Vendredi 25 octobre 2002 à 20h45
Film de Hayao Miyazaki – Japon – 2002 – 2h02 – vostf
Chihiro, dix ans, a tout d’une petite fille capricieuse. Elle s’apprête à emménager avec ses parents dans une nouvelle demeure. Sur la route, la petite famille se retrouve face à un immense bâtiment rouge au centre duquel s’ouvre un long tunnel. De l’autre côté du passage se dresse une ville fantôme. Les parents découvrent dans un restaurant désert de nombreux mets succulents et ne tardent pas à se jeter dessus. Ils se retrouvent alors transformés en cochons. Prise de panique, Chihiro s’enfuit et se dématérialise progressivement. L’énigmatique Haku se charge de lui expliquer le fonctionnement de l’univers dans lequel elle vient de pénétrer. Pour sauver ses parents, la fillette va devoir faire face à la terrible sorcière Yubaba, qui arbore les traits d’une harpie méphistophélique.
« Je dis toujours qu’il faut faire des films qui rencontrent notre époque, mais pas qui l’épousent. Nous sommes des enfants de l’époque dans laquelle nous vivons, mais nous devons lui lancer des défis, pas nous fondre en elle. Les artistes qui collent trop à leur époque vont être évacués, comme le temps qui passe. Leurs films vont être abandonnés sur le bord du chemin. Si vous épousez votre époque, vous restez fixé à elle, et vous disparaissez avec elle. » (Hayao Miyazaki)
Sur le web
De l’aveu même de son réalisateur, Le Voyage de Chihiro est inspiré en partie du fonctionnement des légendaires studio Ghibli, producteurs du film. Ainsi l’activité intense qui règne dans les maisons des bains évoque celle du studio. Le personnage de Yubaba, qui régit l’établissement, correspondrait au producteur Toshio Suzuki, alors que le très débordé Kamaji aux multiples bras serait à l’image d’Hayao Miyazaki. Chihiro, elle, doit travailler dur si elle ne veut pas disparaître (être renvoyée) ! « Je pense avoir changé ma façon de faire des films depuis Princesse Mononoké, explique Miyazaki. Avant ce film, je m’étais fixé un certain nombre de règles car je refusais de faire des films de pure distraction. Cela me conduisait toujours à soustraire davantage, à m’imposer des contraintes et des interdits. J’ai jeté tout cela au moment de Princesse Mononoké, et j’ai décidé de repartir sur une base totalement neuve et libre, pour aboutir à un résultat différent. Dans Le Voyage de Chihiro, il y a beaucoup de personnages, car, pour moi, le film est comme la transposition de l’histoire d’une jeune fille qui débarque au milieu de l’agitation des studios Ghibli pour y travailler. Elle va devoir franchir de nombreuses épreuves. La plupart de mes films grouillent de personnages. Mon voisin Totoro faisait plutôt figure d’exception, » explique le réalisateur.
Le réalisateur a puisé son inspiration dans le patrimoine littéraire de son pays. Il confie : « On trouve dans la littérature japonaise des histoires de voyageurs victimes de sortilèges et qui se réveillent le lendemain matin transformés en animaux. Je connais bien Pinocchio et Alice au pays des merveilles, je les aime beaucoup, mais je ne m’en suis pas inspiré pour ce film. Les personnages sortent de mon imagination, même si je me suis nourri des traditions et légendes pour les inventer. Il existe de nombreux dessins de monstres épouvantables dans l’art japonais. J’ai souhaité m’éloigner le plus possible de cette représentation traditionnelle des créatures et des fantômes.«
…«Aujourd’hui, personne sans doute ne réussit à mêler aussi naturellement le trivial et le poétique, le concret et l’abstrait, tout en sublimant les situations les plus irréelles par un réalisme à tous crins. On peut voir aussi Le Voyage de Chihiro comme une exploration passionnante de l’imaginaire miyazakien. Les références à la culture et au folklore japonais nous manquent mais, paradoxalement, ce manque alimente un peu plus notre curiosité. Ce bestiaire d’animaux « humanisés » et d’humains « animalisés » qui peuple le film renvoie à la familiarité du cinéaste, depuis l’enfance, avec l’univers des dieux et des esprits. Et puis il y a ces présences obsédantes tel le « Sans visage », spectre errant au masque blanc figé de kabuki, capable de semer la terreur en un éclair ou de faire jaillir des pépites d’or, avant de devenir l’ombre de lui-même, atteint d’une intense mélancolie. Miyazaki propose d’y voir une allégorie du Japon actuel, en crise. Dans le fil de l’intrigue, il est un de ces nombreux petits mystères en suspens où s’enracine la vraie singularité du film. Miyazaki n’est jamais plus inspiré que quand sa virtuosité graphique sert à créer du trouble. Quand, aussi, il décide de suspendre l’action pour créer un moment de pur enchantement, sans suite, comme ce vol bruissant de centaines d’oiseaux en papier fondant en piqué sur la maison des bains, avant que l’un d’eux s’entiche de l’héroïne et l’accompagne dans la suite de ses aventures… Effleurant des vérités toutes simples, sur le bonheur, le courage ou la nature, Le Voyage de Chihiro résout une belle énigme : oui, il est possible de réinventer le merveilleux de l’enfance dans un univers inédit. » (telerama.fr)
«…Le Voyage de Chihiro, sur fond de crise économique et de critique métaphorique des travers de la société japonaise, singe les structures de l’archipel nippon par le biais d’une station thermale pour démons usés, les Bains d’Aburaya, dirigés par la sorcière cupide Yu-Bâba. Un monde parallèle et divin dans lequel Chihiro, fillette amorphe et pleurnicharde, se retrouve prisonnière à la suite de l’imprudence de ses parents transformés illico en gorets pour avoir touché au festin des clients des Bains. Dans un contexte à mi-chemin entre Swift et Carroll – Miyazaki est un thuriféraire de la littérature anglaise -, à la fois merveilleux et satirique, Chihiro va réapprendre l’audace, la pugnacité et l’autonomie. Indécrottable optimiste, Miyazaki délaisse un moment son militantisme écolo -exception faite de la scène assez comique du nettoyage du « vénérable putride » – pour donner une leçon de courage aux Japonais démoralisés par une crise persistante. Sans jamais tomber dans l’allégorie plombée, Miyazaki déploie toute sa créativité pour forger un univers grouillant mais cohérent, son interprétation toute personnelle des mythes nippons passés à la moulinette japanim’ et mixés avec quelques fulgurances euro-occidentales…» (chronicart.com)
Produit par les légendaires studios d’animation japonaise de Ghibli, à l’origine de nombre des oeuvres des maîtres de la japanimation Hayao Miyazaki et Isao Takahata, Le Voyage de Chihiro est le symbole de la réussite éclatante du studio, à l’image de Princesse Mononoké du même Miyazaki. Une réussite mise en avant dans un musée exclusivement consacré aux films d’animation issus des studios Ghibli, le Museo d’arte Ghibli situé à l’ouest de Tokyo.
En raison des délais de production relativement restreints et des réductions d’effectifs au sein des studio Ghibli, Le Voyage de Chihiro est le premier film de la société de production à ne pas avoir été intégralement réalisé au Japon. L’élaboration d’une partie des scènes a donc été confiée au studio coréen D.R. digital, qui avait déjà travaillé sur des films d’animation aussi prestigieux que Metropolis ou Jin-Roh, la brigade des loups.
Soucieux de la qualité du Voyage de Chihiro, Hayao Miyazaki a décidé de s’entourer de la même équipe qui lui avait assuré l’énorme succès de Princesse Mononoké sorti en juillet 1997 au Japon (17 millions de spectateurs dans son pays d’origine). Même producteur (Toshio Suzuki), même producteur exécutif (Yasuyoshi Tokuma) et même compositeur (Joe Hisaishi). De l’aveu même du réalisateur, Toshio Suzuki aurait servi de modèle à l’un des méchants du Voyage de Chihiro.
Réalisé principalement à la main sur celluloïd, Le Voyage de Chihiro a également fait appel aux technologies les plus avancées en matière d’animation par ordinateur. Ainsi, tous les dessins ont été d’abord peints à la main, avant d’être scannés, digitalisés et retravaillés numériquement. Seuls certains plans et éléments du film (comme la statuette de l’homme de pierre à l’entrée du mystérieux tunnel, qui représente le dieu du voyage) ont été entièrement créés sur ordinateur.
Film d’animation classique, Le Voyage de Chihiro est la première oeuvre d’Hayao Miyazaki à bénéficier du format digital DLP. A l’instar de Star wars : épisode 1 – La Menace fantôme, le film est directement enregistré sur disque dur, sans passer pour l’étape de la bobine. Le Voyage de Chihiro bénéficie en outre du système de son EX 6.1, utilisant six canaux pour lui donner toute son ampleur sonore.
Le Voyage de Chihiro marque la sixième collaboration entre le réalisateur Hayao Miyazaki et son compositeur attitré Joe Hisaishi, par ailleurs complice de longue date de Takeshi Kitano. Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi avait auparavant travaillé sur Kaze no tani no Naushika, Laputa, le château dans le ciel, Mon voisin Totoro, Porco Rosso et Princesse Mononoké.
Sorti en juillet 2001 au Japon, Le Voyage de Chihiro a connu un succès phénoménal dans son pays d’origine, dépassant Titanic à la première place du box-office de tous les temps avec plus de 17 millions de spectateurs recensés à la fin 2001. A la mi-octobre de la même année, le film de Hayao Miyazaki est également devenu le premier long métrage non-américain à dépasser les 200 millions de dollars de recettes, et ce alors qu’il n’était pas encore sorti en Europe et en Amérique du Nord.
Présenté en compétition officielle du 52ème Festival de Berlin, Le Voyage de Chihiro y a remporté l’Ours d’or, partagé avec le drame irlandais Bloody sunday. La plus haute récompense de la Berlinale est tombée comme une surprise, aucun film d’animation n’ayant auparavant été couronné dans la capitale allemande.
Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.
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