Vendredi 17 février 2006 à 20h45
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Hou Hsiao-hsien – Taïwan – 2004 – 2h00 – vostf
Trois époques, trois histoires, 1911, 1966, 2005, incarnées par le même couple de comédiens. Ce conte sentimental évoque ainsi la triple réincarnation d’un amour infini…
Sur le web
Le cinéaste précise ses intentions à propos de ce film dont, dont le titre original signifie en fait « Nos meilleurs moments » : « Nos vies sont pleines de fragments de souvenirs. Nous ne pouvons pas les nommer, ni les classer, et ils n’ont pas une grande importance. Ils demeurent cependant inscrits dans notre mémoire, inaltérables. Par exemple, j’avais l’habitude de jouer au billard quand j’étais jeune, et je conserve un souvenir de la chanson Smoke gets in your eyes, qui passait en boucle dans la salle de billard. M’approchant aujourd’hui de la soixantaine, j’ai vécu avec ces souvenirs pendant si longtemps qu’ils semblent désormais faire partie de moi. Dès lors, peut-être que le seul moyen de m’acquitter de ma dette envers eux est de les filmer. Je pense à ces souvenirs comme les meilleurs des moments. Les meilleurs, ni parce que je ne peux les oublier, ni parce qu’ils sont définitivement perdus. Ce sont les meilleurs car ils existent seulement dans nos mémoires. J’ai le sentiment que ce ne sera pas le dernier film que je ferai dans cette veine. »
« Three Times, film d’une beauté formelle éblouissante, prend dès les premières images la forme d’un voyage en trois étapes, cette fois-ci temporel, à travers l’histoire de l’amour dans le monde moderne et, surtout, plus concrètement, à travers trois histoires d’amours interprétées par les deux mêmes acteurs (Shu Qi et Chang Chen). La première partie se déroule en 1966, à Kaohsiung, et est intitulée « Le Temps des amours« . C’est l’histoire (autobiographique, selon le réalisateur) d’un jeune homme, Chen (Chang Chen), fan de billard, attiré par les jeunes femmes chargées de servir de partenaire aux joueurs solitaires et d’entretenir les salles de jeux. L’une d’entre elles, May (Shu Qi), se laisse courtiser. Fin de l’épisode : il s’apprête à lui prendre la main. Quasiment sans paroles, le film s’attache surtout à filmer, sur fond de chansons sentimentales omniprésentes (Smoke Gets in Your Eyes ou Rain and Tears), le roulement des boules sur le billard, le ballet des joueurs entre eux autour du tapis vert, les sourires de Shu Qi, les frôlements entre Chen et May.La deuxième partie, « Le Temps des libertés« , se passe à Dadaocheng en 1911 et est muette. 1911, c’est l’année où Taiwan va se libérer de l’occupant, mais aussi le temps de l’oppression pour les femmes, qui restent dépendantes de la volonté des hommes, qu’ils soient progressistes ou non : seule la jouissance de l’homme d’ailleurs non dite compte, et les sentiments importent peu, ne peuvent être vécus que de façon unilatérale et secrète. La seule liberté qui reste à la courtisane, c’est celle de penser, d’aimer toute seule dans son coin, de souffrir, pendant que son maître fait la révolution, bien loin d’elle. La troisième partie, intitulée « Le Temps de la jeunesse« , se déroule de nos jours dans un Taipei bruyant, grouillant, routier, et est centrée sur les amours bisexuelles, compulsives et enivrantes d’une jeune chanteuse de rock épileptique qui perd peu à peu la vue (Shu Qi) avec un jeune artiste photographe-plasticien (Chang Chen). » (lesinrock.com)
Pour incarner les trois couples de Three times, le cinéaste a choisi deux des comédiens les plus en vue du cinéma taïwanais. On a vu Chang Chen notamment dans Tigre et dragon ainsi que dans Happy Together et 2046 de Wong Kar-Wai. Quant à Shu Qi, après plusieurs longs métrages érotiques et films d’action, elle a été révélée sur la scène internationale par Millennium Mambo du même Hou Hsiao Hsien (2001), dans lequel elle interprétait Vicky, jeune femme aussi troublante qu’indécise. On a pu la voir depuis dans Le Transporteur.
Initialement, Three times devait être tourné par trois metteurs en scène différents : Hou Hsiao Hsien, Hwarng Wern-Ying (finalement chef-décoratrice du film) ainsi qu’un jeune réalisateur de publicités. »L’idée était que chacun s’inspire de sa propre expérience, de ses propres souvenirs musicaux, et dessine ainsi un point de vue spécifique sur l’amour », précise Hou Hsiao Hsien. Mais financer un film réalisé par trois cinéastes différents s’est avéré trop difficile, et le maître taïwanais s’est résolu à tourner les trois parties lui-même, en faisant évoluer quelque peu l’idée de départ : « (…) je décidai de montrer comment la manière d’exprimer son amour peut changer à travers les différentes périodes de l’histoire moderne. » Dans le projet initial, l’action des deux premiers volets se situait déjà en 1966 et en 1911, mais la troisième partie devait avoir pour cadre les années 80.
Hou Hsiao Hsien s’explique sur le choix des trois époques : « L’idée originale n’a aucun lien avec la politique. Je voulais simplement raconter trois histoires d’amour se déroulant à des époques différentes. Je me suis attaché, plus précisément, aux différences qui existent entre elles. J’ai choisi l’année 1966 parce que l’histoire émane d’un souvenir personnel lié à cette période. Avant mon service militaire, j’avais pour habitude de courir après celles que l’on appelait « les filles de billards », dans les salles de jeux. L’année 1911 est un moment historique idéal, qui représente un contraste entre l’expression du désir chez l’homme et chez la femme. Lui ne pense qu’à la révolution et à la libération de Taïwan du joug japonais, tandis qu’elle n’est conduite que par la recherche d’une sécurité affective. Et enfin 2005, pour une histoire basée sur la vie d’une jeune femme aujourd’hui à Taipei. » Le cinéaste ajoute : Il me semble que mettre en opposition différentes histoires d’amour échelonnées sur trois époques permet de constater que les comportements sont conditionnés par le temps et les lieux où nous vivons. »
Chacune des trois parties de Three times fait écho à un film antérieur du cinéaste. La première rappelle Les Garcons de Feng-Kuei (récit d’une éducation sentimentale sorti en 1983), en raison de son caractère autobiographique. La deuxième peut être reliée aux Fleurs de Shanghai (1998), film d’époque sur les courtisanes. Enfin, le dernier volet, dont l’action se situe dans le Taïwan d’aujourd’hui, « prend sa source » (selon l’expression du réalisateur) dans Millennium Mambo, portrait d’une jeunesse taïwanaise à la dérive sorti en 2001.
Lors de la conférence de presse qui avait suivi la projection du film à Cannes, Shu Qi confiait, à propos de son triple rôle : « Ce qui n’était pas évident, c’est que je devais parfois passer, en quelques jours, d’un personnage à un autre, et donc m’adapter rapidement. D’autre part, Hou m’a donné beaucoup de travail de préparation. J’ai dû apprendre à jouer au billard pour la première partie, apprendre ce chant très particulier et difficile qu’est le nanguan pour la deuxième, et apprendre l’anglais pour la troisième. »
La particularité du deuxième volet de Three times, dont l’action se situe en 1911, est d’être entièrement muet, une première pour le cinéaste taïwanais, qui a eu recours à quelques intertitres pour rendre compte des dialogues. La musique est en revanche très présente dans la première partie, qui a pour cadre les années 60 : on y entend des chansons des Platters (Smoke gets in your eyes) et de Aphrodite’s child (Rain and tears), qu’aimait écouter Hou Hsiao Hsien, âgé d’une vingtaine d’années à l’époque. La partition qu’on entend dans le troisième volet a été composée par une amie du réalisateur, qui a étudié la musique en France.
Hou Hsiao Hsien revient sur les difficultés rencontrées sur ce tournage : « Réaliser un film à Taïwan est devenu très compliqué. Si j’ai quelque habileté, c’est peut-être dans le domaine de la résolution des problèmes. C’est lorsque je suis confronté aux réalités concrètes des lieux et des acteurs que mes idées émergent. Pour l’épisode de l’année 1966, le choix des lieux a été notre plus grand défi, parce qu’il ne reste pour ainsi dire rien de cette période dans les villes de Taïwan aujourd’hui. Pour 1911, nous avons eu la chance de trouver une vieille maison, en excellent état de conservation, qui convenait parfaitement. Quant à l’épisode 2005, nous étions confrontés au problème inverse. Trop de scène, et trop de choix potentiels. Ce dernier tournage a duré bien plus longtemps que les deux précédents, et s’est avéré plus difficile. «
Three times a été présenté en compétition au Festival de Cannes, en 2005. Si la Mostra de Venise a consacré Hou Hsiao Hsien dès 1989 en lui attribuant un Lion d’Or pour La Cite des douleurs, le maître taïwanais a attendu 1993 pour décrocher à Cannes un Prix du Jury pour Le Maître de marionnettes. Depuis, ni Good men, good women (1995), ni Goodbye South, Goodbye (1996), ni Les Fleurs de Shanghai (1998), ni Millennium Mambo (2001), ni Three times, tous présentés en compétition, et très appréciés par la critique, n’ont retenu l’attention des jurys qui se sont succédé sur la Croisette.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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