Le Vent se lève


 


Vendredi 06 octobre 2006 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Un film de Ken Loach – Royaume-Uni – 2006 – 2h04 – vostf

Irlande, 1920. Des paysans s’unissent pour former une armée de volontaires contre les redoutables Black and Tans, troupes anglaises envoyées par bateaux entiers pour mater les velléités d’indépendance du peuple irlandais. Par sens du devoir et amour de son pays, Damien abandonne sa jeune carrière de médecin et rejoint son frère Teddy dans le dangereux combat pour la liberté…

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Le Vent se lève a permis à Ken Loach, grand habitué du Festival de Cannes, d’y décrocher en 2006 la récempense suprême : la Palme d’or, décernée « à l’unanimité« , selon les termes du Président du jury, Wong Kar-Wai. Le cinéaste anglais, doyen de la compétition (il fêtait ses 70 ans un mois plus tard), s’est vu remettre le trophée des mains d’Emmanuelle Béart. Entre Loach et la Croisette, c’est une longue histoire. La Semaine de la Critique l’invite dès 1970 pour son deuxième long métrage, Kes. Il revient en section parallèle pour Family Life et Black Jack, qui lui vaut le Prix de la Critique internationale en 1979. En sélection officielle dès 1980 avec The Gamekeeper (à Un Certain Regard), il entre dans la course à la Palme d’or en 1981 avec Regards et Sourires (Prix du cinéma contemporain). Régulièrement récompensé par la suite, il décroche le Prix du Jury pour Hidden Agenda (1990) et Raining stones (1993), le Prix de la Critique internationale pour Riff Raff (1991) et Land and Freedom (1995). En 1998, My name is Joe vaut à Peter Mullan le Prix d’interprétation masculine tandis qu’en 2002, Sweet Sixteen remporte le Prix du Scénario. Pour Bread and Roses en 2000, il repart bredouille. Ajoutons pour être complet que le Jury oecuménique, à l’occasion de son 30e anniversaire, lui a attribué en 2004 un Prix spécial pour l’ensemble de son oeuvre. En recevant sa Palme d’or, l’Anglais a déclaré : « Nous espérons que notre film constitue un petit pas dans la relation qu’ont les Britanniques avec leur passé impérialiste. Si nous osons dire la vérité sur le passé, peut-être oserons-nous dire la vérité sur le présent.« 

Selon Ken Loach, les événements décrits dans le film trouvent un écho dans le monde contemporain : « Tout comme la guerre d’Espagne, ils représentent un moment crucial : comment une longue lutte pour l’indépendance peut être contrecarrée, au moment même où elle va aboutir, par un pouvoir colonial qui, tout en se débarrassant de son empire, sait parfaitement maintenir ses intérêts stratégiques. C’est là toute l’habileté de gens comme Churchill, Lloyd George, Birkenhead et les autres. Une fois coincés, quand il n’est plus vraiment dans leur intérêt de refuser l’indépendance, ils cherchent à diviser le pays. Ils soutiennent ceux qui, à l’intérieur du mouvement d’indépendance, acceptent que le pouvoir économique reste entre les mêmes mains (…) C’est une manipulation par le pouvoir central en place : des mouvements aux intérêts divergents s’unissent alors contre l’oppresseur commun. Inévitablement leurs intérêts contradictoires finissent un jour par éclater. Je suis certain que la situation est la même aujourd’hui dans un pays comme l’Irak, où la résistance aux Américains et aux Britanniques rassemble nombre de gens qui découvriront qu’en fait leurs intérêts divergent quand les Américains auront enfin été forcés de partir.« 

Ken Loach avait déjà évoqué le conflit irlandais dans le thriller politique Hidden Agenda (1991) avec Frances McDormand, un film dont l’action a pour cadre le Belfast d’aujourd’hui. Mais déjà en 1975 il avait réalisé pour la télévision une série en quatre épisodes intitulée Days of hope, portrait de la classe ouvrière dans les années 10 et 20. Un des personnages de cette saga est un soldat engagé volontaire pendant la Première Guerre Mondiale, et envoyé en Irlande.

Connu pour ses portraits sans concession de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui (Raining stones, Sweet Sixteen), Ken Loach avait déjà jeté un coup d’oeil dans le rétroviseur à l’occasion de Land and Freedom, consacré à la Guerre d’Espagne. Ajoutons que Loach s’est aussi intéressé au Nicaragua sandiniste dans Carla’s song (1996) et que les fantômes de l’Allemagne nazie rôdent dans Fatherland (1986). Sur un mode plus léger, Le cinéaste est également l’auteur d’un film en costumes, Black Jack, ou l’échappée belle de deux enfants dans l’Angleterre du XVIIIe siècle.

A ceux qui reprocheraient à son film d’être « anti-britannique », Loach répond : « J’ai envie que les spectateurs voient les personnages au-delà de leur nationalité. Ce n’est pas un film sur les Anglais qui tabassent les Irlandais… Les gens ont beaucoup plus de points communs avec des étrangers de la même condition sociale qu’avec, disons, ceux qui sont au sommet de leur échelle sociale (…) En Irlande, les Britanniques ont laissé derrière eux de terribles séquelles, et les forces de progrès ont souffert d’un énorme recul après le traité. Malgré cela, et malgré toutes les souffrances, le fait est que les Britanniques se sont retirés. Il y a là un élément d’espoir.« 

 » En laissant émerger progressivement les personnages, le cinéaste privilégie une mise en place presque tacite du mouvement collectif qui va unir ces hommes. Ce souci du collectif est d’autant plus beau qu’il n’entrave aucunement la mise en relief de destins individuels. La mise en scène capte bien cette belle articulation entre le groupe et l’individu qui constituera l’un des enjeux politiques fort du film : comment faire corps, parmi et sans les autres, avec ses convictions profondes. Mouvements infimes d’adhésion et de détachement se dessinent alors dans les ellipses du montage et la sobriété de plans sombres, suggérant l’engagement et la prise de conscience des événements en cours. » (lesinrocks.com)

Le casting comprend un acteur en vogue, Cillian Murphy, très loin de son rôle de méchant dans Batman Begins et de son personnage de travesti dans Breakfast on Pluto -mais il est originaire de la région de Cork, où a été tourné le film, de jeunes comédiens inconnus, comme Padraic Delaney (qui joue le rôle de Teddy) et des acteurs qui ont surtout traaillé sur les planches et pour le petit écran (Liam Cunningham et Roger Allam. La plupart des comédiens ont des souvenirs familiaux reliés aux événements racontés dans le film : Mary Murphy (qui joue le rôle de la mère) a grandi près de Kilmichael, terrain d’une mémorable embuscade et l’oncle de Mary O’Riordan (qui joue le rôle de la grand-mère) faisait partie des Flying Columns (colonnes volantes, unités de combats de l’Armée Républicaine Irlandaise) et s’est vu décerner une médaille par l’IRA. Signalons par ailleurs que le tournage, qui a duré sept semaines, s’est déroulé dans l’ordre chronologique, et que les comédiens prenaient connaissance du scénario au jour le jour : jusqu’à la fin, ils ignoraient donc le destin de leur personnage…

Pour le scénario, Ken Loach a une fois encore fait appel à Paul Laverty, qui à travaillé sur tous ses films depuis Carla’s song (à l’exception de The Navigators). Le cinéaste évoque le processus d’écriture : « Au début, on n’a qu’une feuille blanche et un contexte historique. C’est alors que Paul dessine les personnages et les grandes lignes de l’histoire. Le film doit arriver à décrire un monde qui dépasse les points de vue individuels de ses personnages (…) Paul sait raconter une histoire dans laquelle le contexte est implicite. Tout n’a pas besoin d’être surligné (…) Il s’agissait aussi de trouver l’équilibre entre une vérité historique et un sentiment plus contemporain d’urgence, de réalité (…) On ne peut jamais arriver à reconstituer précisément le passé, on ne fait qu’approcher la réalité de l’époque, on ne peut qu’essayer de rendre son esprit et d’éviter les clichés.« 

Outre Paul Laverty, on retrouve au générique du Vent se lève nombre de fidèles collaborateurs de Ken Loach. Citons la productrice Rebecca O’Brien, le chef-opérateur Barry Ackroyd, le monteur Jonathan Morris et le compositeur George Fenton, quatre personnes avec qui le cinéaste travaille depuis plus de dix ans.

Cillian Murphy donne son point de vue sur son personnage : « On ne peut parler de Damien sans évoquer son frère Teddy dont l’influence est importante malgré leurs éducations différentes. Alors que son frère aîné était au séminaire, Damien est resté à la maison, choyé et encouragé dans ses études par leur mère. Cela ne l’a pas empêché d’acquérir une forme de culture politique (…) Et puis, en tant que médecin, Damien a l’occasion de voir que des familles entières sont affamées (…) En fait, je dirais que Damien est finalement un « idéaliste réalise ». Il comprend qu’il est obligé de s’engager dans la violence et il sait qu’il est possible qu’il soit tué. Mais une fois sa décision prise, son but n’est pas de devenir un martyr mais de participer à l’instauration d’une république plus juste et d’améliorer les conditions de vie du peuple. A l’inverse, Teddy s’avère finalement plus politique, davantage prêt à travailler avec les élites.« 

Le titre original du film, The Wind that shakes the barley (« le vent qui secoue l’orge« ) est à l’origine celui d’une chanson traditionnelle irlandaise du XIXe siècle, dont les paroles ont été écrites par Robert Dwyer Joyce.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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