Samedi 15 Juin 2024 à 20h
Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Cristóbal León et Joaquín Cociña, Chili, 2024, 1h02, vostf
Dans les limbes d’un grand studio, notre seule guide est une femme, tour à tour conteuse, actrice, illusionniste qui interagit avec des décors et des effigies en carton-pâte à la Méliès, sur les traces d’un homme bien réel : le dandy néonazi chilien Miguel Serrano (1917-2009), plumitif à l’origine de délirantes théories ésotériques. Fascinante aberration ou symptôme d’un mal plus profond ?
Notre Article
par Josiane Scoleri
Avec ce deuxième long-métrage, Cristobal León et Joaquín Cociña poursuivent leur chemin singulier, fait d’expérimentations tous azimuts et d’engagement politique radical. Ils revisitent à nouveau les pages les plus sombres de l’histoire du XX siècle qui continuent à hanter leur pays, le Chili, avec une bonne dose d’humour noir et d’auto-dérision qui ont de quoi surprendre. Surtout, ils renouent avec l’une des caractéristiques premières du cinéma depuis toujours, la fantaisie débridée d’un Méliès capable d’enchanter le monde avec des bouts de ficelle. Les Hyperboréens se situent clairement dans cette filiation où «bricolage» apparent et numérique font bon ménage. On sent chez les deux réalisateurs une jubilation à mélanger les genres, les dispositifs et toutes les techniques du cinéma, de l’animation, aux marionnettes en pensant par les acteurs en chair et en os: ils font feu de tout bois. Dans Les Hyperboréens, cette dimension gentiment surréaliste se déploie tout naturellement à partir de ce personnage délirant, Miguel Serrano, qui a pourtant bel et bien existé et même marqué l’histoire officielle du pays. Écrivain, ambassadeur, admirateur déclaré d’Hitler et versé dans un bric-à-brac ésotérico-paranoïaque, Miguel Serrano semble tout droit sorti de l’imagination maladive d’un écrivain de «fantasy» en mal d’inspiration. Encore plus surprenant, ses élucubrations ont apparemment encore un écho aujourd’hui dans certaines franges de la population. C’est donc un matériau tout trouvé pour nos deux artistes, capables d’imaginer les scénarios les plus échevelés à partir de faits historiques. C’était déjà le cas avec leur premier long-métrage La casa Lobo qui avait pour point de départ la sinistre «Colonia Dignidad». Avec Les Hyperboréens, s’affirme la volonté des deux cinéastes de ne pas occulter les «trucs de fabrication», les stratagèmes, les moyens techniques mis en œuvre dont ils revendiquent la beauté en soi, au-delà du produit fini qui est le film lui-même. D’ailleurs, le film est né d’une exposition- installation qui a servi de plateau de tournage, les œuvres exposées devenant, sous le regard des visiteurs, à la fois les éléments du décor et les personnages du scénario. C’est un parti pris très radical, casse-gueule au dernier degré, mais qui visiblement tient à cœur aux deux compères. C’est aussi une déclaration de foi dans les pouvoirs du cinéma et dans la capacité du spectateur à se laisser embarquer dans une aventure inédite et à accepter de perdre ses repères – «comme dans un long tunnel», dixit les réalisateurs. Le recours au film dans le film, qui parcourt toute l’histoire du cinéma prend ici un relief tout particulier. Colón et Cociña y apparaissent dans leur propre rôle, en tant que réalisateurs, mais sous forme de marionnettes où seule leur tête est modelée grandeur nature ( sic!).
Ce qui est encore plus ahurissant, c’est qu’ils arrivent à nous faire prendre pour argent comptant les dialogues entre eux en figurines et Antonia, seule actrice du film, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Et pour corser le tout, ce n’est pas leur voix qu’on entend, mais celles de deux personnalités très connues au Chili: le grand acteur Jaime Vadell, véritable monument du théâtre et du cinéma chilien et et le présentateur de télé et de radio, Marcelo Liapiz dont tout le monde reconnaît immédiatement la voix dans tout le pays. Antonia est notre guide dans le labyrinthe du film. La fonction d’identification propre au cinéma fonctionne à plein régime en vis à vis de ce personnage qui est le seul à permettre un effet miroir avec le spectateur sur toute la durée du film. Même si le personnage du Métalleux est également joué par un acteur, son visage apparaît la plupart du temps très maquillé, voire en carton pâte, avec un effet de distanciation immédiat. D’autant plus que c’est précisément lui qui introduit le fantôme de Miguel Serrano dans le récit. Tous ces éléments s’imbriquent les uns dans les autres, mêlant différents niveaux de perception, des faits historiques au délire, du rêve au cauchemar et retour. On se perd en route, on est perplexe, on se retrouve avec des moments «Mais, c’est bien sûr», on se prend au jeu et c’est drôle. Et quoiqu’il arrive, même si on ne comprend pas tout, on ne s’ennuie pas une seconde. De fait, León et Cociña ne se contentent pas d’évoquer la figure extravagante de Miguel Serrano, passablement oubliée de nos jours, ils tirent aussi au passage sur Jaime Guzman (qui figurait déjà dans leurs films précédents) conseiller de Pinochet et rédacteur de la Constitution promulguée par la dictature… Texte toujours en vigueur aujourd’hui, à quelques amendements près. On sait que le grand exercice de rédaction collective lancé par le gouvernement Boric en 2021 pour doter le pays d’une Constitution démocratique n’a pas abouti. Le texte a été rejeté par referendum… Sic transit gloria mundi…
C’est précisément cette manière de raccorder passé et présent, monde réel et monde onirique qui fait tout le sel – et la réussite- du film. Loin d’être un pur exercice formel où les réalisateurs se feraient simplement plaisir en laissant libre cours à leur imagination débordante, Les Hyperboréens est un film éminemment politique qui appuie là où ça fait mal dans une société chilienne toujours marquée par le traumatisme des différentes dictatures du XXème siècle où l’idéologie nazie a joué un rôle-clé bien au-delà de la durée du régime hitlérien en Allemagne… Au-delà de cet aspect politique stricto sensu, le film avec son aspect low-tech fièrement revendiqué pose aussi la question de l’emprise des technologies de l’information sur nos sociétés, d’un ordinateur antédiluvien à l’utilisation de l’I.A. par justement le fameux Guzman, capable ainsi de gouverner post-mortem. La métaphore est transparente. Nos deux artistes sont bien ancrés dans le réel. Sans doute font-ils des films pour tenter de le comprendre et ne pas subir l’évolution du monde tel qu’il va, ou plutôt ne va pas…
Sur le web
Le dernier film The Hyperboreans des cinéastes chiliens Cristobal León et Joaquin Cociña mélange marionnettes, stop-motion et live-action dans une allégorie politique étrange. Le film a été présenté en avant-première à la Quinzaine des Réalisateurs 2024 dans le cadre du 77e Festival de Cannes.
The Hyperboreans (Los hiperbóreos) ne font pas de distinction entre réalité et fantaisie. Le film parle ostensiblement de l’actrice Antonia Giesen, qui joue elle-même, racontant une histoire racontée par une patiente à partir de son expérience réelle de psychothérapeute : la patiente, dont l’histoire parle d’une super-race cachée au Chili, se révèle bientôt être le tristement célèbre diplomate chilien et sympathisant nazi Miguel Serrano. Giesen rencontre les cinéastes eux-mêmes – représentés par des sculptures grossières – qui la lancent dansun voyage absurde pour retrouver un semblant de vérité.
Le reste du film est à la fois politique et absurde , même si León et Cociña se soucient davantage du sentiment que de la forme. Cette approche rebelle du cinéma s’est manifestée dès le début : León et Cociña ont commencé leur carrière en tant qu’artistes visuels et ont d’abord utilisé le cinéma comme moyen de documenter les processus de leurs peintures et sculptures . Leur film de 2018, The Wolf House (Los huesos), a capturé succinctement cette philosophie : le film est une série de photos de milliers de peintures dessinées et effacées sur les murs d’une maison modèle, créant un style de vie en stop-motion qui est devenu la signature du duo.
Ce style est omniprésent dans The Hyperboreans , mais il pousse encore plus loin la mentalité déconstructrice : il mélange les conventions de genre et les pastiches des films de série B fantastiques et de science-fiction avec une présentation radicalement sans façade, où les cordes de marionnettes, les pièces mobiles et même les plateaux de tournage sont tous exposés au public. Le résultat est un film presque impossible à cerner en termes de genre ou de style, mais immédiatement identifiable comme un produit de León et Cociña.
Interrogé sur la genèse du film , Joaquin Cociña confie qu’ »à l’origine, la première idée était de faire une adaptation d’un des romans chiliens de Bolaño. On s’est très vite rendu compte qu’on ne voulait pas faire ça parce que ça transformerait tellement l’histoire. Nous ne voulions pas être respectueux avec l’histoire, alors nous nous sommes demandé pourquoi dépenser tout cet argent et tout ce temps à essayer d’obtenir ces droits pour détruire l’histoire ? Cela n’avait aucun sens, alors nous avons commencé à écrire« .
Pour Cristobal Léon: « l’idée principale était de faire un film sur notre incapacité à faire des films normaux. Pendant la pandémie, nous avons eu ce très long processus consistant à tout écrire, à tout effacer et à réécrire, et nous étions incapables de vraiment nous en tenir à quelque chose. C’était drôle et douloureux, et je pense que nous avons fait un film à ce sujet. C’est un film sur deux cinéastes vraiment inutiles qui tentent de faire un film normal… à l’origine, nous avons écrit un grand film et nous nous sommes ensuite rendu compte que ce grand film contenait en réalité deux films différents. Nous avons donc séparé les jumeaux. Il y avait une histoire politique paranoïaque et une autre qui ressemblait davantage à une histoire d’amour et à un drame familial« .
Joaquin Cociña ajoute qu’ »à un moment donné, avec nos films, nous avons commencé à considérer le processus comme un jeu. Nous avons fixé des règles et lorsque nous avons commencé le premier jour de tournage, nous avons lu ces règles à l’équipe. Nous ne concevons ni ne prévisualisons le résultat , mais nous prévisualisons les règles et nous invitons les gens à jouer avec ces règles. C’est un jeu étrange et puis vous avez un résultat« .
Interrogés sur leurs références artistiques, Cristobal Léon répond: « David Lynch est toujours la principale source d’inspiration . C’est le fantôme le plus récent de notre travail, c’est l’artiste dans lequel nous réfléchissons le plus« . Il ajoute: « Nous avons deux nouveaux projets. L’un d’eux est un film d’animation intitulé Hansel et Gretel, qui nous ramène à l’animation stop-motion. C’est un peu comme revisiter l’univers de The Wolf House (Los huesos) d’une certaine manière : on a envie de revenir en studio et d’animer de nos propres mains. L’autre s’appelle The Blade et est le jumeau de The Hyperboreans , mais il sera vraiment différent, pensons-nous. En gros, nous ferons The Wolf House 2 : The Revenge et The Hyperboreans 2 : The Revenge . Et parce que nous sommes des artistes plasticiens, nous imaginons toujours que nous reviendrons pour réaliser des sculptures et des peintures« .
(Extraits de l’interview des deux cinéastes sur film-fest-report.com)
« Cristóbal León et Joaquín Cociña, nés en 1980 au Chili, collaborent depuis 2007. Pour la production de leurs films, ils combinent différentes techniques telles que le live action, la photographie et le dessin. Ils ont présenté leur premier long métrage La casa lobo à la 68e Berlinale en 2018, où ils ont remporté le prix Caligari. Leur court métrage d’animation Los huesos a été présenté en avant-première au Festival du film de Venise en 2021, recevant le prix Orizzonti du meilleur court métrage.
Cristóbal León et Joaquín Cociña avaient fait sensation avec La Casa Lobo en 2018, en remportant divers prix notamment à Annecy. S’il a fallu attendre 6 ans pour un nouveau long-métrage, les deux réalisateurs chiliens n’ont pas pour autant chômé. Quelques court-métrages créés dans ce laps de temps mais surtout une participation remarquée sur le film Beau is Afraid d’Ari Aster. Eh oui, ce sont eux les animateurs du passage en animation du film. León et Cociña se sont donc fait une certaine place dans le monde du cinéma dont le travail a été salué par beaucoup.
Si La Casa Lobo était entièrement en stop-motion, The Hyperboreans, est lui un mélange de styles d’animation et se permet d’explorer plusieurs thèmes chers aux deux réalisateurs. Marionnettes, dessins, ou prises de vue réelles parsèment un récit flou, traitant tant de l’histoire du Chili que de la vie de l’écrivain Miguel Serrano.
Avant de devenir un film, The Hyperboreans était le nom d’une exposition que les réalisateurs ont tenu à Santiago. Le projet a muté et s’est mué en un film dense, véritable expérimentation technique et narrative. Le film se veut unique, envoûtant et une plongée dans un imaginaire riche d’innovations. L’attraie des réalisateurs pour le fantastique est renforcé par le titre même du long-métrage mentionnant les Hyperboréens, peuple mythique qui auraient vécu aux confins du monde Antique au-delà de Borée, le vent du nord. Seulement le terme d’hyperboréen n’est pas resté immuable dans notre histoire. Le peuple a notamment été mentionné par les nazis qui voyaient dans ces hommes du grand nord une potentielle origine au surhomme aryen qui était censé peupler l’Allemagne. Derrière ses nombreuses facettes, la science-fiction ou le postulat de base autour de l’actrice Antonia Giesen, le film cherche, comme La Casa Lobo, à parler du nazisme chilien.
Les Hyperboréens sont donc ces nazis du Chili, plus particulièrement Miguel Serrano à qui le film donne une grande place. Écrivain chilien, il fut la figure majeure de l’ésotérisme nazi et a fait mention du peuple antique. Mais si ce dernier a une définition ésotérique dans les mots de Serrano on pourrait aussi le rapprocher de la situation des hauts fonctionnaires du Reich après la Seconde Guerre mondiale. Si les Hyperboréens venaient des confins nord de la Terre, les nazis ont dû s’exiler d’Europe et partirent cette fois dans les régions du sud de notre monde après leur défaite.
León et Cociña, en témoins de cette société chilienne marquée par l’exode nazie brouillent les pistes, cachent en premier lieu le but du film. Il faudra passer par plusieurs tableaux de différents genres pour dénicher ces nazis qui se cachent en Amérique du Sud. The Hyperboreans déborde d’idées et quand bien même le ton qu’il prend paraît comique et décalé, le drame n’est jamais loin.
Si Serrano et les idéologies nazies sont tournés en dérision, les réalisateurs n’oublient pas les épisodes d’horreur et de violences qui ont marqué le Chili. Peu souvent accompagnée d’humains de chair, Giesen évoluera à travers différents tableaux et partagera en majorité l’écran avec des marionnettes et autres personnages masqués. Les chars défilent autour des marionnettes qui ont les mains liées au sein du régime militaire instauré dans les années 1970. Les masques hantent le film, personne n’est à visage découvert, les petites gens ne possédant pas de liberté d’action et le pouvoir, masqué, ne montre jamais son véritable visage.
Derrière sa folie et ses expérimentations dirigées d’une main (de deux, vu qu’ils sont deux) de maître, The Hyperboreans est aussi le témoignage d’un Chili victime de la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’il n’ait pas fait partie des belligérants, l’empreinte de l’idéologie nazie s’est gravée dans le pays et irrigua les tensions et les désordres qu’il connut dans la seconde moitié du XXe siècle. Expérimentation folle et réussie pour les deux réalisateurs. » (cestquoilecinema.fr)
… «Après avoir signé l’un des meilleurs films d’horreur de la dernière décennie avec La Casa Lobo, et participé à Beau is Afraid de Ari Aster, le duo Cristóbal León et Joaquín Cociña est venu présenter à La Quinzaine des Cinéastes leur nouveau long-métrage : The Hyperboreans. Un second essai qui confirme tout le bien que l’on peut penser d’eux, leur permettant de continuer à explorer leurs thèmes de prédilection tout en faisant évoluer leur style atypique.
Pour ce nouveau nouveau film, Cristóbal León et Joaquín Cociña explorent la vie tumultueuse de Miguel Serrano. Diplomate et explorateur Chilien, né en 1917 et décédé en 2009, Serrano fut également un antisémite notoire, fasciné par l’ésotérisme Nazi dont il fit la promotion dans divers ouvrages. Ce dernier, persuadé d’être la réincarnation d’Adolf Hitler et de la divinité Vishnou, devint une icône pour les nouvelles générations de néonazis et les férus d’occultisme en tout genre. Un personnage haut en couleur, dont les cinéastes vont aborder la vie à travers une approche atypique. The Hyperboreans est l’occasion de suivre Antonia Giesen et son assistant Francisco Visceral, qui sous la houlette de Cristóbal León et Joacquín Cociña, vont tenter de reconstituer à travers divers plateaux de tournage, des scènes perdues d’un film maudit consacré au diplomate Chilien. De par son sujet, un tournage progressivement victime d’événements surnaturels, le film de León-Cociña s’inscrit dans la mouvance de Ghostwatch, le canular télévisuel de la BBC du début des 90s sur lequel est revenu le podcast Jumpscare, ainsi que du récent succès surprise Late Night with the Devil. Cependant, loin de se cantonner à un simple exercice de style, le duo va prendre appui sur cette approche pour livrer une oeuvre miroir de La Casa Lobo. Dans un premier temps, le duo León-Cociña va reprendre le mélange de divers procédés d’animation, notamment en papier mâché, pour insuffler un sentiment d’angoisse lié à l’inquiétante étrangeté que suscitent les marionnettes, masques et décors. Une version horrifique des travaux des frères Quay et Jan Švankmajer, à laquelle s’ajoute cette fois-ci des emprunts assumés à Michel Gondry et George Méliès et la participation de vrais interprètes dont les cinéastes eux-mêmes. Une démarche qui leur permet de faire évoluer leur style, misant d’avantage ici sur les transitions et les plans séquences, tout en évitant de livrer un simple pastiche vide de sens autre que fétichiste et nostalgique. La preuve avec la représentation de la police fasciste, qui détourne l’imagerie enfantine et le système D du cinéma de Michel Gondry, pour lui conférer un sens nouveau.
Les cinéastes mêlent harmonieusement ces diverses approches au sein d’un même cadre, afin de donner une plus-value émotionnelle à la vie de Serrano. Le parcours de ce dernier est l’occasion de renouer avec la thématique de La Casa Lobo, l’innocence face aux horreurs du fascisme en Amérique du Sud. Si le précédent film mettant en avant la fugue d’une jeune fille de la Colonie Dignidad, reprenait la structure et les archétypes d’un conte, ce nouveau long-métrage joue sur quelque chose de plus sinueux. L’histoire d’un innocent qui deviendra un promoteur d’une des pires idéologies de l’histoire, au point que cette dernière le fera succomber à la folie. De par leur volonté d’aborder les pages sombres de l’histoire de leur pays, en misant sur un point de vue évoquant avec candeur et sensibilité le monde de l’enfance, il n’est pas interdit de voir des correspondances thématiques entre les cinéastes chiliens León-Cociña et certaines oeuvres du cinéma fantastique espagnol : La résidence, Le labyrinthe de Pan ou encore L’Orphelinat. Les croyances occultes de Serrano sont l’occasion pour les réalisateurs de porter un regard caustique sur ces dernières. Qu’il s’agisse des Ovnis qui seraient des créations nazies et l’idée d’une race supérieure représentée par les
Hyperboréens. Cependant cette enquête sous forme de reconstitution de scènes perdues sur un plateau de tournage, joue également avec une approche horrifique héritée des 90s. Le regard caustique sur les croyances occultes et les divers points de vue qu’elles suscitent, n’est pas sans rappeler Le jour de la bête d’Álex de la Iglesia, avec lequel il partage un personnage de Metalleux. L’ossature même du récit, une enquête aux relents gnostiques portant sur un film maudit, fait écho involontairement au roman La conspiration des ténèbres de l’universitaire Theodore Roszak, adapté de façon officieuse par John Carpenter avec La fin absolue du monde pour la série Masters of Horror. Du même Carpenter, il est difficile de ne pas faire le rapprochement, de par son sujet, avec L’antre de la folie et plus généralement avec la thématique à l’oeuvre chez le cinéaste américain, du mal indicible.
Dans La Casa Lobo les murs de la maison close étaient envahis par le mal représenté sous forme d’animations. Un procédé repris dans The Hyperboreans, où les plateaux sont envahis par un mal indicible, représenté par des codes visuels issus de l’Analog Horror et du jeu vidéo, ainsi que par des marionnettes prenant possession des humains. La grande réussite du duo León-Cociña est de transposer, et redonner vie, de manière personnelle à une approche suggestive de l’angoisse que Carpenter et Kiyoshi Kurosawa avaient su brillamment représenter. The Hyperboreans quitte progressivement son postulat métatextuel pour tutoyer, sous couvert d’un film Pulp des années 30, l’horreur mythologique à la portée Lovecraftienne, reliant sa fonction symbolique au fascisme prêt à revenir déferler sur le monde lorsque le moment sera venu. Une donnée qui finit d’appuyer la réussite iconoclaste du film, à travers un plan final d’une grande simplicité mais au sens profondément tragique et désespéré. À contrario de nombreux cinéastes contemporains, certes sincères dans leur amour d’un cinéma ésotérique d’autrefois mais limités par une approche vide de sens autre que fétichiste, le duo León-Cociña apparait d’avantage comme le versant horrifique du cinéma des Daniels et de Mike Cheslik.» (furyosa.com)
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