Vendredi 04 octobre 2002 à 20h45
Film de Joel Coen et Ethan Coen – USA – 2001 – 1h56 – vostf
Durant l’été 1949, dans une petite ville du nord de la Californie, Ed Crane soupçonne sa femme Doris de le tromper avec son patron. Un jour, il fait la rencontre d’un voyageur de commerce qui lui propose de faire fortune. Pour cela, Ed devra s’exercer au chantage et aux pratiques les plus illicites.
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Après avoir rendu hommage à l’écrivain Dashiell Hammett dans Miller’s Crossing et à Raymond Chandler dans The Big Lebowski, Joel et Ethan Coen s’inspirent cette fois de l’influence de James M.Cain et par extension des grands classiques des films noirs des années 40 qui ont été tirés de l’oeuvre du romancier. On peut citer ainsi Assurance sur la mort ou Le facteur sonne toujours deux fois.
Selon Joel Coen , l’inspiration de The Barber, l’homme qui n’était pas là ne vient pas d’un roman précis mais plutôt de l’un des décors de ses précédents films. En effet, Le Grand Saut (1994) contenait une scène dans la boutique d’un coiffeur. Sur l’un des murs de l’échoppe, une affiche présentait les différentes coupes de cheveux des années 40. Joel et Ethan Coen commencèrent alors à imaginer une histoire autour du personnage qui réalisait ces coupes.
Frances McDormand avait déjà joué pour les frères Coen dans Sang pour sang en 1984 et Fargo en 1996. La comédienne est par ailleurs l’épouse d’Ethan Coen.
Pour ce premier film de Joel Coen en noir et blanc, le directeur photo Roger Deakins avoue avoir revu quelques films pour la préparation de The Barber, l’homme qui n’était pas là. En autres Tueur à gages (Frank Tuttle, 1942) ou Le Dahlia bleu ( George Marshall, 1946).
«…The Barber est sans doute aucun un film noir, dans la plus pure tradition de ce qui fut l’un des genres majeurs de l’âge d’or hollywoodien. Il n’est pas rare que le cinéma moderne intègre des éléments issus du film noir américain des années 1940-1950 et des œuvres aussi diverses que Blade Runner (Ridley Scott, 1982), Hot Spot (Dennis Hopper, 1990) ou Lost Highway (David Lynch, 1997) le montrent bien. Les frères Coen ont d’ailleurs déjà partiellement touché au film noir dès leur premier opus, Sang pour Sang (1984), et plus encore avec l’extraordinaire Miller’s Crossing en 1990. Mais ce qui frappe avec The Barber, c’est que le neuvième film des deux frères offre presque un archétype du processus – dont les deux hommes sont des spécialistes – de vampirisation du cinéma classique par le cinéma contemporain. En effet, The Barber se veut quasiment un pur film noir et, en tout cas, un très explicite hommage à ce genre. Ainsi l’action se situe-t-elle en 1949 – on l’apprend dès le début puisque Frank Raffo (Michael Badalucco), beau-frère du héros, Ed Crane (Billy Bob Thornton), lit un journal qui parle de la bombe A que viennent de faire exploser les Soviétiques – soit à l’époque où le film noir connaissait son apogée. De plus, elle prend pour cadre la petite ville de Santa Rosa comme un célèbre film de Alfred Hitchcock, L’Ombre d’un doute (1943). Si les œuvres du « maître du suspense » ne relèvent pas directement (bien qu’on les place parfois, par facilité, parmi ceux-ci) du film noir, elles en sont tout de même assez proches. On notera également que le secret et le poids qu’il fait peser sur ceux qui le possèdent est une des thématiques fétiches d’Alfred Hitchcock et celle-ci est également centrale dans The Barber. Par ailleurs, le film multiplie, comme par jeu, les références à des chefs d’œuvres du film noir. Ainsi, l’avocat Freddy Riedenschneider (Tony Shaloub) a-t-il le même patronyme que l’un des héros (Sam Jaffe) de Quand la ville dort (John Huston, 1950). De même, un médecin légiste (Alan Fudge) qui ne fait qu’une très courte apparition se nomme-t-il Diedrickson tout comme –même si l’orthographe est très légèrement différente (Dietrichson) – la célèbre Phyllis (Barbara Stanwyck) d’Assurance sur la mort (Billy Wilder, 1944) alors que l’hôtel dans lequel loge Creighton Tolliver (Jon Polito) s’appelle le Hobert Arms comme l’un de ceux du Grand Sommeil (Howard Hawks, 1946).
Au-delà de ce jeu de citations, c’est bien sûr toute l’esthétique du film noir qui est remobilisée avec l’emploi d’un superbe noir et blanc – signé Roger Deakins – et, surtout, l’omniprésence de la voix off d’Ed Crane qui nous conte son histoire… Le film fait la part belle aux éclairages expressionnistes (nés en Allemagne dans les années 1920 et que le film noir américain des années 1940 et 1950 avait su parfaitement intégrer) et ce tout particulièrement dans les séquences situées dans les prisons, les frères Coen jouant notamment beaucoup des ombres projetée par les barreaux. Fritz Lang, à la fois réalisateur majeur de l’époque dite expressionniste du cinéma allemand puis auteur de très nombreux films noirs dans sa période hollywoodienne, recourait, lui aussi, très souvent à ce type de lumières dans ses scènes de prison (notamment dans J’ai le droit de vivre – 1937). Mais plus encore que le noir et blanc, c’est surtout l’utilisation de la voix off qui est décisive dans The Barber car elle crée, à elle seule ou presque, une parfaite situation de film noir et un enjeu propre à celui-ci. Dans le film, les mots, tous les mots comptent quand bien même la plupart des protagonistes les lancent à tort et à travers à l’exception notable du héros qui est caractérisé par son mutisme en toutes circonstances ou presque. Mais celui-ci possède la voix off…» (desoncoeur.over-blog.com)
« Si les frères Coen n’inventent rien, leurs films inventent tout. Paradoxe à l’origine d’une œuvre majeure qui interroge la société américaine, sa place dans l’histoire, la nature de son identité, mais qui, en une mise en scène complexe et symbolique, met aussi en perspective le septième art, son rôle comme ses enjeux. A l’écran, cette vision à la fois politique et militante de l’Amérique et de son cinéma se traduit toujours par des scénarios alambiqués, où la notion de vérité ne résiste jamais à la multiplication des points de vue. Pirandelliens par essence, les scénarios des frères Coen s’attachent toujours à décrire des êtres simples, parfois naïfs, souvent stupides mais toujours en quête de libre-arbitre, fussent-ils écrivains, truands, coiffeurs ou amateurs de bowling. Des êtres marginaux, dont le parcours, pour correspondre à l’image mythique du rêve américain, se solde toujours par une résignation, voire une compromission terrible. Mais attachés à dépeindre tous ceux qui évoluent hors des valeurs normatives, les Coen n’en ont pas pour autant oublié l’homme de la rue, sujet véritable de toutes leurs interrogations et être perdu, volatilisé, que leurs films s’attachent à retrouver. » (Yannick Dahan/Positif)
« Le sujet du film est donc bien l’homme moderne, l’homme de la rue, cet être fantomatique, cet homme qui n’est pas là, pour reprendre le second titre du film au moment où l’Amérique de 1949 s’effraie de la bombe russe et des extraterrestres et entre dans l’ère des grands magasins tout en se réfugiant dans les valeurs familiales. Cet homme moderne serait alors l’inverse du héros de film noir en prise directe avec les pulsions souterraines du monde ou de l’homme pulsionnel en proie au charme des adolescentes. Même si Nabokov a publié Lolita en 1958, il est probable que le monde décrit soit très proche de celui de 1949 et le plan sur le pied de la jeune Ann lorsque Ed pénètre dans sa chambre renvoie directement au film de Kubrick. Comme Hubert Humphrey ne savait résister à l’attrait de Lolita, Ed voit, contre toute évidence, en Ann une jeune fille parfaite. Ayant refusé de passer à l’acte, il est immédiatement châtié par un accident et la révélation d’un crime qu’il n’a pas commis le conduit à la mort. Malgré une présence identique (magnifique interprétation de Billy Bob Thornton) les mêmes Chesterfield aux lèvres Ed Crane est bien le négatif, en blanc (il croit au lavage à sec) du Philipp Marlowe héros des romans noirs de Chandler. Son seul rêve est d’arrêter les pulsions et, s’il ne supporte pas son métier, c’est autant pour les bavardages incessants de son beau-frère que pour la détermination des cheveux à pousser sans cesse. Le seul personnage vraiment vivant au milieu de ces zombis existentiels (Ed) ou effroyablements banals (tous les autres) c’est évidemment l’avocat Freddy Riedendschneider. Bon vivant sans scrupules, aimant la mode, la cuisine et le luxe, il jouit tout à la fois d’un monde pulsionnel et des plaisirs de l’intelligence. Cette force vitale s’incarne dans la délirante scène de la prison ou, au milieu d’un éclairage expressionniste digne de Fritz Lang, il prend pour ligne de défense la théorie de l’incertitude nouvellement élaborée par Werner Heisenberg. Ce double patronage, expressionniste de Fritz Lang et désincarné de Heisenberg (on ne peut connaître en même temps la place et la vitesse d’un électron) les Coen la revendique dans un lapsus de Riedenschneider qui désigne par les deux prénoms l’auteur de la découverte. Riedenschneider est aussi le nom du personnage de Quand la ville dort de Huston qui a pensé le crime et qui se fait prendre pour avoir trop longtemps regardé une jeune fille danser. » (cineclubdecaeaen.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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