Vingt Mille Lieues sous les mers – 20ième Festival 2023



Dimanche 05 Mars 2023 à 17h – 20ième  Festival

Cinéma Jean-Paul Belmondo (ex-Mercury) – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Richard Fleischer, USA, 1954, 2h07, vostf

En 1868, un monstre mystérieux s’acharne sur les bateaux naviguant dans l’océan Pacifique. Alarmé par ce phénomène, le gouvernement américain arme une frégate. Ned, un fabuleux harponneur, Aronnax, un homme de science et son assistant partent à la recherche du supposé monstre marin…

En première partie: La danse du feu (Georges Méliès, France, 1899, 1’04).

Notre article

par Bruno Precioso

Objet cinématographique non identifié, ce 20.000 lieues sous les mers, est le premier long-métrage en cinémascope de la firme Disney. Il ne s’agit ni du 1er film en prise réelle, dont fut chargée l’éphémère branche anglaise de la compagnie, ni du 1er projet aquatique puisqu’il s’en trouve parmi les documentaires « animaliers » du programme True-Life Adventures sous la direction d’Harper Goff. C’est justement ce dernier qui est à l’origine de l’aventure. Pour la réalisation, le studio fit appel à Richard Fleischer, fils de Max Fleischer et le neveu de Dave Fleischer, grands rivaux de Walt Disney, créateurs des Studios Fleischer et connus pour les dessins animés Betty Boop et Popeye. Avant d’accepter de travailler pour Disney, le réalisateur demanda l’approbation de son père. Le format cinémascope venait d’être importé aux Etats-Unis et exploité commercialement pour la 1ère fois par la Fox avec La Tunique, 1ère sortie en cinémascope en septembre 1953 ; Fleischer est engagé en raison de son travail dans ce format pour Arena (1953), film complexe et novateur puisque tourné en 3D en plus d’être en cinémascope… Car la technique est bien l’un des enjeux de ce long-métrage exceptionnel à plus d’un titre : les années 1950 voient exploser les procédés techniques nouveaux dans le sillage d’une expansion des salles de cinéma et de l’ouverture de possibilités consolidées par les procédés de couleur qui se normalisent après-guerre. Il faut dire que l’idée de filmer des scènes subaquatiques constitue probablement un des premiers défis en même temps qu’un des grands fantasmes de cinéaste. Les nombreux courts reproduisant le fond des mers dès les débuts du cinématographe peu après la première photographie subaquatique de Louis Boutan en 1893 témoignent de cet intérêt : le 200.000 lieues sous les mers de Méliès dès 1907 en est un exemple éloquent. A partir de la première guerre mondiale, le cinéma ayant résolument basculé du côté de l’art autant que du divertissement ne pouvait manquer de chercher le spectaculaire de l’univers marin, fascination collective de la littérature du siècle précédent. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les productions de Jean Painlevé, passé du film de science à la fiction en 1928 pour mettre en scène « ses vedettes aquatiques », aient rencontré un succès publique immense et immédiat.

« Il vaut mieux que l’on croit encore aux monstres, et qu’on me chasse au harpon ! … » (capitaine Nemo)

Dans cette aventure le matériel est primordial. Il faut attendre 80 ans entre la première invention du scaphandre autonome (1865, soit 4 ans avant la parution du roman de Jules Verne) et sa mise en pratique réelle qui marque aussi les débuts véritables du cinéma sous-marin : ce sont Par dix-huit mètres de fond, le 1er Cousteau sous-marin tourné en 1942, puis Épaves pour lequel Air liquide crée en 1943 des scaphandres spécifiques. L’Epave de Willy Rozier (1949) est le 1er film de fiction à utiliser l’aquaflex, inventée par André Coutant pour filmer sous l’eau, les fictions investissent la machine comme un élément supplémentaire dans la relation des hommes à l’eau amplifié par la course technologique entamée dans les années 1940. L’eau n’en reste pas moins un élément des plus adverses pour les caméras, longtemps chargé d’une dimension inquiétante qui reste majoritaire sans exclusive : quand le sous-marin du Bâteau de Wolfgang Petersen (1981) travaille la thématique angoissante de l’enfermement dans les profondeurs, l’Abyss de James Cameron (1989) développe un univers plus apaisé où l’eau n’est synonyme que de vie matricielle.

40 ans avant le travail de Richard Fleischer pour la maison Disney, Universal marquait déjà son époque avec une adaptation très libre de Jules Verne aux prises de vues sous-marines révolutionnaires, fruits de la photosphère étanche inventée par J. Ernest et G. Williamson. L’une des difficultés de l’adaptation était la part dévolue par Jules Verne aux digressions scientifiques qui explique que le roman, adapté seulement à 4 reprises, avait été abordé presque uniquement sous la forme de scénettes. Les deux 20.000 lieues sont d’emblée des films hors norme : énorme production (200.000 $ de budget en 1916, 5 000.000 en 1954), décors fastueux, tournage extérieur exotique (Bahamas en 1916, auxquels s’ajoute la Jamaïque en 1954), Nautilus grandeur nature (60 m. de long sur 8 m. de large) et dans les 2 cas une ‘‘impressionnante’’ pieuvre géante… Le record de 1916 (40 semaines de tournage) est au moins égalé par les moyens dont dispose Fleischer : une équipe de 80 permanents sur le plateau, 14 mois de préparation, 6 mois de tournage et encore 6 de montage. Un bâtiment, le Sound Stage 3, est construit tout spécialement pour le film dans les studios Disney de Burbank. Il comprend un réservoir central de 335 m² où sont filmées les séquences sous-marines du combat contre le calamar géant.

« La vertu n’est pas photogénique, j’ai construit une carrière en jouant les fils de pute . » Kirk Douglas, Le Fils du chiffonnier (autobiographie, 1988)

Les moyens et le talent de la réalisation sont là, reste à réunir une affiche propre à garantir le succès public : Disney fait appel à Kirk Douglas déjà nommé 3 fois pour l’Oscar, capable de chanter, de passer du registre comique au drame, et de faire pièce à un excellent James Mason (à la stature de star internationale depuis Pandora et Rommel) impeccable en Némo. A leurs côtés, des comédiens chevronnés comme Peter Lorre ou Paul Lukas (oscarisé en 1943 face à Humphrey Bogart et Gary Cooper). Le triomphe critique et populaire tant aux Etats-Unis qu’à l’international (le film reste en 2022 un des 40 films les plus vus au cinéma dans l’Hexagone) tient à cette remarquable alchimie des acteurs, jouant de tous les registres et qui donne à 20.000 lieues sous les mers une épaisseur philosophique et psychologique rare au rythme parfaitement cadencé. L’harponneur Ned, « Homère canadien » d’après Jules Verne, est pour beaucoup dans la réussite du film. Mais c’est sans nul doute le Nemo campé par James Mason qui en conserve le cœur ténébreux et poétique dont les vers des Fleurs du Mal semblent un pressentiment : Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Sur le web

« Vingt Mille Lieues sous les mers est une œuvre essentielle dans l’histoire de Disney. En effet, ce long-métrage est la première réalisation totalement live (en prise de vue réelle) du célèbre studio d’animation aux USA. Le film remportera un succès public et critique qui permettra à la firme Disney d’être considérée comme un acteur majeur d’Hollywood et plus seulement comme un spécialiste de l’animation. Nous devons ce projet d’adaptation de l’oeuvre la plus connue de Jules Verne à un certain Harper Goff. Walt l’aurait rencontré dans un magasin de trains miniatures à Londres où il se mit à échanger avec lui autour de leur passion commune pour les modèles réduits. Le courant serait si bien passé qu’à son retour d’Angleterre, Disney décide de débaucher Harper qui était alors directeur artistique pour la Warner.

La première mission d’Harper Goff pour Disney a été la réalisation des story-boards pour des documentaires intitulés True-Life Adventures. Quand on demande à Goff des esquisses préparatoires pour un épisode sur les fonds marins, il ne réalise pas les story-boards attendus. À la place, il se met à produire des croquis où il essaye d’imaginer des designs pour une adaptation de Vingt Mille Lieues sous les mers au cinéma.

Disney est furieux quand il apprend que l’un de ses employés ne fait pas la mission pour laquelle il a été engagé. Mais quand il découvre les fameux dessins, il est subjugué par le boulot de Harper Goff qui a su créer un univers cinématographique tangible autour de l’univers du célèbre écrivain nantais. La décision de Walt Disney est prise, son studio tournera une adaptation de Jules Verne en prise de vue réelle dont Harper aura en charge la direction artistique.

L’idée de tourner un film en live taraudait Walt depuis très longtemps. Dès 1941, il commença à proposer des courts-métrages conciliant l’animation et le cinéma traditionnel. En 1946, un long-métrage tel que La mélodie du Sud (film plus ou moins effacé de l’histoire officielle de la firme pour sa vision ségrégationniste) mixait cinéma live et animation. Dans les années 50, appâté par la possibilité de récupérer des capitaux en Europe, Walt se décide à ouvrir une division de Disney en Angleterre qui produira des films en prise de vue réelle. Mais à part L’île au trésor, c’est un échec cuisant qui conduit à la fermeture de la branche anglaise de sa société. Walt est alors moqué par le milieu du cinéma pour son aventure européenne. Mais le créateur de Mickey attend son heure. Il a conscience que son prochain film live doit être réalisé au sein de ses studios aux USA avec des techniciens d’Hollywood et sous sa supervision. De plus, avec la création de Buena Vista en 1954, il est enfin libéré de son contrat de distribution avec la vénérable RKO qui avait mal vendu ses productions anglaises.

Vingt Mille Lieues sous les mers sera sa revanche sur le petit monde du cinéma américain qui pensait qu’il était incapable de pouvoir fabriquer des films traditionnels. Pour marquer les esprits, il va voir les choses en grand et emploie pour l’une des premières fois à Hollywood le Cinémascope. Il dépensera également la coquette somme de 5 millions de dollars pour faire le film. Un budget colossal (le plus important de l’époque) qui met en danger sa société, qui pourrait fermer en cas d’échec au box-office.

Conscient de la nécessité d’avoir un réalisateur chevronné pour mener à bien une telle opération, Disney va faire appel au talentueux Richard Fleischer. Un choix plutôt malin de la part de Walt qui engage ici le fils de Max Fleischer , un maître de l’animation, qui fut pendant près de 20 ans son rival. Le créateur de Mickey devait supposer que Richard Fleischer ne snoberait pas sa société comme l’aurait fait un cinéaste nullement attaché au monde de l’animation. Le réalisateur entre autres du Voyage fantastique accepte le poste (non sans avoir demandé l’autorisation à son père qui lui répondit par l’affirmative en lui disant que Walt a toujours engagé les meilleurs) et demande à son scénariste attitré Earl Felton de bosser sur le livre de Jules Verne. Une adaptation pas forcément évidente, car le roman privilégie les récits scientifiques par rapport à l’action. Felton restera d’une grande fidélité au roman. Il va juste créer un antagonisme plus fort entre le capitaine et Ned l’harponneur qui veut s’échapper à tout prix. De la même manière, il humanise Némo en lui donnant des motivations claires par rapport à son désir de vengeance. Enfin, le film aborde la question du nucléaire qui était devenu à la mode à cette époque, là où Jules Verne parlait seulement d’électricité.

Une équipe technique de haute volée, un excellent scénario, il manquait juste de grands acteurs pour réussir l’entreprise. Disney va faire appel à Kirk Douglas nommé déjà deux fois pour l’Oscar. Capable de passer du registre comique au drame, de chanter ou de vous soutirer des larmes, il donne une énergie folle à son personnage de harponneur et s’avère génial dans le film. Face à lui, nous retrouvons un excellent James Mason impeccable en Némo, jouant avec beaucoup de subtilité le génie torturé. Des prestations hors norme de la part de ces deux acteurs qui ont tendance à éclipser à l’écran des comédiens pourtant chevronnés comme Paul Lukas ou Peter Lorre.

Avec son Nautilus construit en dur qui faisait pas loin de 60 mètres de long et 8 mètres de large, ses décors de studio d’une grande richesse, cette adaptation du roman est une réussite majeure qui nécessitera tout de même une équipe de 80 personnes en permanence sur le plateau, 14 mois de préparation, 6 mois de tournage et encore 6 mois de montage et de postproduction. Un chef d’oeuvre tout simplement !

« Dès les premières plans, le film nous offre des images absolument splendides où Fleischer démontre sa science du cadre. Chaque technicien excelle dans Vingt Mille Lieues sous les mers et repousse les limites techniques de l’époque. Il faut ainsi souligner le travail de Franz Planer dont les images sont resplendissantes de couleurs grâce à sa science des éclairages. Sa photographie est dans la lignée des travaux d’un Mario Bava ou d’un Michael Powell. Quant aux designs d’Harper Goff, ils n’ont pas pris une ride. Son Nautilus est ainsi devenu la référence dans l’inconscient populaire de l’esthétique steampunk alors que le sous-marin prenait la forme d’un simple cylindre dans le roman.

Le film arrive à un tel niveau d’excellence qu’il semble jouir d’une jeune éternelle. À ce titre, L’attaque du poulpe géant fonctionne encore toujours très bien à l’écran surtout quand on la compare aux films des années 50 et des décennies suivantes. Cette scène avait été une première fois filmée par Fleischer qui n’était pas convaincu par le rendu à l’écran de la créature animée par une vingtaine de marionnettistes. Il demande alors à Disney de pouvoir intégralement retourner la scène en simulant une tempête afin de masquer les fils qui animaient le poulpe. Le créateur de Mickey qui poussait ses collaborateurs à donner leur meilleur, lui accorde une rallonge financière alors que son studio est en péril au regard des sommes déjà dépensées. Vingt Mille Lieues sous les mers prouve que le cinéma de divertissement peut créer des oeuvres populaires qui deviennent des chefs-d’œuvre quand l’investissement de l’équipe à l’origine du projet est total. » (chacuncherchesonfilm.fr)

« En 1955, le film remporta les Oscars des Meilleurs décors et de la Meilleure direction artistique (décernés à Emile Kuri et John Meehan), ainsi que celui des Meilleurs effets spéciaux. Ceux-ci étaient supervisés par Ub Iwerks, créateur de… Mickey Mouse, personnage dont Walt Disney lui-même s’octroya la paternité…

Vingt Mille Lieues sous les mers, c’est aussi un enchaînement non-stop de péripéties superbes, devenues autant de séquences classiques du cinéma d’aventure : l’enterrement sous-marin, la visite de la ferme, les majestueuses progressions aquatiques du nautilus, l’attaque du bateau par des cannibales mélanésiens et, bien entendu, l’affrontement avec le très redoutable calamar géant, séquence dans laquelle Disney investit une fortune, allant même jusqu’à en recommencer le tournage à zéro, avec un nouveau poulpe mécanique, après que les premiers plans tournés aient été jugés trop décevants.

Réalisé et produit avec un soin extrême, Vingt Mille Lieues sous les mers a bénéficié d’une direction artistique, d’une interprétation et d’effets spéciaux exceptionnels. C’est sans doute pour cela qu’il semble refuser obstinément de vieillir et qu’il paraît, cinquante années après sa réalisation, une oeuvre intemporelle, à la fraîcheur toujours intacte.

A sa sortie, Vingt Mille Lieues sous les mers est un immense triomphe international. Pour Disney, il va devenir un classique, au même titre que ses plus grands films d’animation, et il aura donc droit à des ressorties en salles régulières, permettant à plusieurs générations de spectateurs de le découvrir et de le redécouvrir dans son inaltérable perfection… » (devildead.com)

« Cette adaptation flamboyante, quoique parfois aseptisée du roman de Jules Verne, constitue un des fleurons de la filmographie éclectique de Richard Fleischer.



Vingt Mille Lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer, film en scope et Technicolor réalisé en plein âge d’or hollywoodien, se présente dès son générique comme un album illustré et à grand spectacle du roman culte de Jules Verne. Or, le fait qu’il s’agisse d’une production Walt Disney fait craindre d’emblée une aseptisation du matériau d’origine, à la fois surprenant, poétique et parfois ténébreux entre deux plages d’émerveillement. Ce film destiné à un large public, notamment enfantin, présente pourtant des qualités remarquables de mise en scène et d’interprétation, et peut même se targuer d’un certain respect vis-à-vis de l’œuvre du romancier. La fidélité relative à l’esprit du livre n’empêche pas l’omission de plusieurs passages cruciaux, ainsi que la transformation du dénouement. Il n’est pas inutile à cet égard de procéder à quelques rappels sur le roman paru en 1869. Si Vingt mille lieues sous les mers n’évite pas totalement un effet logorrhéique dans son recensement compulsif de la faune et la flore maritimes, il n’en frappe pas moins durablement l’imagination du lecteur par au moins trois particularités. D’abord, son évocation très documentée des merveilles sous-marines, monde inconnu – encore plus à l’époque qu’aujourd’hui – et a priori hostile à l’homme, ouvrant sur des espaces sombres et bleutés où le mystère côtoie souvent l’angoisse, comme lors des passages haletants de la descente dans les abysses, de la conquête du pôle Sud ou de la découverte de l’Atlantide. Deuxième atout du roman : le personnage énigmatique du capitaine Nemo, au nom tout droit issu de l’Odyssée d’Homère, misanthrope génial, figure prométhéenne et romantique par excellence. Enfin, le submersible où se déroule le voyage sous-marin constitue un motif durable de fascination : le Nautilus, bijou de technologie fonctionnant entièrement à l’électricité, apparaît comme une véritable arche, à la fois à l’écart de l’humanité et apte à lui survivre. Cet agencement de plaques de tôle, coursives, tuyaux et dispositifs électriques abrite un condensé de tous les produits de la culture occidentale, et se retrouve décrit avec une méticulosité remarquable, un fétichisme à la fois visionnaire et presque sexuel – celui d’un homme passionné par les découvertes scientifiques de son temps, jusqu’à nimber son positivisme d’une vague aura mystique dont la traînée poétique reste encore sensible en ce début de XXIe siècle, et explique l’attrait à peu près universel encore exercé par Jules Verne, y compris auprès des personnes ne l’ayant jamais lu (le cinéma et le jeu vidéo en portent hautement la trace, ne serait-ce qu’à travers une certaine mode rétro-futuriste).

Bonne surprise : le film de Richard Fleischer rend honneur – ou à peu près – aux promesses suscitées par une adaptation si ambitieuse. Les effets spéciaux s’avèrent plutôt réussis, malgré des transparences de temps en temps flagrantes. Un beau travail a été réalisé sur le design du Nautilus, différent de celui du roman, moins proche du cigare phallique imaginé par Jules Verne que d’une espèce de poisson géant, s’adressant de manière plus directe à l’imaginaire du spectateur. Beaucoup de scènes demeurent mémorables aujourd’hui encore ; la lutte contre le poulpe géant, en particulier, constitue une séquence d’anthologie. Certes, les premières minutes nous rappellent que nous sommes chez Walt Disney. L’apparition de Ned Land, le harponneur campé avec verve par Kirk Douglas, s’accompagne d’effets cartoonesques, surlignés par une bande musicale qui a plutôt mal vieilli dans ces moments-là. La suite du film ne démentira pas totalement cette première impression en s’appuyant en partie sur le duo comique constitué par Kirk Douglas et Peter Lorre – bien loin, dans son rôle d’assistant du professeur Aronnax, des rôles ambigus qu’il interpréta chez Hitchcock (L’Homme qui en savait trop, 1934) et surtout chez Fritz Lang (M Le maudit, 1931). Pour peaufiner cette touche burlesque, une loutre des mers joliment prénommée Esmeralda se joindra aux deux compères.

L’autre duo au cœur du récit s’oppose au précédent par son esprit de sérieux, équilibrant ainsi le film dramatiquement et psychologiquement. Face à un professeur Aronnax un peu fade – mais il l’était déjà chez Jules Verne, en sa qualité de simple narrateur témoin -, James Mason campe un capitaine Nemo poignant, un peu trop shakespearien sans doute, mais savoureux de par cette dose d’ironie séductrice que l’acteur britannique sait distiller dans tous ses rôles, y compris lorsqu’il jouera dans une autre adaptation célèbre de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1959) de Henry Levin. Nemo prône la haine de l’humanité, ne veut vivre qu’avec des produits de l’océan, depuis ses cigares jusqu’aux moindres composantes de son alimentation, et cette misanthropie cache évidemment un traumatisme personnel. Son ressentiment s’exerce en particulier à l’encontre d’une nation qui a torturé sa femme et son enfant, et contre laquelle il se venge en sabordant des navires marchands et des frégates militaires. Le Nautilus, instrument de découvertes scientifiques passionnantes, outil d’exploration exceptionnel, apparaît donc également comme une arme de guerre. Les allusions à l’énergie atomique maîtrisée par le capitaine Nemo – bien sûr absentes du roman de Jules Verne – s’avèrent en phase avec les préoccupations des années 1950 : cette infidélité flagrante à la lettre du roman n’est donc pas forcément malvenue. En fin de compte, restant dans le cadre d’une production Disney, le discours misanthrope de Nemo se nuance d’envolées prophétiques, d’où la notion d’espoir n’est pas absente, mais au contraire soulignée lourdement. Dommage que de ce fait, la coda du film s’avère non seulement impressionnante mais édifiante et hautement consensuelle. Pour autant, le message pacifiste, voire écolo, reste parfaitement recevable aujourd’hui. Une bonne raison pour le public actuel, quel que soit son âge, de ne pas bouder ce produit hollywoodien intelligent et divertissant, à défaut d’être réellement un grand film, audacieux comme son modèle littéraire. » (iletaitunefoislecinema.com)

« Sans doute l’adaptation du roman éponyme (1969-1970) de Jules Vernes la plus connue. Ce projet est aussi la première production en prise de vue réelle des studios Disney. Mais le célèbre roman a finalement connu peu d’adaptation ciné, on peut citer les versions (1907) de Georges Méliès, (1916) de Stuart Paton et le film russe Le Capitaine Nemo (1975) de Vassili Levine. Disney a fait appel au réalisateur Richard Fleischer et son scénarste Earl Felton qui ont signé Le Traquenard (1949), L’Enigme du Chicago Express (1952) et qui se retrouveront pour Bandido Caballero (1956). L’ironie du sort veut que le réalisateur soit le fils et neveu de Max et Dave Fleischer, qui sont à leur époque les grands rivaux de Disney étant les créateurs entre autres de Betty Boop et Popeye ! A noter que Richard Fleischer signe là un grand succès qui va le propulser vers une carrière beaucoup plus prestigieuse avec de futurs grands films comme Les Inconnus dans la Ville (1955), Les Vikings (1958), Le Voyage Fantastique (1966), Soleil Vert (1973) et (1975)…

En 1868, de nombreux naufrages ont lieu et des marins survivants propagent le fait qu’il s’agirait d’un monstre marin. Le gouvernement américain décide d’armer une frégate pour infirmer où non ce phénomène avec son bord le scientifique Aronnax et son assistant ainsi que l’harponneur Ned Land. Très vite leur navire est attaqué et ils se retrouvent tous les trois à bord d’un engin submersible d’un nouveau genre commandé par le capitaine Nemo… Aronnax est interprété par l’acteur Paul Lukas vu entre autre dans Les Quatre Filles du Docteur March (1933) de George Cukor et Une Femme Disparaît (1952) de Alfred Hitchcock, son assistant est joué par Peter Lorre dans le mythique M. le Maudit (1931) de Fritz Lang et vu dans Casablanca (1942) de Michael Curtiz. Le baleinier harponneur est incarné par le monstre sacré Kirk Douglas star vu par exemple dans La Captive aux Yeux Clairs (1952) de Howard Hawks, Les Ensorcelés (1953) de Vincente Minnelli. Enfin, Nemo est incarné par James Mason vu dans Pandora (1951) de Albert Lewin et Une Etoile est Née (1954) de George Cukor. Ces deux derniers, Douglas et Mason retrouveront Richard Fleischer respectivement dans Les Vikings (1958) et Mandingo (1975)… Cette superproduction est doté d’un budget conséquent, et surtout use du Cinémascope ce qui explique en partie le choix de Fleischer qui avait déjà expérimenté le procédé. Le scénario est (logiquement) un condensé du roman mais plutôt fidèle (à l’exception notable de la fin ici trop « classique« ) aussi bien dans l’esprit que dans la reconstitution technologique.

On y retrouve l’aversion des hommes du capitaine Nemo mais aussi tous les paramètres scientifiques de l’époque (notamment sur les sous-marins alors à leurs balbutiements) qui, ajoutés à l’imagination sans fin de Jules Vernes offre un film d’aventure d’anticipation d’une richesse inouïe. L’importance du budget est visible à l’écran avec notamment un Nautilus stylé et cohérent, tout comme le calamar géant qui n’a rien d’un monstre « atomisé » mais qui reste un animal marin aussi réaliste qu’effrayant. Le matériau d’origine offre un joyau d’histoire avec juste ce qu’il faut d’aventure, de fantastique, de fantaisie et de tragédie mais aussi de philosophies. Les personnages de manque également pas de sel, avec notamment un Kirk Douglas savoureux en un Ned Land merveilleusement bien croqué. On émettra juste un petit bémol sur l’équipage du Nautilus, trop mutique et trop secret dont on apprendra rien. On constatera que l’explosion renvoie clairement au champignon nucléaire, signe évident que l’actualité (les essais nucléaires sont en plein boom lors du tournage) influence même la firme aux Grandes Oreilles. Rythmé comme du papier à musique, des décors merveilleux et des bons acteurs pour un récit dense font de ce film une grande et belle réussite. Le film remporta les Oscars mérités des meilleurs décors et meilleure direction artistique. A voir, à revoir et à conseiller. » (focus-cinema.com)

« … Une nouvelle scène sonore a été construite au Disney Studio avec un réservoir sous-marin. De plus, Walt a payé pour utiliser le rétroéclairage à Universal et un réservoir d’eau à Fox et au-delà, il y a eu beaucoup de tournages en Jamaïque et aux Bahamas.

Vingt Mille Lieues sous les mers a été le premier film Disney réalisé sur le nouvel écran large CinemaScope. Auparavant, tous les films Disney étaient réalisés en format académique (1,37:1 plein écran). Puisque CinemaScope était si nouveau, Disney n’avait droit qu’à un seul objectif, ce qui a fait durer la production beaucoup plus longtemps qu’elle ne l’aurait normalement été. C’était l’un des premiers films de CinemaScope jamais réalisés en dehors de la 20th Century Fox. Harper Goff était responsable de la direction artistique, en particulier de la conception et de la construction du Nautilus.

L’attaque de la séquence de calamars géants a dû être tirée à nouveau. Le livre décrit l’attaque comme ayant eu lieu au coucher du soleil sur une mer calme, mais lorsque le film a été visionné, les fils du calmar étaient visibles et semblaient faux. La scène a été réécrite pour se dérouler la nuit pendant une tempête et la scène a été filmée à nouveau avec des résultats satisfaisants. Le film a lieu en 1868 alors que des navires sont censés être coulés par un monstre marin. Le professeur Aronax et Conseil partent en expédition à la recherche du monstre marin où ils se lient d’amitié avec le harponneur Ned Land. Lors de la mission, leur navire est attaqué par le monstre et les seuls survivants sont Ned, Conseil et Aronax. En mer, ils tombent sur le monstre, qui s’avère être un sous-marin. Ils tentent de s’échapper alors que l’équipage se précipite à leur poursuite, mais sont faits prisonniers là où ils rencontrent le capitaine Nemo. Ned et le Conseil font partie de l’équipe car Aronax est traité comme l’invité de Nemo. Lorsque Nemo montre à Aronax la salle des machines, il est choqué d’apprendre que le navire utilise l’énergie nucléaire, que le reste du monde n’a pas encore découverte. Nemo était autrefois un esclave forcé de fabriquer des munitions pour les guerres et cherche maintenant à se venger contre les armes qu’il considère comme détruisant le monde. Un navire de guerre trouve le Nautilus coincé dans un récif et attaque, ce qui lui fait perdre sa puissance et le fait couler. Nemo et son équipage ont repris le pouvoir, mais ils ont maintenant coulé à 20 000 lieues et un calmar géant s’empare du Nautilus. Leur seul choix est de remonter à la surface et de combattre la bête et une bataille passionnante s’ensuit. Ned est capable de harponner la bête et de sauver le capitaine Nemo. En arrivant sur l’île de Volcania, le quartier général de Nemo, des navires de guerre l’encerclent. Nemo se rend à terre pour poser une bombe nucléaire afin de détruire ses découvertes et sur le chemin du retour vers le Nautilus, on lui tire dans le dos. Il démolit son navire pour la dernière fois et informe l’équipage qu’ils sont sur le point de mourir. Ned se bat, passe l’équipage et ramène le vaisseau à la surface. Ned, Aronax et Conseil s’échappent dans le canot de sauvetage alors que le Volcania est détruit et que le Nautilus coule.

Les Vingt Mille Lieues sous les mers de Walt Disney ont été créées le 23 décembre 1954. Les critiques ont adoré le film et l’ont couvert d’éloges. Le public a vite découvert son éclat et ce fut un grand succès. Il a remporté deux Oscars pour la direction artistique et les effets visuels et a également été nominé pour le meilleur montage cinématographique. Walt Disney Pictures a tenté de faire une préquelle en 2009 qui devait être mise en scène par McG et mettrait en vedette Will Smith dans le rôle de Captain Nemo, mais lorsque Rich Ross a pris la présidence du studio, il a décidé d’annuler la production. C’est probablement pour le mieux, car il serait impossible de se rapprocher de l’excellence de l’original.

Vingt Mille Lieues sous les mers est l’un des meilleurs et des plus emblématiques films d’action en direct de Disney. Enfant, je détestais ça. Il y a plusieurs parties du film conçues pour plaire aux enfants, comme le lion de mer du Nautilus, Esmeralda, mais en général le film plaît aux adultes et est trop lent et compliqué pour les enfants. J’ai découvert à quel point le film est vraiment incroyable quand j’étais adolescent et c’est l’un de mes films préférés depuis. De toutes les versions cinématographiques du roman classique de Jules Verne, celle de Disney est considérée comme la meilleure et la plus connue. J’ai été choqué de constater que le score n’a pas été nominé pour un Academy Award, car il est très mémorable. La chanson du film, « A Whale of a Tale », est devenue un classique de Disney, que l’on retrouve fréquemment sur les albums de compilation et dans Finding Nemo de Pixar. D’ailleurs, le poisson-clown titré de ce film a été nommé d’après le capitaine Nemo.

Le film a été l’inspiration de plusieurs attractions de parcs à thème Disney au fil des ans. Lorsque Disneyland a ouvert ses portes en 1955, les invités ont pu visiter les décors du film à Tomorrowland, qui comprenait une rencontre avec le calmar géant du film. Cette attraction a fermé ses portes en 1966. En 1969, l’orgue à tuyaux du film a été réutilisé dans The Haunted Mansion de Disneyland, où il est encore visible aujourd’hui. Lorsque le Royaume magique de Walt Disney World a ouvert ses portes en 1971, il y avait une attraction appelée 20 000 lieues sous la mer – Voyage sous-marin dans lequel les invités sont montés sous l’eau dans le Nautilus et ont rencontré le calmar géant en face de lui. Cette attraction a fermé ses portes en 1994. Deux attractions basées sur le film subsistent encore. Un tour sombre peut être trouvé à Disney Sea au Tokyo Disneyland Resort et une exposition de promenade se trouve dans Tomorrowland à Disneyland Paris. (films-disney.fr)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso.

Merci de continuer à arriver suffisamment à l’avance pour être dans votre fauteuil à 17h précises.

Entrée : Tarif adhérent: 6,5 €. Tarif non-adhérent 8 €. Adhésion : 20 € (5 € pour les étudiants) . Donne droit au tarif réduit à toutes les manifestations de CSF, et à l’accès (gratuit) au CinémAtelier et à l’atelier Super 8. Toutes les informations sur le fonctionnement de votre ciné-club ici


 

Partager sur :