Jeudi 20 Février 2014 à 20h30 – 12ième Festival
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Victor Erice – Espagne – 1992 – 2h13 – vostf
Automne 1990, à Madrid. Le peintre Antonio López commence un nouveau tableau dans le jardin de sa maison. Il choisit un thème qu’il a maintes fois traité par le passé, la maturation de l’arbre fruitier, et s’intéresse à un cognassier qu’il a lui-même planté. Néanmoins, le peintre pousse sa réflexion et tente, pour la première fois, de représenter également la lumière du soleil…
Sur le web
Cinéaste rare qui n’a tourné que trois longs-métrages en plus de quarante ans de carrière, Victor Erice reste dans toutes les mémoires comme le réalisateur du chef d’œuvre absolu du cinéma espagnol des années 70, L’esprit de la ruche (1973). Après avoir signé Le sud en 1983, il s’attaque à un projet en apparence plus modeste en 1990 en tournant un documentaire sur le peintre réaliste Antonio Lopez intitulé Le songe de la lumière. Au lieu de disserter durant des heures sur la vie et l’œuvre du peintre Antonio López, Le songe de la lumière tente de saisir la majesté du geste créateur et par-là même rend le plus bel hommage qui soit à un artiste en le montrant en plein accomplissement de son art.
Le Songe de la Lumière est un documentaire sur un peintre qui tente de représenter un cognassier et le trajet de la lumière sur lui. Du fait des pluies incessantes d’octobre, il ne peut terminer sa toile à l’huile et entreprend durant tout le mois de novembre d’exécuter un dessin au fusain. Début décembre, les coings tombent de l’arbre et il renonce. Il accepte alors d’être le modèle de sa femme pour un tableau hyperréaliste. Il s’endort et rêve d’une caméra qui illumine le cognassier. Au printemps les anciens fruits sont pourris, les nouveaux mûrissent aux branches.
Victor Erice a décidé de faire le film à partir du moment où il a su que Antonio López s’apprêtait à peindre son arbre. Il avait aussi en tête le rêve qui apparaît à la fin comme un mystère à peine dévoilé des rapports entre cinéma et peinture. Victor Erice s’est demandé si la lumière de la caméra était en partie responsable de la pourriture des coings. La peinture est proche de la civilisation millénaire alors que le cinéma est un art brutal, mécanique, cruel et artificiel. La nature est indifférente tout autant à la splendeur qu’à la décomposition. C’est à cette douceur qu’essaie de tendre Le Songe de La lumière.
Ce qui fait du Songe de la lumière une œuvre cinématographique extraordinaire n’est pas tant son attention particulière aux détails de la vie quotidienne que sa volonté de saisir l’essence même de la peinture, à savoir la lumière. Malgré l’emploi d’une caméra à la définition hasardeuse, Victor Erice signe un nombre impressionnant de plans superbes qui tentent de saisir chaque nuance de la lumière du jour, mais aussi du crépuscule.
Lorsque, au bout d’une heure et demie, Antonio López se rend compte qu’il n’arrivera pas à terminer son tableau, le film opère une magnifique volte-face et se love délicieusement dans une poésie intemporelle où le cinéma prend le relais de la peinture. Dans les magnifiques derniers plans du film, la caméra prend la place du peintre et, par un jeu d’éclairages savants, parvient à saisir les nuances que la lumière naturelle ne laissait plus entrevoir.Cette déclaration d’amour à toutes les formes d’art se double alors d’un chant élégiaque à la vie, au temps qui passe et aux saisons qui transforment toute matière vivante en cendre, puis en élément nutritif afin de boucler le cycle perpétuel de la vie. Dès lors, ce qui s’apparentait à un simple documentaire sur un peintre espagnol s’est définitivement mué en un petit chef d’œuvre de poésie, un hymne ô combien passionnant à toute forme de création.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Danyl Vasto.
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