemple longtemps proscrit, est maintenant minuté comme au temps du code Hayes (pour Ram-Leela, Bhansali dut encore accepter la coupe de baisers jugés indécents). Mais la chanson permet de placer dans la bouche des acteurs des paroles capables de contourner la censure : chant et danse se substituent aux gestes que le duo amoureux ne peut accomplir, comme les scènes de « sari mouillé » s’affranchissent de l’interdit de la nudité féminine (jusqu’à susciter même des relectures ‘‘hindou-compatibles’’). De même la danse traditionnelle, élément constitutif de la culture indienne, est un motif narratif essentiel à la mise en scène des tensions. Comme dans le théâtre traditionnel, l’acteur utilise tout son corps pour exprimer ses émotions – d’où la tension vers la danse. Le kathak, le plus réutilisé au cinéma, en est un bon exemple : il remonte aux conteurs médiévaux, devient au XVIème siècle une danse de cour sophistiquée et rythmée, très codifiée (mimiques du visage, position des pieds, des mains). Le cinéma puise dans ce fonds culturel, l’adapte, le transpose dans le registre de la variété, mais certains gestes, certaines positions de la danse traditionnelle, doivent rester identifiables par le public. De même, plus rarement, les chorégraphes emprunteront certaines postures au bharata natyam, danse classique née dans les temples.

« On le fera quand on le fera, et ce sera aussi long que ce sera. » (Peter Brook, au sujet du Mahabharata)

Ce n’est donc pas un hasard si S.L. Bhansali, admirateur de Guru Dutt, pose l’identité musicale comme préalable à la réalisation. Il faut dire que c’est là son premier métier : à ses débuts à 26 ans il est en charge de la musique de Parinda (The Pigeon, 1989), fonction à laquelle il ajoute en 1993 celle de scénariste pour 1942 : A Love Story. Il choisit pour son premier passage derrière la caméra un sujet inhabituel à Bollywood (Khamoshi : The Musical, 1996) qui explique sans doute son échec relatif, effacé par le succès de son 2e long, Hum Dil De Chuke Sanam (1998) : 5 Filmfare Awards, qui ouvrent à S.L. Bhansali la voie pour un projet ambitieux, une nouvelle adaptation cinématographique (la 13e alors) du roman de Sarat Chandra Chatterji Devdas, souvent considéré comme un « Roméo et Juliette » indien. Le retentissement de l’adaptation du Devdas (2002) par S.L. Bhansali est immense, et le succès national et international est tel qu’il mène le réalisateur à Cannes et son film aux Oscars, et surtout à une liberté de réalisation qui semble à la hauteur d’un appétit sans limite.

Ce sont ensuite Black (2005) unanimement salué, puis Saawariya, inspiré des nuits blanches de Dostoïevski, avant le moins bien accueilli Guzaarish (2010) qui interrompt pour 3 ans la réalisation avant ce Ram-Leela pour lequel S.L. Bhansali s’est à la fois chargé de la composition de la musique, de la réalisation, du montage, et bien entendu de l’écriture – qui prend certaines libertés avec le Roméo et Juliette canonique. Si la filiation shakespearienne peut sembler une conséquence logique de l’imprégnation culturelle post-coloniale de l’Inde, elle est surtout parfaitement à son aise dans l’antique mélange des genres du théâtre indien qui mêlait tragédie, comédie, incorporait la danse, la musique, la poésie, la chanson… musique et chant étant souvent aussi importants, voire plus importants que le texte. Les productions théâtrales nourries de mythologie du Mahabaratha et du Ramayana ont posé les bases de la narration cinématographique : la vraisemblance de la narration comme des enchaînements de plan cède le pas aux couleurs, aux costumes traditionnels, à l’inventivité de décors souvent baroques ; la musique et la danse occupent une place dynamique dans une trame, souvent ténue, qui repose généralement sur une histoire d’amour plus ou moins impossible (il faut tout de même faire tenir le récit sur des durées conséquentes), où les blocages sociaux ou religieux jouent à plein. Le développement du playback dès les années 1930 a véritablement lancé l’industrie du filmi song où les interprètes professionnels des chansons sont des stars au même titre que les acteurs, certains même de véritables légendes : Mohammed Rafi et ses 26.000 morceaux ou Lata Mangeshkar, 40.000 enregistrements en 70 ans de carrière, dont la disparition le 6 février 2022 a suscité une vive émotion dans le monde indo-pakistanais. Au-delà du cinéma les chansons font l’objet d’un marché immense, dont les albums sortis souvent avant les films eux-mêmes participent à plein du succès ou de l’échec commercial. Longtemps, le talent d’un réalisateur s’évalue à la finesse de l’insertion des morceaux chantés, puis de plus en plus chorégraphiés avant d’être ouvertement dansés, parfois sans grande préoccupation de la cohérence narrative. Pour un réalisateur indien, naître à Mumbai semble donc une évidence tant l’ombre de Bollywood s’étend sur tout le cinéma du sous-continent. Pourtant les films tournés en hindi (ou en marathi) des studios de Bombay ne représentent que 250 des 1800 films produits en Inde tous les ans, dans 22 langues ; ce sont toutefois les plus rentables (46% du box office, presque 2 milliards d’entrées chaque année), les plus symboliques aussi pour l’image du cinéma à l’étranger. Cette image un peu folklorique s’est construite sur une réception duale à l’étranger, le cinéma indien rayonnant de l’Asie du sud et du sud-est jusqu’à l’Afrique et au Maghreb tandis que les réalisateurs retenus en Occident sont plutôt ceux dont le cinéma est le moins typé, à l’image d’un Satyajit Ray qui bannit de ses films chants et danses – et presque jusqu’à la musique elle-même. Rappelons à ce titre que lorsque Chetan Anand reçut à Cannes le Grand Prix en 1946 pour Neecha Nagar (La ville basse) le film avait pour l’occasion été amputée d’une chanson et de toutes les scènes de danse. Ce n’est que dans les années 1990 que le terme Bollywood (apparu au tournant des années 70) devint pour le grand public européen ce synonyme d’exubérance qu’il est aujourd’hui, au moment où s’ajoutait au cocktail masala (chant, danse, histoire d’amour) une bonne dose d’action et de violence sur décor de slums de Bombay. Les films de gangsters et thrillers ne chassèrent ni les chansons ni les danses, toujours centrales lorsque le new Bollywood remit au goût du jour un romantisme dont Ram-Leela est un bon représentant : la souplesse de la trame narrative qui inclut temps morts ou répétitions stratégiques, produit de très longues représentations au cours desquelles le spectateur reste libre de sortir, revenir, commenter ou reprendre les chansons… une liberté qui n’eût peut-être pas déplu du côté de Stratford-upon-Avon.

Sur le web

Deux familles s’affrontent depuis des temps immémoriaux dans la petite ville — fictive — de Ranjaar au Gujarat. Les deux clans sont si remontés que les balles sifflent à la moindre occasion. On pourrait même croire que la ville entière est peuplée de francs-tireurs collectionnant armes et munitions. Ram (Ranveer Singh) est le fils du chef de la tribu des Rajadi. Contrairement aux hommes de famille, il est bien plus porté sur la bagatelle que la vendetta. De l’autre côté, nous avons Leela (Deepika Padukone), la fille de Dhankor Baa (Supriya Pathak) qui mène les Sanera d’une main de fer.

Lors de la fête de Holi, Ram aperçoit Leela. Leela remarque Ram. Elle n’est pas farouche, il n’est pas timide, ils se plaisent instantanément. Leur amour serait peut-être possible sans leurs frères belliqueux. Meghjibhai Rajadi (Abhimanyu Singh) comme Kanjibhai Sanera (Sharad Kelkar) ne rêvent que d’en découdre. Inconsciente de l’étincelle qui pourrait déclencher la déflagration, Baa prépare le mariage de sa fille. Il semble qu’un prétendant venant de Londres ait été déniché. Mais Leela n’est pas intéressée, car elle ne pense qu’à son meilleur ennemi, Ram. Dans l’ombre, le cousin fourbe, Bhavani Sanera (Gulshan Devaiah), attend son heure…

L’Inde est si attachée à son cinéma que la sortie de la plupart des films est scrutée avec la plus grande attention, dans l’idée bien sûr de protéger la population. Cela commence avec le bureau de censure qui a usé ici de ses ciseaux aiguisés pour tronquer une scène de baiser trop passionnée. Et puis les groupes autoproclamés défenseurs de toutes sortes de choses, sur la foi de rumeurs, n’hésitent pas à attaquer les producteurs en justice pour changer les dialogues, le scénario, ou encore simplement empêcher la projection. En général, seuls quelques mots sont modifiés ou effacés en postproduction. Mais Ram-Leela a eu a souffrir d’une interdiction de diffusion à deux jours de sa sortie en salle.

Le problème réside dans le titre même du film. Ramlila est une représentation théâtrale populaire du Ramayana. Il n’en fallait pas plus à des intégristes hindouistes pour crier au blasphème. Sanjay Leela Bensali a eu beau argumenter que son Ram et sa Leela n’étaient inspirés que de Roméo et Juliette, rien n’y a fait. Pour tenter d’apaiser les tensions, le titre a été transformé dans l’ urgence en Goliyon Ki Raasleela : Ram-Leela, ce qui peut se traduire par « Une divine danse de balles : Ram-Leela ». Pour être certain d’être compris, une annonce indiquant qu’il ne s’agit en aucun cas de la vie de Rama a été ajoutée en préambule au film, qui comporte donc quatre messages pour : calmer les religieux, bien dire que c’est mal de fumer, en rajouter sur le fait que c’est une œuvre de fiction, et enfin rassurer les amis des animaux.

Finalement, le film a réussi à sortir à la date prévue, le 15 novembre. Il n’est pas certain qu’il puisse être vu partout en Inde, mais par la magie du format numérique, il a voyagé à la vitesse de la lumière pour atterrir sur les écrans français le même jour. Et par chance, nous sommes même exemptés des deux premières annonces.

Comme Vishal Bhardwaj, Sanjay Leela Bhansali réalise des films dont il a la maitrise totale : la réalisation, la production, la musique et l’écriture. Ici, il a même poussé la mainmise jusqu’au montage de Ram-Leela. Il s’agit donc d’une oeuvre totalement personnelle, dans la lignée de Guzaarish et de Saawariya. Il nous propose une fois de plus ce qui constitue un de ses signes distinctifs, des décors baroques très raffinés aux couleurs flamboyantes et extrêmement appuyées. Le rouge, le vert et le bleu se mêlent très harmonieusement pour le plus grand plaisir des yeux. A la différence de ses œuvres précédentes, en particulier Devdas, les scènes d’extérieur sont suffisamment nombreuses pour que l’on n’ait pas l’impression d’être enfermé en studio. Nous sommes plongés dans un univers féerique où la respiration est possible.

Ce monde d’une beauté à couper le souffle n’a rien de réel. Il est intemporel avec des objets actuels comme les téléphones portables, mais aussi des voitures des années 50. C’est un écrin où évoluent les amants tragiques, Ram/Roméo et Leela/Juliette. L’histoire est en effet inspirée de William Shakespeare avec toutefois des variations importantes. Les auteurs nous laissent par exemple entrevoir à un instant un dénouement analogue à celui de Pyrame et Thisbé, mais ils bifurquent au dernier moment. La trame est cependant conservée, nous donnant droit à une magnifique scène du balcon, aussi drôle qu’émouvante, sur des images dans des tons verts incroyables. On pourrait penser à un pur exercice de style, mais c’est bien plus que cela.

Ram-Leela fait une place très importante aux femmes. Leela est plus forte que Ram, plus intéressante aussi. C’est elle qui le choisit en l’embrassant à bouche que veux-tu, et elle n’est pas en reste dans les allusions fines qui fusent à peu près autant que les balles. Lorsqu’ils se retrouvent à la tête de leur clan respectif, elle assume ce rôle que Ram refuse. Ce personnage féminin très fort fait écho à celui de Baa, la matriarche des Serana, bien plus énergique et décidée que le Don des Rajadi qui abdique. Plus encore que dans Ishaqzaade, les hommes sont des brutes prêts à aller jusqu’à l’ignominie, et l’espoir ne peut venir que des femmes.

Le film va plus loin encore dans la modernité en ne faisant pas de ces femmes des personnages transgressifs. Leela n’est pas enfermée dans un univers masculin, et elle peut trouver de l’aide parmi les autres femmes de la famille. Ce n’est pas le cas de Ram, totalement isolé, perdu, qui n’a personne vers qui se tourner. Il commence comme un joli cœur arrogant, sûr de sa virilité, pour finir en marionnette d’un ordre établi qui le dépasse. Tout comme Devdas qui meurt de ne pas pouvoir surmonter la perte de Paro, Ram n’est plus rien lorsque Leela s’éloigne. Sanjay Leela Bhansali nous montre une nouvelle fois la défaite des hommes. Il aurait peut-être été mieux inspiré d’appeler son film Leela-Ram.

Les deux acteurs principaux sont merveilleux de complicité. Leurs scènes comme leurs danses sont délicieuses. Deepika Padukone, la vraie tête d’affiche, est d’une beauté ahurissante au point qu’elle éclipse l’item-number de Priyanka Chopra. Ranveer Singh n’est pas en reste avec un physique impressionnant et une moustache très élégante. Les personnages secondaires sont tous parfaits. Supriya Pathak est un des meilleurs Don qu’on ait vu depuis longtemps. Richa Chadda et Barkha Bisht, les deux belles-sœurs sont très émouvantes. Pour être juste, les personnages masculins sont également impeccablement rendus. Gulshan Devaiah incarne une nouvelle fois un salaud abject à souhait, tandis que Abhimanyu Singh et Sharad Kelkar font deux beaux-frères engoncés dans leur certitude de devoir prendre leur part dans la haine pluriséculaire…

… Sanjay Leela Bhansali nous propose avec Ram-Leela un film personnel aux images étourdissantes. L’histoire de Roméo et Juliette qu’il revisite nous plonge dans une histoire d’amour intense incarnée par deux acteurs éblouissants. Les thèmes abordés s’éloignent de Shakespeare pour plonger au cœur de la modernité. (fantastikindia.fr)

… Ouvertement inspiré de Roméo et Juliette de Shakespeare, le film est aussi clairement influencé par d’autres versions cinématographiques de la pièce tout en gardant une identité hyper-créative et originale qui lui est propre. Ce cocktail et ses références pop ont plu aux Indiens : le film a engrangé plus de 30 millions de dollars pour un budget de 5 à 13 millions. Et c’est mérité tant le film est un vrai tourbillon visuel qui nous plonge dans une ambiance bien particulière… Dans la pièce, Roméo et Juliette ont de l’esprit : ils jouent avec les mots, ne reculent pas devant les images graveleuses et montrent qu’ils ne sont pas aussi innocents qu’ils ont l’air. Ram et Leela aussi sont joueurs et effrontés, s’amusant avec les mots de Shakespeare pour parfois les détourner avec humour. Cette facétie des personnages qui leur donne une sublime légèreté au milieu d’un terrible drame est souvent mal retranscrite dans les adaptations de Roméo et Juliette alors qu’elle participe à donner toute sa dimension à leur tragédie. Ici, c’est chose réussie : on se souvient de nos deux héros comme des personnages joyeux et amoureux de la vie avant que leur destin ne s’enclenche. L’intrigue dévie de celle écrite par Shakespeare à cause d’un choix intéressant de Sanjay Leela Bhansali. Ram et Leela ne sont pas des adolescents pris dans une querelle immature. Ce sont deux adultes dans une vraie guerre de clans. Ils ont la maturité pour que leur histoire ne soit pas qu’une passion adolescente, un peu trop excessive et précipitée, ils ont la maturité pour assumer publiquement leurs responsabilités et s’opposer à leurs familles, mais aussi pour ne pas pouvoir leur échapper complètement. Et c’est aussi parce qu’ils sont adultes que le conflit prend une autre dimension que celle de Roméo et Juliette…

… A plusieurs reprises dans le film, Ram rappelle son homonymie avec le Dieu Rama, avatar de Vishnu, un personnage sage et bon, incarnant les valeurs idéales de la masculinité mais aussi célèbre pour son histoire d’amour indéfectible avec la déesse Sita dont il est pourtant séparé… Par son titre et le nom de son héros, le film s’impose donc à la confluence de deux héritages du Moyen-Âge transposés dans notre époque : une histoire d’amour occidentale et une autre indienne. Le Roméo et Juliette de Bhansali est une vraie réécriture nourrie d’influences orientales. Au-delà du décor, on ressent clairement la spécificité indienne de Ram-Leela

… Qu’il s’agisse de son tatouage représentant un coeur percé d’une flèche, de ses muscles huilés, de son activité de loueur de films porno plus flashys que choquants, de ses poses de flambeur, Ranveer Singh a tout du Roméo moderne mais décalé. Une chanson marque l’aboutissement de cette image pop du personnage : après sa désignation à une fonction importante, il décide de lancer un grand festival en ville en l’honneur de Rama, explosion de couleurs psychédéliques et de musiques entêtantes. C’est l’occasion d’associer aux sources shakespearienne un pan de la culture indienne en faisant référence au panthéon hindou et les motifs de la fête rappellent clairement les imageries indiennes aux couleurs si tranchées qu’on les qualifie hâtivement de kitsch…Les décors et les costumes laissent penser qu’on est dans une sorte de passé idéalisé… Et soudain, Ram et Leela nous sortent de notre rêverie : entre téléphones portables, motels pourris et club de vidéo X, la modernité tranche bizarrement avec l’environnement visuel. Pourtant, cela participe à donner ce côté pop et décalé au film. Les deux héros, en jouant avec le texte de Shakespeare et en se moquant d’eux-mêmes, participent à ce rappel au présent. L’ambiance de Ram-Leela n’a pas pour but de nous convaincre qu’on est dans la réalité mais surtout de nous transporter ailleurs…

… Les rapports sociaux entre les femmes et les hommes ne sont pas mis de côté au nom du divertissement. Sanjay Leela Bhansali créé des héroïnes flamboyantes qui ne laissent pas indifférentes : entre la cruelle Dankor Baa, mère de Leela et leader des Suneras, la déterminée Leela et les belles-soeurs qui ne fléchissent jamais, les femmes de Ram-Leela sont des battantes. Bhansali leur donne d’ailleurs un grand pouvoir d’action, surtout du côté des Suneras mais aussi dans une certaine mesure du côté des Rajaris, et n’oublie pas de pointer du doigt les incohérences de leur statut social. Les femmes sont transformées par les hommes en un enjeu de pouvoir et d’humiliation (les hommes des deux clans cherchent à atteindre leurs ennemis en s’en prenant à leurs femmes) tout en étant parfaitement capable d’exercer elles-mêmes le pouvoir. La famille de Leela le montre bien : la parole et le pouvoir des femmes n’est pas inférieur à celui des hommes et peut même parfois prendre le dessus lorsqu’une situation de crise leur en laisse la possibilité. Les films de Bollywood n’oublient jamais de réfléchir à la condition des femmes : parfois conservateurs mais souvent très libéraux, la place de la femme dans la société y est régulièrement abordée… Le couple de Ram et Leela est effectivement équilibrée en matière de désir, comme l’était celui de Roméo et Juliette : contrairement à beaucoup de Bollywood et conformément à plusieurs rôles de Deepika Padukone, Leela n’a pas besoin d’être lourdement courtisée avant de céder. Ram lui plait instantanément et elle n’a pas peur d’exprimer son désir : leur attirance est absolument égale et réciproque ce qui fait qu’elle prend autant les devants que lui en matière de séduction, sans que ça lui soit jamais reproché…. (20anspasses.wordpress.com)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 16h précises.

Entrée : Tarif unique 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

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