Titicut Follies



Vendredi 24 Novembre 2017 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Frederick Wiseman – USA – 1967 – 1h24 – vostf

Bridgewater (Massachusetts), 1967. Frederick Wiseman tourne Titicut Follies, son premier film, dans une prison d’État psychiatrique et atteste de la façon dont les détenus sont traités par les gardiens, les assistants sociaux et les médecins à l’époque. Ce qu’il révèle a valu au film d’être interdit de projections publiques aux États-Unis pendant plus de 20 ans. Témoin discret et vigilant des institutions, Frederick Wiseman pose, avec Titicut Follies, les bases de ce qui fait son cinéma depuis 50 ans.

«J’ai toujours une petite liste dans ma tête… Je fais des films sur la vie institutionnelle parce que ça donne une trace de la vie quotidienne américaine, pour que l’ensemble soit un document sur la façon dont nous vivons à notre époque». (Frederick Wiseman)

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« C’est par hasard que j’ai enseigné le droit : lorsque je suis revenu de France, je ne pouvais pas trouver d’autre travail. J’avais déjà quitté l’enseignement depuis deux ans lorsque j’ai commencé Titicut Follies. Avant, j’étais dans l’armée américaine parce que c’était obligatoire ­ juste après la guerre de Corée, avant celle du Vietnam. Je me sentais proche des gens qui refusaient d’aller à la guerre, mais je ne sais pas si j’aurais eu leur courage. Après l’armée, j’ai habité Paris pendant deux ans, à la fin des années 50. J’étais inscrit en droit mais je suis allé souvent au cinéma et j’ai tourné beaucoup de films en 8 mm à cette époque, notamment un sur les magasins de la rue des Martyrs. Je détestais le droit et je préférais lire des romans que d’aller en classe. J’ai choisi la fac de droit parce qu’à 21 ans, je ne savais pas quoi faire et que je viens d’une bonne famille bourgeoise, où il faut avoir une profession », explique le réalisateur. Il ajoute: « Lorsque j’étais enseignant, j’ai emmené les étudiants en visite dans plusieurs endroits : des maisons de fous, des procès, etc. Un de ces endroits fut Bridgewater, la prison pour fous de Titicut Follies. Lorsque j’ai quitté l’université afin de faire un film documentaire, j’ai pensé que Bridgewater pouvait être un bon sujet. J’étais un peu ami avec le chef, qui a tout de suite accepté que je tourne parce qu’il ne recevait pas assez d’argent de l’Etat ­ il espérait que le film l’aiderait à en recevoir davantage. Après, il m’a fallu dix-huit mois pour obtenir les autorisations de ses supérieurs. J’ai tourné vingt-neuf jours étalés sur trois mois. Lorsque tous ces gens ont vu le film, ils l’ont beaucoup aimé. Mais ensuite, il est passé au New York Film Festival et certains journalistes en ont profité pour faire une critique très dure de l’Etat du Massachusetts. Et c’est à cause de ces articles que les hommes politiques ont commencé à avoir peur du film. Tout le procès contre le film est venu de questions politiques…En tournant Titicut, je me suis dit que ce serait intéressant de faire la même chose dans d’autres endroits et c’est ainsi que m’est venu l’idée de tourner plusieurs films sur les institutions américaines. Si on peut tourner dans une prison pour les fous, on peut faire de même dans une école publique. Ça n’a pas été sans problèmes. Titicut est passé pendant six semaines puis s’est arrêté à cause du procès. Le verdict disait que le film pouvait être montré à un public de spécialistes, des étudiants en droit ou des juristes, dans des conditions très strictes. A chaque projection, je devais signer un papier certifiant que le public n’était constitué que de spécialistes. Ça a duré jusqu’en 91, où j’ai gagné le procès au nom du premier amendement de la Constitution sur la liberté d’expression. » (Entretien avec Frederick Wiseman, lesinrocks.com)

« En 1967, le documentariste américain choquait son pays en révélant les conditions de vie effroyables du pénitencier psychiatrique de Bridgewater. Censuré, menacé de destruction, ce grand film, disponible depuis 1991 seulement, ressort en salles. Trois raisons de s’y précipiter.

Avant de devenir l’un des plus grands documentaristes américains, Frederick Wiseman était professeur de droit à l’université de Boston. Dans les années soixante, il emmenait chaque promotion d’étudiants au pénitencier psychiatrique située Titicut Avenue à Bridgewater, dans le Massachussets. Une sortie scolaire à ses yeux aussi formatrice qu’un cours magistral, comme il l’expliquera plus tard à la revue Positif : « Il me semblait important d’emmener les étudiants visiter un lieu où, en tant que procureurs, ils pourraient expédier des gens, ou en tant qu’avocats de la défense, leurs clients pourraient se retrouver ».

Fasciné par le lieu et les relations entre les détenus-patients et le personnel pénitientiaire, Wiseman décide de consacrer son premier film à l’hôpital-prison de Bridgewater. Après un an et demi de négociations avec les autorités, il obtient en 1966 l’autorisation d’y tourner sans restrictions pendant un mois. Il filme dans un noir et blanc quasi-expressionniste le quotidien (sordide) des malades incarcérés, les mauvais traitements physiques et psychologiques dont ils sont victimes, mais, aussi, la fête annuelle de l’établissement, pendant laquelle détenus et gardiens montent sur scène, déguisés, pour chanter. Des dizaines d’heures de rushes obtenues, Wiseman tire un film implacable d’une heure vingt-quatre. Cinquante ans après sa présentation triomphale au festival de New York, Titicut Follies ressort en salles en version restaurée. Trois raisons de voir ou revoir ce témoignage-choc sur la folie.

Titicut Follies est resté longtemps invisible. La faute à l’acharnement judiciaire de l’Etat du Massachussets, qui, dès 1967, demande l’interdiction du film. Raison officielle de la plainte : le film violerait l’intimité et la dignité des patients de Bridgewater. Raison officieuse et beaucoup moins avouable : les autorités de l’Etat n’apprécient pas l’image peu reluisante de leurs services sanitaires et sociaux véhiculée par le film…Un tribunal new-yorkais donne raison à Wiseman en première instance. Mais en 1968, la cour supérieure du Massachussets ordonne de retirer Titicut Follies de l’affiche et de rappeler toutes les copies pour les détruire ! Wiseman invoque une atteinte à la liberté d’expression garantie par le Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Il fait appel devant la Cour suprême de l’Etat, qui, en 1969, rend un jugement de Salomon : les projections du film sont autorisées mais uniquement pour les médecins, les avocats, les juges, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux et les étudiants.Il faudra attendre plus de vingt ans pour que, en 1991, un juge autorise à nouveau l’exploitation du film pour le grand public. Seule condition : il faut ajouter au montage un panneau indiquant que « des changements et des améliorations ont eu lieu depuis 1966 à Bridgewater ». On vous laisse découvrir comment Wiseman a respecté cette ordonnance de justice à la lettre tout en la ridiculisant – restez bien jusqu’au bout du générique final… » (telerama.fr)

« Le premier choc du film est celui d’une révélation brutale : montrer ce qui était jusqu’alors maintenu hors de la vue du plus grand nombre, à savoir le peuple des fous, ­ses comportements incohérents et ses postures démantibulées. ­Devant la caméra de Wiseman (et de son chef opérateur, John Marshall) se succèdent différents types d’aliénés, des délirants aux pa­ranoïaques, des schizophrènes aux pervers sexuels, et avec eux tout un cortège de visages convulsifs, de gestes détraqués, de propos ­obsessionnels. Cette collection de dérèglements agit d’abord comme un violent démenti au corps hygiénique tel que construit par l’imagerie américaine, celle de la publicité, de la télévision et du cinéma. C’est tout le refoulé d’une société qui surgit à travers le noir et blanc quasi ­expressionniste de la photographie.

Mais cette révélation est aussi celle du traitement réservé aux pen­sionnaires. Les installations ­af­fichent une vétusté et une ­in­salubrité évoquant l’univers ­concen­trationnaire. Par souci ­de commodité, les détenus sont ­sans cesse dénudés, transbahutés d’une pièce à l’autre par des gardes en uniforme. Lors d’un passage terrifiant, un patient qui ­refuse de s’alimenter se voit intuber, afin qu’on lui verse directement sa nour­riture dans l’estomac. Le misérable corps humain est sans cesse désacralisé, profané, réifié par l’institution qui le prend en charge.

Bridgewater n’est pas n’importe quelle institution : c’est à la fois un hôpital et une prison. Ses patients ne sont pas seulement soumis à un internement, mais qui plus est à une incarcération, et les soins qu’on leur prodigue ne se distinguent pas toujours des châtiments qu’on leur inflige. C’est ­de cette ambiguïté entre soigner et punir que le film tire sa force subversive, dont le montage appuie l’ironie virulente.

L’ouverture du film, sur un spectacle de music-hall joué par les pensionnaires, invite à une lecture en partie parodique de ce qui va suivre. Ne voit-on pas, dans le comportement des « fous », le ­reflet déformé d’un ordre social défaillant et, plus largement, d’une Amérique qui déraille ? Dans leurs propos, les aliénés évoquent la guerre froide ou Kennedy, pastichent les discours politiques, les parades militaires et les prêches religieux. Mais c’est encore à la guerre du Vietnam que ­la plupart des troubles se réfèrent. Ce conflit apparaît dès lors comme le grand point de fissure de la conscience américaine, l’origine possible d’une schizophrénie collective (celle des années 1970 à venir). La folie n’est jamais qu’un reflet inversé du monde tel qu’il ne va pas. Peu à peu, les ­contours de la folie se renversent et l’on finit par ne plus savoir qui des pensionnaires ou du personnel est le plus délirant.

Dès ce premier coup d’éclat qui inaugurait une œuvre prolifique, Wiseman saisissait avec une acuité sidérante la coercition que le pouvoir exerce sur les corps. » (lemonde.fr)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri .

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