Vendredi 07 Mars 2008 à 20h30
Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
Film de Hou Hsiao Hsien – Taïwan – 1985 – 2h17 – vostf
En 1947, alors qu’il n’est encore qu’un bébé, Ah-ha et sa famille partent de Chine pour Taïwan. Ils s’installent d’abord près de Taipei, puis déménagent au sud de l’île où le climat est plus clément pour le père, asthmatique. Choyé par sa grand-mère, le petit Ah-ha grandit au sein d’une famille bientôt frappée par la maladie : du petit garçon espiègle qu’il était à dix ans, il se mue en adolescent taciturne et révolté…
Evocation des trois périodes de la vie de Ah-Hsiao, surnommé Ah-Ha par sa grand’mère. En 1957 sa famille s’installe dans une petite ville du sud de Taiwan, après avoir quitté la Chine continentale en 1948.
Sur le web
« Je sentais que je faisais ce film pour parler essentiellement de trois morts qui ont constitué les moments les plus importants de ma vie« ,déclarait un jour Hou Hsiao-hsien. En l’occurrence les décès du père, de la mère et de la grand-mère du cinéaste taiwanais, entre la fin des années 50 et la fin des années 60. Le sous-titre Souvenirs d’enfance- l’indique: Un Temps pour vivre, un temps pour mourir, inédit de 1985, traite de la jeunesse de Hou Hsiao-hsien. C’est le dernier volet d’une trilogie autobiographique amorcée avec Les Garçons de Fenkuei (1982) et Un Eté chez grand-père (1984). Si, comme le dit HHH, la mort de ses proches est l’aboutissement dramatique et nostalgique du récit, qui a moins la forme d’un roman que d’une chronique, l’essentiel, comme dans la plupart de ses œuvres ultérieures, ne réside pas dans la narration ni dans des événements précis, mais dans l’environnement diffus et atmosphérique de la famille Hou, qui vit dans une petite ville au sud de Taiwan après avoir quitté la Chine continentale en 1948. Autrement dit, ici comme ailleurs, le réel chez HHH constitue une sorte de gangue englobant l’Histoire, les personnages, leurs destins, leurs bonheurs et malheurs, ainsi que leur vie quotidienne. Mais à l’inverse d’un film résolument historique comme La Cité des douleurs, on ne trouve pratiquement aucun repère permettant une datation exacte. A peine un ou deux vêtements, quelques informations à la radio sur des combats aériens avec les frères ennemis communistes. Ce n’est pas vraiment que son travail soit minimaliste ; non, il reste simplement distant, sans tenter de focaliser l’attention du spectateur ou de diriger son regard.
Cinéaste moderne qui na pas connu le muet, HHH est l’antithèse absolue d’Hitchcock ou d’Eisenstein. Jouer sur une dynamique, ménager une tension à l’intérieur du plan qui rejaillirait sur l’affect du spectateur ne l’intéresse pas. On dira : c’est normal, c’est un Oriental. Mais là n’est pas la question. On a vu récemment des fictions orientales comme le très beau Fils adoptif ou Biographie d’un accordéoniste qui, tout en traitant des sujets proches – l’enfance dans une petite ville, la famille, les bandes de copains -, ne dépassaient pas l’anecdotique. HHH n’est pas un conteur. Construire un récit pour faire vibrer la corde sensible du spectateur n’est pas son souci majeur. Ce qu’il désire, c’est nous faire assister en direct à la vie de ses protagonistes, en mêlant intimement les gestes les plus insignifiants et quotidiens aux événements les plus graves. Cela en ajoutant de la distanciation à tout bout de champ. Au lieu de faire monter le soufflé comme ses collègues anglo-saxons, il prend du recul, entrecoupe régulièrement le récit par des plages de silence et des plans non signifiants : personnages au repos, impassibles ; paysages ; natures mortes.
En relativisant sans cesse l’intensité dramaturgique, HHH procède à la manière d’Ozu dernière période, qu’il venait de découvrir : « Pendant et après le tournage d’un Temps pour vivre, un temps pour mourir, explique-t-il, j’ai commencé à regarder quelques grands classiques européens et japonais, comme Ozu par exemple. » Il est donc légitime de considérer le film à l’aune de cette révélation tardive, qui n’est certes qu’une influence parmi tant d’autres, mais qui explique cette tendance à mettre les choses à plat, ce filmage frontal et ce goût du plan-séquence. Mais dans un sens, HHH est plus radical encore qu’Ozu : sa mise en scène n’est pas asservie à la psychologie des personnages, son approche n’est pas didactique.
Par l’artifice de la fiction, il compose une sorte de documentaire idéal, sans pour autant en faciliter l’accès. Il procède par allusions; filme dans les coins, parfois du point de vue d’un hypothétique intrus situé un peu en retrait. Cet intrus est aussi bien le cinéaste que le spectateur, comme le montre une scène dramatique où A-ha, surnom du cinéaste enfant, personnage principal du film, regarde de loin, du lieu ou il est en train de se laver, sa mère pleurer dans une autre pièce, après la mort de son père. Ce point de vue distant et parcellaire expliqué aussi la relative opacité de certains passages. Souvent, comme on dit vulgairement, -on doit se cotiser pour comprendre. Ainsi, on devine à peine que dans la deuxième partie – A-ha a grandi et a environ 17 ans – le « héros » se retrouve au bordel, tellement la scène est elliptique – A-ha seul dans une pièce à moitié nu ; une jeune femme dans un couloir avec une cuvette en métal. Une discussion entre les copains de A-ha apporte a posteriori des précisions sur cette scène, mais en faisant redoubler le mystère : « lia eu l’enveloppe rouge. Puceau va ! » Quid de cette enveloppe Nous ne le saurons pas. La plupart du temps, le cinéaste part du général (le plan d’ensemble) pour arriver au particulier (le plan rapproché), procédant souvent par recadrages, raccords dans l’axe sur un personnage central. C’est plus un cinéaste du planque de la scène – d’où sa prédilection pour le plan-séquence. Même s’il décrit la vie d’une collectivité (la famille) au sein d’une plus vaste communauté (la petite ville), il a tendance à dissocier les individus en les filmant séparément ou par groupes de deux ou trois.
Comme chez Tsai Ming-liang, mais en moins extrême, un groupe de personnes, même vivant sous le même toit, ne constitue pas un tout, mais un assortiment d’individus remplissant chacun une fonction précise et communiquant assez peu entre eux. Il est fréquent qu’un personnage reste hors champ quand il relate un événement récent ou ancien, pendant qu’à l’image ses auditeurs se livrent à une activité subsidiaire. La confrontation collective est fort rare. Elle n’intervient, et encore, que lors d’un décès. Cette dissociation constante se traduit par une indifférence des plans, par leur caractère parfois aléatoire : A-ha est immobile en train d’attendre ; immédiatement après, il soulève des haltères dans un gymnase ; ensuite on le voit dans son lit, au réveil. Il n’y a aucune relation de cause à effet entré ces séquences enchaînées. Cette propension à laisser une entière liberté au spectateur peut évidemment dérouter des Occidentaux accoutumés dès l’enfance à être téléguidés par des contes, des spectacles (séances de guignol) structurés et coercitifs. Le cinéaste taïwanais n’est pas comme Wong Kar-wai, son voisin hong-kongais, un foutraque de la caméra. Alors, on prend parfois la rigueur de sa mise en scène, de ses plans archicomposés (chaque cadre est un tableau) pour de l’académisme. Fausse piste. Ce grief est vite balayé quand on réalise que HHH dépasse toutes les conventions pour aboutir inexorablement à l’abstraction. D’où une certaine froideur dans son travail. Même s’il ne se refuse pas aux scènes dramatiques (la douleur de la mère et de la grand-mère à la mort du père), elles sont très circonscrites. Pas de débordement, pas de glu sentimentale. Le mélodrame a certes son intérêt, mais il a un côté pathologique, totalement antithétique de l’univers ontologique dans lequel HHH nous introduit de plain-pied. Avec lui, la distinction entre documentaire et fiction tend à s’éclipser sur la pointe des pieds. Son cinéma est beaucoup plus vaste et illimité que de simples histoires, capsules de rêves et de fantasmes qui la plupart du temps se désintègrent comme des bulles de savon quelques minutes après leur vision. Il est clair que HHH n’a qu’un but, le plus ambitieux : faire entrer toute la vie dans un film. (lesinrocks.com)
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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