Événement : 3 jours avec Paul Vecchiali/Train de vies ou les voyages d’Angélique



Samedi 24 Novembre 2018 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Paul Vecchiali, France, 2018, 1h16

Trois séances rencontre-débat en présence du réalisateur Paul Vecchiali !

Ce soir deuxième séance rencontre-débat

autour du film Train de vies ou les voyages d’Angélique.

A plusieurs étapes de sa vie, Angélique, à l’apparence immuable, côtoie des gens fort différents lors de ses voyages en train. Une femme a-t-elle le droit et la possibilité de vivre sa sexualité comme elle l’entend ?

Notre critique

Par Bruno Precioso

On ne reviendra pas ici sur la carrière de Paul Vecchiali, dont la filmographie indicative établie par Vincent Jourdan à l’occasion de son précédent passage par CSF (en 2015) pour ouvrir cette brochure donne un aperçu assez éloquent ; on ne saurait d’ailleurs en si peu de lignes embrasser commodément presque 60 ans de réalisation. Un coup d’œil rétrospectif ne serait pour autant pas inutile, car on y verrait apparaître des forces structurantes d’une grande stabilité, et qui continuent d’opérer dans ce Train de vies, dernier-né du cinéaste français le plus opiniâtre qu’il nous ait été donné de présenter. Ce dernier opus paraît alors que Paul Vecchiali a cessé d’être accompagné par Shellac, sa maison de production, ce qui n’empêche pas le réalisateur de se lancer dans 2 nouveaux longs – et de sortir simultanément un inédit – en poursuivant dans sa ligne d’indépendance. Il faut dire que l’itinéraire du réalisateur est un chemin de liberté, qui s’affranchit des compromis autant que des modes, quoique depuis peu le succès des Nuits blanches sur la jetée ait rappelé à chacun qu’à l’occasion, les modes se tordent pour rattraper le temps perdu. Le cinéma de Vecchiali n’a donc guère de raison de plier ou de se transformer avec le temps. Sans négliger l’inconfort qu’il représente, l’affranchissement de toute maison de production pérenne a également contribué à forger sa manière, ce qui rend la production de Paul Vecchiali si spécifique. La fidélité est probablement l’autre maître-mot du cinéma de Vecchiali : fidélité à des valeurs conditionnant l’ensemble du travail de réalisation, fidélité à des préoccupations qui font le sillon tracé depuis 1961 que l’on retrouve ici : la guerre, l’amour… fidélité réciproque du réalisateur et de ses comédiens, qui ont tout au long de la carrière de Paul Vecchiali donné un visage collectif et continu à son œuvre. On se souvient que certains, certaines ont tissé avec le travail du réalisateur corse un lien presque charnel, d’Hélène Surgère (depuis les Ruses du Diable en 1965) à Astrid Adverbe (le personnage central d’Angélique ici, comme dans le précédent C’est l’amour) qui a débuté sous sa direction (Corps à cœur, 1985) et n’a pas perdu le sens de la fidélité – pour ne pas dire de la filiation.

« Indépendance c’est son drapeau, anarchiste sa morale… qu’il assume. » les membres de la commission d’avance sur recette du CNC dans A vot’bon cœur (Paul Vecchiali, 2004)

Car le cinéma de Vecchiali, c’est pour ainsi dire une affaire de famille, comme il le confie luimême lorsqu’il évoque la récurrence de ses acteurs, dont il conserve à l’occasion les noms d’un film l’autre comme un clin d’œil à un public lui-même engagé dans une fidélité certaine :

« [Faire un film] pour moi, c’est reconstituer une famille. Quand je pense y avoir abouti, j’écris pour les acteurs. Puis nous faisons des lectures « à plat » pour voir si des mots ou des phrases indisposent l’un ou l’autre des membres de cette famille. On change au besoin. Ensuite, juste avant le tournage, il y a la lecture définitive où j’indique les cadences : pauses, silences, accélérations. » Et comme dans une famille idéale, l’égalité et la liberté (encore) sont de mise puisque Vecchiali paye de se personne, quoiqu’il ne se considérât pas initialement comme un comédien : « J’ai débuté dans le film d’Agnès Varda Le Bonheur et me suis trouvé très mauvais. Ensuite, dans Les Ruses du diable ou Corps à cœur, j’ai remplacé un comédien qui s’était défilé sans prévenir. Après, il y a eu la « pentalogie » où je devais finir cette série de films par acheter ma villa (Retour à Mayerling). J’ai donc dû être présent dès le départ (la première saison, on dirait aujourd’hui). Et, dans …Et tremble d’être heureux, je me suis senti vraiment comédien. J’ai, alors, décidé de continuer. Je me suis aperçu que cela changeait tout au fonctionnement de la « famille ». Je n’étais plus sur un piédestal. N’importe qui pouvait me conseiller. Une sorte de démocratie était née. Et ça me plait bien, cette idée ! » La liberté suppose aussi d’accepter les contraintes matérielles, voire d’en faire un levier de création. Si Train de vies et les Sept déserteurs se répondent, ne serait-ce que par leur distribution, ils ont aussi un dialogue en creux puisqu’ils relèvent de dispositifs non seulement radicaux mais radicalement différents, quoique nullement opposés. La mise en scène de ce Train, toute intérieure, est une mise en scène frontale dans laquelle le fameux 4e mur est celui du wagon qui impose au voyageur un compagnon (une compagne) de voyage qu’il n’a pas choisi(e) et dont la personnalité s’impose, le temps d’un film, d’un voyage en train, d’une vie peut-être.

Elégance d’un dialoguiste

L’épure n’est pas ici seulement l’expression d’une frugalité forcée par les circonstances, imposant de réduire dans toutes les directions les dépenses du tournage. Elle fait signe surtout vers ce qui est au cœur du travail du réalisateur :  un cinéma de personnages, un cinéma écrit avec soin et très attentivement mis en bouche, avec le refus absolu d’une désinvolture faussement naturaliste qui aurait pour vertu supposée de ‘‘faire vrai’’. Il en résulte un film puissamment concentré où la caméra semble s’effacer devant les voix, où l’image est envahie par les comédiens et nous immerge dans un face à face radical. Frontalité qui rapproche théâtre et cinéma, ou fait du cinéma de Vecchiali un art hybride comme un aigle à deux têtes, rassemblant les deux expériences sous un seul titre. Cette sobriété de moyens n’est pas synonyme de simplicité ni du propos, ni de la compréhension de la trame même, car bien des pistes sont brouillées pour qui sait prêter aux indices l’attention nécessaire. Le temps par exemple, d’une étrange élasticité, pourrait bien faire basculer le film dans un genre qu’on n’attendait pas… si seulement il était facile – possible même – de définir un genre dans lequel enfermer ce Train de vies. Le jeu des comédiens, parfois aux frontières du littéraire ou du théâtral, ouvre souvent entre le film et ses spectateurs une distance propice à une pleine conscience de l’expérience de l’écran, à une victoire de la vérité et du style sur le réalisme. Car il ne s’agit pas d’entretenir d’illusion, le cinéma de Vecchiali s’assume pleinement en tant que tel et s’empare de toutes les armes à sa disposition. Par exemple, il fut souvent chanté, et c’est encore le cas ici ; on chante des chansons écrites par le réalisateur qui participent intensément de la dynamique du film tout en ajoutant encore à la difficulté de le ranger sous une étiquette précise, en glissant dans la trame sans accident du film une nouvelle occasion de décollement au spectateur. En effet, la question de la mission dont est porteur le cinéma (à l’art en général pourrait-on dire) est bien au cœur de la manière dont Vecchiali écrit, filme, dirige ses acteurs : il faut ici bouleverser les attentes, les habitudes des spectateurs, déplacer le regard en l’enfermant dans un wagon, capter l’attention puis la libérer, porter publiquement des confidences intimes en théorie et les partager au hasard des rencontres…  A ce jeu-là il faut garder à l’esprit que revient au spectateur de prendre en charge la dialectique proposée par le réalisateur, afin d’en tirer une synthèse propre à chacun. Car on n’entre pas dans ce cinéma pour se contenter d’assister au film ; il s’agit bien plutôt d’en être l’assistant, aussi actif que nos moyens l’autorisent, et la passivité n’est pas de mise. Pour le dire en empruntant les mots de Cocteau «on va au cinéma pour connaître, non pas pour reconnaître.»… Au travail donc !

Sur le Web

On reste admiratif face au parcours de Paul Vecchiali qui, à 87 ans, continue chaque année de sortir un ou plusieurs longs métrages. Non pas admiratif en raison de son âge, mais parce qu’au long d’une carrière déjà bien remplie, le réalisateur de Femmes Femmes continue de réinventer son cinéma d’un point de vue narratif et formel, ainsi qu’en termes de production et de diffusion. À l’instar de Jean-Claude Brisseau, mais aussi de Jean-Pierre Mocky, ces cinéastes farouches n’en finissent pas de défendre leur indépendance, tels des marginaux éternels. Devant s’appuyer sur des moyens techniques réduits, Paul Vecchiali accorde une attention accrue à la langue et à sa pratique par l’acteur, ce qui lui permet ainsi d’inscrire ses récits dans des cadres extrêmement resserrés. Car nul besoin de changer de lieux lorsque les mots des personnages font qu’un même endroit, paisible il y a encore quelques minutes, se retrouve sens dessus dessous suite à une conversation houleuse. Nul besoin de flashback non plus quand c’est également cette même parole qui, telle la spatule d’un archéologue, semble remuer des strates de temps et faire émerger à la surface ce qui avait été recouvert par les années…Train de vies nous plonge dans un lieu unique, la banquette d’un wagon; il s’agit autant d’un lieu que d’un segment temporel dans lequel les personnages se retrouvent malgré eux, comme momentanément en suspens et sans solution de repli. Ils se voient alors emprisonnés par le contexte, mais également par les mots de ceux qui les entourent, les questionnent, les jugent et les poussent à se justifier. Mais ces lieux resserrés reflètent finalement le drame d’une continuelle errance, d’une incapacité à se fixer. Le mouvement n’y est pas vu comme libératoire, mais comme révélateur d’une tendance à fuir, loin de tout ancrage communautaire, de toute responsabilité et de tout engagement. Train de vies est à ce titre symptomatique de cet aspect fuyant, car nuls autres endroits que la gare et le train ne symbolisent autant le mouvement, l’éphémère et la solitude du voyageur. Le film suit le personnage d’une danseuse étoile depuis peu à la retraite, femme libre aux multiples aventures sentimentales et sexuelles, ayant toujours refusé de se laisser enfermer dans la structure traditionnelle du couple. On craint au début que le récit ne se complaise dans une forme légère et anecdotique, un petit théâtre joyeux dans lequel on retrouve les acteurs qui composent ces dernières années la famille Vecchiali. Si chacun semble dans un premier temps jouer sa partition, l’enchaînement de ces tableaux à la forme identique crée pourtant un mouvement qui installe une atmosphère étouffante et tragique. Les scènes ne se suivent pas comme autant de blocs, mais s’additionnent lentement mais sûrement, dans un processus prenant à revers le personnage principal. Malgré un dispositif radical, le film adopte une progression linéaire somme toute classique. La forme ne joue pas avec elle-même, et demeure en définitive au service de l’humain et des aléas du cœur. On ne peut qu’apprécier de voir un auteur refusant autant le naturalisme, la parler-vrai et l’effet de réel, et ne pas se brimer lors de l’écriture des dialogues par peur d’une approche trop littéraire. Si cette langue est avant tout là pour exprimer ce que les personnages ont sur le cœur, le cinéaste refuse pourtant de laisser ces affects se déverser sans garde-fou, préférant au contraire travailler et ciseler ce magma de paroles à la fois classique et populaire, désuet et moderne, raffiné et volontairement grossier… » (critikat.com)

« Train de vies est constitué des voyages ferroviaires d’Angélique (Astrid Adverbe), une ex-danseuse étoile aux prises avec une libido insatiable, dont on suit, en filigrane de ses rencontres, le mariage tourmenté avec un violoniste timide nommé Jérôme (Pascal Cervo)…Le film se concentre sur une scène confinée  – une simple rangée de sièges dans un train – fonctionnant comme une chambre d’écho : les personnages sont amenés à s’y raconter, s’y confesser, s’y dévoiler, parfois jusqu’à l’impudeur. La scénographie assume l’artificialité de décors en carton-pâte faits de bric et de broc. Si ce dénuement et cette frontalité peuvent rebuter, ils n’en confèrent pas moins aux deux films une beauté particulière, qui consiste à inventer à partir de trois fois rien leurs propres codes de représentation. Ainsi peuvent-ils être vus comme des pièces de théâtre, mais dont la théâtralité serait façonnée par les outils du cinéma…Train de vies rejoue, en mode mineur, l’un des grands motifs qui traversent l’œuvre de Vecchiali : la proximité indémêlable du désir et de la morbidité…Le temps du voyage invite à l’aveu érotique. Mais on se rend compte peu à peu que la frénésie sexuelle d’Angélique cache une angoisse macabre, et cède bientôt place à un douloureux travail de deuil. L’expression du désir consiste toujours, ici, à accepter la dissipation d’une force vitale. Au centre de l’art vecchialien réside justement le souci de l’expression, qui passe par son goût des acteurs insolites. Habitués (Astrid Adverbe, Pascal Cervo), revenants (Marianne Basler, Brigitte Roüan) et nouveaux venus (Jean-Philippe Puymartin, Bruno Davézé) se partagent la distribution. La troupe miroite de physionomies et de tessitures vocales singulières, jusque dans leurs dissonances, comme un petit orchestre bigarré. Mais le plus frappant est encore la façon dont la parole est cernée par un environnement sonore menaçant : le ronronnement des wagons dialoguent avec les propos des personnages. L’écoute est primordiale, pour mieux suggérer le vacarme d’un monde extérieur dont chaque personnage ressent la violence jusque dans sa chair…(lemonde.fr)

Interrogé sur ses choix artistiques de décor , de lumière, de costumes, Paul Vecchiali répond : « Je vais sans doute surprendre. J’avais fait un court, La Bazarette avec Astrid Adverbe et moi. Au cours duquel (mais il est intégré dans le long) elle parle sans cesse de ses désirs sexuels, de la maladie et des morts. J’ai eu le désir « d’agrandir » ce personnage. Et c’est sans doute plus l’idée d’économie qui m’a guidé que l’inverse. En effet, j’avais décidé de faire Les Sept Déserteurs qui se passe en un lieu unique mais en extérieurs. Il m’a semblé juste et PRODUCTIF de faire en même temps ce film où l’on ne sort jamais du pseudo-train, de façon à pallier les problèmes de météo. Si pluie ou vent pendant le tournage des Sept Déserteurs, on abandonne l’extérieur pour rentrer tourner Train de vies. Le budget s’en est trouvé diminué dans la mesure où je n’avais à payer qu’un aller-retour puisque les techniciens (ça va de soi) mais aussi les comédiens/ennes (à une exception près : Brigitte Roüan) étaient les mêmes. Il se trouve que la météo a été indulgente. Donc nous avons terminé le premier en cinq jours et demi, le second en deux jours et demi. Ce n’est pas une volonté de record. La préparation a été longue et, même, douloureuse car j’avais tout juste le financement nécessaire et que tout dépassement eût été tragique pour Dialectik, ma société de production. »

En ce qui concerne le casting, Paul Vecchiali ajoute : « Un casting se fait au feeling. Pour moi, c’est reconstituer une famille. Quand je pense y avoir abouti, j’écris pour les acteurs. Puis nous faisons des lectures « à plat » pour voir si des mots ou des phrases indisposent l’un ou l’autre des membres de cette famille. On change au besoin. Ensuite, juste avant le tournage, il y a la lecture définitive où j’indique les cadences : pauses, silences, accélérations. Donc rien de dialectique là-dedans mais plutôt, la préparation de ce qui va l’être. Personne d’autre qu’Astrid Adverbe ne pouvait jouer Angélique puisqu’elle est présente dans La Bazarette, où je joue son beau-père (donc aussi récurrent)… Cette partie-là du casting ne pouvait être modifiée !…La palette de jeu d’Astrid Adverbe, toutes proportions gardées, rejoint celle de Danielle Darrieux. Elle a ce charme inné, un peu ingrat par instant parce que l’angoisse se lit sur son visage et puis c’est une danseuse. Élégance du port donc, et démarche ailée. Bien sûr, ici, elle ne marche pas mais son corps se comporte comme si elle avançait…Le film commence par un Gros Plan d’Angélique et se termine de la même façon. Que s’est-il passé entre ces deux plans ? Là, commence l’ouverture de la dialectique, précisément. Seul, mon personnage évolue physiquement. Mais n’est-ce pas lui qui fantasme cette histoire ? Quand Angélique est morte, beaucoup de mes amis eurent souhaité que l’image s’arrête là et que le générique de fin s’inscrive dans le noir. Ce qui est contraire à l’idée du film : la vie DOIT continuer et le chant final où l’on reconnaît la voix du beau-père d’Angélique (moi, autrement dit l’auteur) renverse encore les lectures. C’est très important pour moi, ces renversements successifs.« 

Sur sa présence en tant qu’acteur dans ses films, Paul Vecchiali explique : « Je ne me considérais pas comme un comédien. J’ai débuté dans le film d’Agnès Varda Le Bonheur et me suis trouvé très mauvais. Ensuite, dans Les Ruses du diable ou Corps à coeur, j’ai remplacé un comédien qui s’était défilé sans prévenir. Après, il y a eu la « pentalogie » où je devais finir cette série de films par acheter ma villa (Retour à Mayerling). J’ai donc dû être présent dès le départ (la première saison, on dirait aujourd’hui). Et, dans …Et tremble d’être heureux, je me suis senti vraiment comédien. J’ai, alors, décidé de continuer. Je me suis aperçu que cela changeait tout au fonctionnement de la « famille ». Je n’étais plus sur un piédestal. N’importe qui pouvait me conseiller. Une sorte de démocratie était née. Et ça me plaît bien, cette idée !« 

« Tournés parallèlement en une poignée de jours, Train de vies ou Les voyages d’Angélique et Les sept déserteurs ou La guerre en vrac, les deux derniers films de Paul Vecchiali, diffèrent dans leur esthétique autant qu’ils témoignent chacun d’une aspiration égale au défi. Le premier est une succession, un enchaînement plutôt, de scènes à la totale disposition de personnages filmés en plans rapprochés. Disposition due au projet de faire tenir l’entièreté de la fiction sur la seule parole, la conversation d’hommes et femmes dans un espace unique, un wagon de train, qui, de mémoire, n’a jusqu’ici fait l’objet au cinéma que de quelques morceaux de bravoure (chez Hitchcock, De Palma, Almodóvar…), certainement pas d’un film entier. Le fil rouge de ces conversations a donc pour nom Angélique (Astrid Adverbe, superbe actrice dont la faible visibilité sur nos écrans est tout bonnement irritante). Au téléphone avec sa meilleure amie, confrontée à un contrôleur, en partance pour le Japon avec son mari (Pascal Cervo), confessant ses états d’âme aux parents dudit mari, Angélique, si elle reste quasi identique à l’image, varie sensiblement dans le ton, passant au fil des scènes de la légèreté à la détresse, de l’ivresse amoureuse au chagrin. Risqué, le projet de Vecchiali de miser sur l’unité de lieu (et non de temps, plusieurs années s’écoulant entre la première et l’ultime conversation) devient de plus en plus séduisant, sinon stimulant, à mesure que l’on comprend que le hors-champ, tout ce que vivent les personnages hors du train, est appelé à ne s’incarner qu’à la faveur de notre écoute. Prime notre faculté à tirer de leur parole nos propres scènes. Autrement dit, voici un film qui délicatement, sans forcer le trait, offre à son spectateur-auditeur le loisir de se faire son propre film. Cette coordination entre le déroulé de Train de vies et notre imaginaire n’est certes jamais acquise, ne tient qu’à un fil… Mais si la magie opère, on sort de l’expérience empli d’une émotion rare. Celle d’avoir réellement fait un bout de chemin avec Angélique et ses compagnons de route. D’autant que la compagnie, celle de chaque personnage, chaque acteur pour son prochain, semble de plus en plus travailler ce cinéma. Il n’est pas anodin qu’au-delà des tournages parallèles, le casting des deux films soit identique. Ce que l’on comprend, suite à leur vision successive, c’est que c’est cette compagnie même et le risque de la perdre qui compose leur récit… » (blogspot.com)

« …Dans Train de vies, on ne quitte pas le compartiment d’un train et l’héroïne, Angélique, on s’installe face à elle et on l’écoute plus ou moins distraitement raconter sa vie et ses questionnements sur le désir et le sexe des hommes à différents voisins, dont principalement son amie d’enfance, Clarisse (Marianne Basler)…On oublie le trajet d’Angélique, qui cependant passe de compartiment en compartiment – comme l’atteste la couleur variable des housses froissées qui suffit à désigner l’espace confiné, alors même que la jeune femme ne se lève jamais de son siège. Le film est séquencé en chapitres – lesquels permettent des ellipses – et sont la plupart du temps cadrés en plan fixe…Le film agit dans la mémoire comme un rêve, qui se transforme et s’efface au fur et à mesure qu’on y songe. Ce qui tient en haleine, c’est le visage des acteurs – et surtout des actrices -, leur expressivité un brin outrée, leur voix et le texte, qui semble être dit au cordeau et très écrit, avec des expressions d’un autre temps…Marianne Basler, avec son brushing soigné et sa pétulance, renvoie autant à la belle époque des comédies hollywoodiennes qu’à Bernadette Lafont dans n’importe quel film de la Nouvelle Vague. Astrid Adverbe, qui vit un genre de roman d’initiation, appartient à la curiosité piquante des héroïnes rohmériennes. Les deux sont donc légèrement datées, comme si elles portaient la trace des actrices et films fétiches du cinéaste, et en même temps en prise avec le présent…Ce que bouleverse Paul Vecchiali, ce ne sont pas seulement les règles qui régissent la fabrique d’un film – comment s’y prend-on pour tourner autant de minutes par jour ? – que nos habitudes de spectateurs, notre manière de regarder, d’être capté, de fuir, ou de somnoler (comme dans tout bon train)…Dans un entretien à Libération, le 7 février 2015, Paul Vecchiali notait : «J’ai réalisé mon premier film en 1961, Les Petits Drames – mais le film a été perdu, détruit ensuite. J’ai tout fait à l’envers, finalement : d’abord un long, puis un court. D’abord réaliser des films, puis devenir assistant, puis faire de la critique. Mon premier film, je l’ai monté seul, dans le salon de Nicole Courcel et Michel Piccoli, qui jouaient dedans. […] En deux nuits, et en faisant un peu n’importe quoi du point de vue technique, par innocence.» Tout faire à l’envers : Paul Vecchiali n’a sans doute jamais perdu cette faculté. Et l’on peut regarder ces deux derniers films Les sept mercenaires ou la guerre en vrac et Train de vies ou les voyages d’Angélique, comme ses deux premiers. Ne serait-ce que dans leur confection.  » (liberation.fr)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri.

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N’oubliez pas la règle d’or de CSF aux débats :
La parole est à vous !

Entrée : 7,50 € (non adhérents), 5 € (adhérents CSF et toute personne bénéficiant d’une réduction au Mercury).

Adhésion : 20 €. Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF,  et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier.

Nouvelle activité : Atelier de Super 8 sous la direction de Vincent Jourdan. Initiation gratuite réservée aux adhérents la Samedi 5 janvier 2019 à 14h à la Maison des Associations de Nice-Baribaldi.

Voyage découverte à la Cinémathèque de Berlin et Potsdam le week-end du 8-9 juin 2019.
Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


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