Samedi 16 Décembre à 20h
Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Rolf De Heer, Australie, 2022, 1h36, vostf
Au milieu d’un désert aride, sous un soleil de plomb, une femme est abandonnée dans une cage de fer. Déterminée à vivre, elle parvient à s’en échapper. Elle marche à travers les dunes, les ruines d’un monde en désolation, gravit la montagne et arrive en ville. Une odyssée qui la mène jusqu’aux frontières de l’humanité…
Le réalisateur australien Rolf de Heer est né aux Pays-Bas, a passé une partie de son enfance en Indonésie et a émigré avec sa famille en Australie à l’âge de huit ans. Il a suivi une formation de trois ans à l’Australian Film and Television School (aujourd’hui AFTRS), dont il est sorti diplômé en 1980. Depuis lors, il a réalisé quinze longs métrages, qu’il a écrits ou coécrits pour la plupart. Il produit généralement les films qu’il réalise. Rolf de Heer a également coécrit et/ou coproduit plusieurs longs métrages documentaires, dont The Balanda and The Bark Canoes, Twelve Canoes, Still our Country, Another Country, My Name Is Gulpilil et A Portrait of Love. Ses films ont souvent quelque chose à dire sur la condition humaine et ils ont la particularité de ne jamais se ressembler. Parmi ces quinze films, quatre d’entre eux ont été sélectionnés en compétition officielle au Festival de Cannes (10 Canoes a d’ailleurs obtenu le Prix du jury à Un Certain Regard, et Charlie’s Country a valu à son comédien principal David Gulpilil le prix du meilleur acteur en 2014); deux films ont été en compétition à la Mostra de Venise (dont Bad Boy Bubby, qui a gagné le Prix du Jury ainsi que le Prix des Critiques); la plupart de ses films ont été sélectionnés dans de grands festivals internationaux comme Berlin, Toronto, Telluride ou Londres… C’est le cas de The Survival of Kindness, qui a remporté le prix FIPRESCI de la Berlinale 2023.
Notre article
par Bruno Precioso
Voilà 10 ans que l’Australien Rolf de Heer n’avait plus proposé de long métrage. Et ce n’est pas l’excellent accueil reçu par son précédent opus, Charlie’s Country, à la sélection Un Certain regard du Festival de Cannes 2013 qui l’avait dissuadé de sortir de sa réserve des antipodes ; simplement le Tasmanien avait besoin de temps pour mûrir un ambitieux projet… qui ne verra donc jamais le jour. The Survival of Kindness n’a en tout état de cause que peu à voir avec le film qu’envisageait le réalisateur, plutôt prolifique jusqu’à Charlie’s country (15 longs en 29 ans de carrière) et qui semblait avoir assis sa sécurité matérielle puisqu’à partir de 2006 il n’était plus contraint de produire lui-même ses œuvres. Etrange destinée pour un jeune néerlandais né à Heemskerk, sur les rives de la Mer du Nord, passe ses 8 premières années à Sumatra en Indonésie, avant d’émigrer avec ses parents à Sydney. Adulte il choisit enfin de se fixer, à 1h de route au sud d’Hobart, en Tasmanie, probablement parce qu’il était difficile d’atterrir plus loin de son point de départ. Etonnante trajectoire que celle de ce créateur tard venu au cinéma (à 33 ans) qui connaît le succès critique et commercial dès son 1er essai en 1984 (Tale of a tiger, un film pour enfants immédiatement projeté à la Berlinale) et se voit unanimement célébré 10 ans plus tard lorsque Bad Boy Bubby remporte le Grand prix de la Mostra 1993 avant d’être primé dans nombre de festivals sur tous les continents. La patte expérimentale de l’Australien imprime toute son œuvre, et c’est pour 10 canoés, 150 lances et 3 épouses, le 1er film entièrement tourné en langue aborigène – ou plutôt en langues aborigènes – que de Heer reçoit le Prix spécial Un Certain Regard en 2006, à l’occasion de sa 5ème invitation à Cannes. Sans réalisateur favori (« Je n’ai pas le culte de la personnalité. » déclare Rolf de Heer après l’inévitable question), refusant catégoriquement le carcan des studios (« incompatibilité méthodologique » est sa réponse aux différents projets que lui propose Hollywood) l’œuvre qu’il constitue au gré des films dont il est l’homme-orchestre ne pouvait être que protéiforme. Sa recherche d’angles de narration subversifs le conduit à chercher des regards singuliers, celui du simple d’esprit ou celui de l’enfant maltraité, jusqu’à enfin donner la parole aux autochtones australiens dans ses 3 derniers films. A chaque fois les acteurs sont installés au cœur du processus créatif : ainsi, l’histoire d’amour entre une paraplégique et un aide-soignant qui sert de trame à Dance me to my Song est écrite par Heather Rose, elle-même handicapée, et 8 ans plus tard les acteurs de 10 canoés, 150 lances et 3 épouses, tous non-professionnels, écrivent leurs propres dialogues dans leurs langues d’origine. The survival of Kindness n’échappe pas à la règle. Ce dernier né, construit autour d’une actrice improvisée qui n’a jamais vu un écran de cinéma, et enfanté par le confinement mondial du covid et l’arrivée de la déferlante Black Lives Matter dans sa version australienne, a beau être le fruit des circonstances les plus improbables, il s’inscrit dans l’édifice avec un surprenant naturel.
« We apologise for the laws and policies… » (Kevin Rudd, Discours devant le parlement 8 février 2008)
« Une image m’est venue, qui exigeait d’être le plan d’ouverture du film, son début littéral mais aussi métaphorique : c’était Peter Djigirr enfermé dans une cage abandonnée sur un banc d’argile dans le désert de dunes rouges d’Australie du Sud. » De l’image initiale en découlent d’autres qui dessinent d’elles-mêmes un storyboard évident. Ainsi surgit, pour tisser entre elles les images très concrètes qui s’imposent à Rolf de Heer, le principe d’un film-voyage. Tout a donc commencé par les lieux, qui ont dicté les scènes, l’atmosphère des lieux déterminant ensuite ce qui s’y passerait dans l’histoire. Le site de Stony Gorge par exemple, d’abord défini comme un lieu de transition entre espaces très différents, prit de l’épaisseur en se nourrissant du contexte international pour devenir l’intersection, et finalement la collision des angoisses sanitaires et des questions raciales enrichies d’inquiétudes féministes. Un primat aux lieux, à l’espace et aux éléments en parfaite sympathie avec l’intelligence aborigène devenue le centre du travail de Rolf de Heer.
De 350 à 750.000 individus à l’arrivée des premiers colons en 1788, la population aborigène tombe en 1911 autour d’à peine 30.000 représentants. C’est dans cet état d’extrême fragilisation des groupes humains et de leur culture que le tout jeune Etat indépendant adopte dès sa première année la White Australia Policy, doctrine assurant jusqu’en 1973 la prédominance raciale, où la blanchité des candidats à l’immigration garantie par un examen linguistique (poursuivi, en cas de maîtrise de l’anglais, dans une autre langue européenne) protège des origines indésirables. Sans doute les ruées vers l’or australien ont beaucoup pesé, qui attirent dès 1851 des travailleurs du monde entier (40 000 Chinois en 20 ans) rapidement accusés de concurrence déloyale et d’être cause du chômage à partir de 1855. Les émeutes raciales (1854, 1857, 1860, 1861), accès de fièvre raciste qui enflamment l’île-continent tous les 10 ans, persistent jusqu’à aujourd’hui : à Cronulla contre les Libanais et asiatiques en décembre 2005, contre des Indiens à Melbourne en 2009. Mais de tous ces enjeux migratoires les autochtones sont exclus – et pour cause. La longue marche des aborigènes pour la reconnaissance de leur simple existence sur l’île-continent se confond avec le XXème siècle et remporte un 1er succès en 1967 lorsque le référendum porté par le Premier ministre Harold Holt obtient plus de 90 % d’approbation et fait enfin des Aborigènes… des humains : ils étaient jusque-là classés comme ‘‘élément de la faune et de la flore australienne’’. Il faudra encore 8 ans pour que les droits civiques de 1967 soient accompagnés de droits fonciers, fin 1975. Encore 15 ans et Paul Keating, dans le discours de Redfern (1992) appelle à la réconciliation par la reconnaissance des torts faits aux Aborigènes ; mais ce n’est que le 8 février 2008, 40 ans après que les Aborigènes avaient vu reconnaître leur part d’humanité par les maîtres du pays, que le nouveau Premier ministre Kevin Rudd et le chef de l’opposition Brendan Nelson présentent enfin les excuses du peuple australien pour les crimes commis contre les peuples autochtones.
« La totalité de l’Australie pouvait être lue comme une partition musicale » (B. Chatwin, Le chant des pistes)
L’année même où sort Tale of a tiger, le 1er long-métrage de Rolf de Heer, Werner Herzog présente au festival de Cannes 1984 Le Pays où rêvent les fourmis vertes qui plante au milieu du nowhere australien la rencontre des blancs et des Aborigènes, celle de deux mondes et de deux rapports au monde autour de la question de l’exploitation minière d’une terre sacrée. Deux manières d’habiter le monde. La longue marche n’est toujours pas achevée : Anthony Albanese premier ministre travailliste élu en 2022, annonce après le Sommet d’Uluru le lancement d’un référendum baptisé The Voice, donnant aux Aborigènes le droit à avis au Parlement sur les sujets les concernant : le 14 octobre 2023 The Voice est rejeté à 60,5%. Le temps presse pourtant : du fourmillement des 700 communautés linguistiques autochtones présentes à l’arrivée des Britanniques (au moins 250 langues réparties en des centaines de dialectes) il n’en reste qu’une vingtaine parlant encore exclusivement leurs langues maternelles, et 70 en danger d’extinction imminent (composées de 100 à 500 locuteurs). Avec les langues meurent les récits, qui sont le tissu dont les rêves sont faits. Dans la mythologie aborigène de Tjukurpa, que nous traduisons poétiquement mais improprement par le Temps du rêve, c’est par le chant que les grands ancêtres immatériels ont créé la matière (inerte et vivante), et par la marche qu’ils en ont dessiné l’étendue. Chanter la terre, l’arbre, le rocher, le chemin, est le même geste créateur que les marcher, et depuis le retrait des ancêtres dans le sommeil c’est par le chant et la marche que les humains peuvent renouer les fils du temps et de l’espace. Chacun des ancêtres a légué à ses descendants une partie d’un chant et la partie de chemin correspondante, qui peut atteindre plusieurs milliers de kilomètres. Le marcheur sur un itinéraire chanté rencontre des descendants du même ancêtre, héritiers du même chant et de la même route ; c’est-à-dire qu’ils partagent le même rêve. En conséquence le chant aborigène est à la fois une carte géographique, un itinéraire, un fragment d’histoire, mais aussi l’énoncé d’un ensemble d’obligations vis-à-vis de tout ce qui sera rencontré, vivant ou non. « Bird like him, never die » déclare David Gulpilil, le Charlie du Charlie’s Country de Rolf de Heer, pour rassurer l’enfant inquiet de la faiblesse de son oiseau. Sans doute y a-t-il plusieurs manières de ne pas mourir, même enfermé dans une cage. Mais vivre…
Sur le web
Début 2020, Rolf de Heer finalisait le financement d’un long métrage en développement depuis une dizaine d’années : un projet dont l’histoire contemporaine était parallèle à celle de l’impact dévastateur de la colonisation sur les premiers peuples d’Australie. Basé sur des faits réels, son sujet était extrêmement sombre et son tournage présentait des défis logistiques importants, car nécessitant une équipe de taille et de nombreux acteurs qui auraient parcouru de grandes distances dans des conditions extrêmes.
Le film avait attiré des investissements de la part de la France et de l’Italie, deux pays devenus, début 2020, la ligne de front de la pandémie. Le financement fut mis en attente, alors que l’industrie cinématographique mondiale tentait de définir son avenir. L’Australie a fermé ses frontières et la communauté indigène, avec laquelle le film devait être tourné, en a fait de même. À l’extrême sud de la Tasmanie, un cinéaste a passé une longue période de confinement à réfléchir à l’avenir du cinéma.
Un autre film devait être réalisé, mais tout allait devoir être différent du projet initial. Il faudrait désormais prendre en compte les contraintes liées au COVID 19 : petite équipe, petit casting, principalement en extérieur et accessible. Le budget devait être faible, les conditions de financement étant, à ce stade, pour le moins précaires. En l’absence d’idées séduisantes correspondant au modèle désormais établi, il sembla judicieux à Rolf de Heer de commencer par réfléchir aux lieux de tournage de ce long métrage.
Rolf De Heer a donc commencé des expéditions quotidiennes sur les sentiers de randonnée qui entourent le Kunanyi (mont Wellington), à un peu plus d’une heure de route de sa maison au sud de Hobart. Son but : trouver la beauté et l’inspiration sur le Kunanyi, et des lieux cinématographiques intéressants (parfois uniques et étranges) sur différentes parties de la montagne… Un film a commencé à prendre une forme floue avec un recueil de lieux, sans qu’il y ait encore de scènes pour les habiter.
« Au même moment que le COVID, le mouvement Black Lives Matter explosait à travers le monde. En Australie, nous avions notre propre sous-branche, je suppose. Tout cela se passait en arrière-plan, mais je n’essayais pas de le mettre dans le film. Puis, un jour, en me rendant à la montagne à Kunanyi, une image m’est venue à l’esprit, qui exigeait d’être le plan d’ouverture du film. C’était une image de Peter Djigirr enfermé dans une cage sur une caravane abandonnée dans le désert« , confie le cinéaste. Il ajoute : « Il s’agit de mon ami indigène le plus proche, avec qui nous avons travaillé ensemble sur deux films… Il a coréalisé 10 Canoës et coproduit Charlie’s Country, et il a joué dans les deux… Je le connais très bien, je connais la façon dont il marche, à quel point ses yeux sont expressifs et pourtant énigmatiques, et à quel point son humour peut le rendre léger. L’image que j’avais en tête était très spécifique, propre à lui et à l’endroit où elle se trouvait, un banc d’argile dans le désert de dunes rouges d’Australie du Sud.«
De nombreux films de Rolf De Heer sont nés ou ont évolué à partir d’une image : la time-lapse d’étoiles (Epsilon), la photo en noir et blanc de dix hommes indigènes australiens debout sur leurs canoës d’écorce dans le marécage (10 Canoës), ou l’image d’une femme parlant à une caméra vidéo dans sa propre maison (Alexandra’s Project) : « Cette image de Djigirr dans la cage… Je ne pouvais pas y échapper, je ne pouvais pas m’en débarrasser… Elle voulait être le début du film, le début littéral mais aussi le début métaphorique, ce dont le film allait parler. Même si je ne savais pas pourquoi le personnage avait été enfermé, cela résumait en quelque sorte tout le film.«
« Mais ce banc d’argile aride était bien loin du vert luxuriant des montagnes, en particulier du Kunanyi, en Tasmanie. L’endroit idéal était à plus de 1500 km, dans le désert d’Australie méridionale. J’ai alors pensé qu’il devait s’agir d’un film-voyage, et que ce voyage commencerait dans le désert en Australie du Sud, et mènerait le personnage jusqu’à la montagne, en Tasmanie, bien qu’au moment où l’image m’est parvenue, aucun lieu et aucun moment n’étaient spécifiques. Et bien que Djigirr n’ait finalement pas été disponible pour faire le film, j’étais convaincu qu’il y avait là un film, un film que je voulais faire parce que c’était un film que je voulais voir« , se rappelle le metteur en scène.
Les inspirations résultant des repérages en Australie-Méridionale ont défini la façon dont le scénario a été abordé : « Au lieu d’écrire ce que j’avais dans la tête et de trouver les lieux qui convenaient, j’ai trouvé des lieux qui m’intéressaient d’un point de vue cinématographique, qui me suggéraient ce qui pourrait s’y dérouler. Et comme le film était alors pour moi le voyage d’un personnage d’un point à un autre, et comme je connaissais le personnage, je pouvais créer des scènes qui me semblaient convenir au film à partir des lieux, je pouvais laisser l’atmosphère d’un lieu déterminer ce qui s’y passerait dans l’histoire.«
Au fur et à mesure que les lieux de tournage étaient trouvés, l’univers de l’histoire, et donc l’histoire elle-même, se développaient. Le réalisateur Rolf De Heer poursuit : « Tous les éléments fondamentaux du film, comme le fait que la plupart des personnages du film ne se comprennent pas entre eux, qu’il n’y ait pas de dialogue intelligible dans le film, ont évolué au fur et à mesure que je trouvais des lieux de tournage« . Parfois, il fallait trouver des endroits spécifiques, comme la transition entre l’ambiance désertique de l’Australie du Sud et l’ambiance plus luxuriante et montagneuse de la Tasmanie.
Le choix s’est finalement porté sur le site de Stony Gorge, qui permettait de modifier sans heurt la nature de la topographie. Mais cet endroit en lui-même évoquait plusieurs scènes dans différentes parties, et il est ainsi devenu plus qu’un lieu de transition. De retour en Tasmanie et armé de centaines de photos des lieux de tournage, Rolf a commencé à écrire un scénario qui raconterait l’histoire dans ses moindres détails. L’époque à laquelle le scénario a été écrit a profondément imprégné l’ensemble du processus. C’était l’intersection, voire la collision, entre Black Lives Matter (BLM) et la pandémie de COVID-19.
Peter Djigirr, l’acteur fétiche de Rolf De Heer, ne pouvant faire le film, l’enjeu principal était de trouver quelqu’un d’autre. « En essayant de trouver quelqu’un, je suis tombé sur cette femme éthiopienne qui travaillait dans un centre de réfugiés. En leur parlant, j’ai dit : ‘Je veux un homme, comme cette femme’. Et je me suis demandé : ‘Pourquoi pas cette femme ?’ Mais quand je lui ai demandé, elle a refusé. Elle sortait d’une situation traumatisante et était très heureuse d’avoir été acceptée comme réfugiée en Australie. Elle ne voulait rien changer. Mais pour moi et ma coproductrice Julie Byrne, après avoir pensé au rôle principal en tant que personnage féminin, nous ne pouvions plus revenir en arrière.«
« J’ai compris, en particulier après avoir travaillé avec des autochtones qui n’étaient pas acteurs, que si une personne convient à un rôle et a de la profondeur, vous pouvez mettre la caméra sur elle et la garder. Et ce sera intéressant. Si vous choisissez bien la personne, vous pouvez être sûr que la caméra le verra. Lorsque j’ai choisi Mwajemi, je savais qu’elle avait une grande expérience de la vie, avec toutes les brutalités qu’elle a vécu et qui se sont produites autour d’elle. C’est là, dans son être. Vous placez la caméra sur elle et, si vous en avez parlé au préalable et si elle a la liberté de penser qui va avec, elle vous donnera quelque chose d’intéressant.« , se rappelle le metteur en scène.
« Dix ans ce sont écoulés depuis Charlie’s Country, dernier film du réalisateur australien Rolf de Heer qui célébrait David Gulpilil, héros du cinéma aborigène. Si le grand acteur s’en est allé après une longue maladie, le cinéaste, lui, est toujours bien présent à 71 ans, revenant sur le devant de la scène avec The Survival of Kindness. Ce nouveau film célèbre à la fois une filmographie riche mais aussi tout le cinéma des antipodes, résumant en quelques plans toute la richesse des cinquante dernière du cinéma australien…
… La radicalité et la démesure du projet font tout de suite penser à Bad Boy Bubby, le premier grand film du réalisateur, sorti en 1993. De la même façon, on y découvrait un personnage qui devait aller à la rencontre du monde, une première fois dans un univers peu séduisant qui n’aura de cesse de la décevoir. Le personnage que nous suivons dans The Survival of Kindness doit affronter une hostilité sous la forme d’hommes munis de masques à gaz, une pandémie extrêmement agressive attaquant les voies respiratoires, une sorte de fusion entre le covid et le virus Ebola, crachats de sang à l’appui. Ce monde post-apocalyptique convoque la figure de Mad Max, faisant de l’arrière-pays australien un « no man’s land » où règnent la loi du plus fort et un arbitraire glaçant…
… Rolf de Heer réussit un nouveau film absolument magnifique, qui s’épargne tout dialogue, résumant leur absence par des mots échangés en toute fin, dans deux langues différentes, preuve que de toute manière la compréhension est plus facile par d’autres biais entre les personnages. Ce constat simple et éloquent est à l’image du reste de cette histoire : il n’est pas besoin de beaucoup d’effets pour démontrer l’absurdité du monde qui les entoure. Peu importe que tout ceci ne fut qu’un rêve, il a suffi de quelques scènes pour nous convaincre de l’ineptie des rapports de force entre les peuples, qui, même au bord de l’extinction, continuent à ne pas vouloir se comprendre, grognant des mots que plus personne n’est en mesure de comprendre. C’est toute la beauté de ce cinéma du bout du monde qui est comprise dans ce très beau moment ». (lebleudumiroir.fr)
« The Survival of Kindness est le premier long métrage de l’Australien Rolf de Heer en 10 ans : Charlie’s Country, passé entre autres par le Festival de Cannes, remonte en effet à 2013. Cette épopée est pourtant un projet « de secours » après un autre balayé par la crise sanitaire. Epuré, tourné avec une mini-équipe et en décors naturels, The Survival of Kindness ne manque pas d’ambition pour autant. Le film débute en trompe l’oeil : des images d’un diorama apparaissent à l’écran, mais les mignonnes figurines sont utilisées pour des scènes de tortures – un peu comme si Rithy Panh s’était amusé à confectionner un gâteau d’anniversaire. Si le titre du long métrage suggère la survie d’une forme de bonté, il sera avant tout ici question d’une histoire de la violence…
… A quelle époque The Survival of Kindness se déroule-t-il ? Combien de temps passe lors du périple de l’héroïne ? Ce flou narratif est stimulant par sa manière de creuser un vertige ; le récit historique attendu se teinte d’une parabole qui emprunte à la science-fiction avec ses touches de steampunk. La protagoniste, interprétée avec charisme par Mwajemi Hussein, est elle-même presque davantage une allégorie qu’un personnage à proprement parler – mais cela fonctionne tout à fait avec ce que le film a à raconter.
The Survival of Kindness rappelle la démarche d’un autre film australien récent : The Nightingale de Jennifer Kent. Kent, elle aussi, mêlait le récit historique au film de genre (là encore un périple et une histoire de survie), afin de signer un allégorie politique de la brutalité, qu’il s’agisse de la colonisation ou du racisme. Chez Rolf de Heer comme chez Jennifer Kent, l’utilisation du cinéma de genre donne un relief particulier à leurs récits qui décollent du strict déroulé factuel…
… La nature, comme dans nombre de films australiens, joue un rôle narratif particulièrement spectaculaire. Les images prennent d’ailleurs toute la place dans le long métrage, dont le pari est d’être pratiquement entièrement muet. Si le film est meilleur lorsqu’il est le plus épuré, ses différentes prises de risque sont payantes. The Survival of Kindness est visuellement impressionnant, sait dérouter d’un point de vue narratif, et ne perd jamais de vue la dignité de sa protagoniste dont on suit le parcours en marchant littéralement dans ses souliers.
Proche de la structure du conte de randonnée, le dénouement est lui d’une puissante amertume. Se sort-on jamais de la violence raciste systémique ? Peut-on être délivré de cette prison ? » (polyester.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso.
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