Yeelen



Mardi 13 Février 2018 à 20h30 – 16ième  Festival

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de  Souleymane Cissé – Mali – 1987 – 1h45 – vostf

Dans une Afrique mythique, le jeune Nianankoro, membre d’une illustre famille bambara dotée d’un pouvoir magique ancestral, s’enfuit sur les conseils de sa mère pour éviter d’affronter son père, Soma, qui veut l’éliminer pour des raisons qu’il ignore. Tandis que son père le poursuit avec le pilon magique destiné à le détruire, Nianankoro erre à travers le Mali à la recherche de son oncle Djigui. Soupçonné d’être un voleur de bétail, le jeune homme est arrêté et condamné à mort par des villageois peuls. Après avoir fait la démonstration de ses pouvoirs magiques, il quitte la communauté avec la première épouse du chef, Attou. Toujours poursuivi par son père qui trouve l’appui des forgerons initiés du Komo, Nianankoro retrouve son oncle Djigui, frère jumeau de son père, devenu aveugle pour avoir tenté de partager avec son peuple le secret de l’aile du Korê. Djigui, après avoir annoncé à Attou qu’elle est enceinte d’un fils, remet au jeune guerrier l’aile du Korê. Le jeune homme va ensuite affronter son père dans un duel qui les conduira tous deux à la mort, terrassés par la lumière. Après le cataclysme engendré par le combat, le fils de Nianankoro déterre un œuf d’autruche et s’éloigne avec l’aile et le vêtement de son père qu’«L’intrigue de Yeelen, inspirée du Komo, ne se prive pas d’inventer son récit propre. Il s’agit d’une quête, au sens où l’a définie A. J. Greimas à travers son modèle actantiel : Nianankoro doit, pour accéder à l’âge adulte, se soumettre à une initiation qui en passe par des épreuves (marche, combats) et un apprentissage (de ses pouvoirs, de la sexualité). Il devra faire face à des opposants (Soma, Bafing, les Peuls) dont certains (le chef peul, Attou) viendront rejoindre le camp des adjuvants (la mère, Djigui). La quête mène au combat, et le combat aboutit à la création d’un monde nouveau. Nianankoro doit assumer une mission, celle de transmettre les pouvoirs que détient sa famille, pouvoirs qui renvoient à un système de croyance commun. Cette transmission transgénérationnelle s’opère à travers un objet symbolique – l’aile du Korê, oiseau des grands espaces, de la chasse, de la guerre, du savoir et de la mort – qui ne trouvera sa puissance qu’Attou lui a remis.

« La tradition orale est imagée ! Quand tes grands-parents te racontent des histoires, c’est l’image que tu vois, ça n’est pas la parole. La parole tu l’entends, mais c’est des images que tu vois défiler devant toi. Donc cette parole, c’est déjà de l’image, c’est déjà le cinéma. » (Souleymane Cissé)

Notre critique

Par Josiane Scoleri

Yeelen est un film qui est fait comme sur mesure pour la programmation de notre festival 2018. Premier film africain à recevoir un prix au Festival de Cannes en 1987, Yeelen – la lumière en bambara – est à la fois une épopée, un récit mythique, une tragédie antique, un conte initiatique, mais on pourrait aussi bien dire… un western. Il est vraiment frappant de constater, a contrario, à partir d’un film provenant d’un tout autre temps, et d’une culture située aux antipodes, à quel point le western a travaillé les archétypes essentiels à toute société humaine. C’est ce qui explique sans doute son succès fulgurant et durable aux quatre coins du monde… Yeelen est un film qui nous plonge d’emblée dans un ailleurs onirique comme seul le cinéma est en mesure de le faire. Et si on ne comprend pas toujours immédiatement les images, on est saisi, porté comme dans un rêve, sans que ça nous dérange le moins du monde. Au contraire, on n’a surtout pas envie que ça s’arrête. On se prendrait presque à regretter les moments où le récit avance de façon plus linéaire pour les besoins du scénario… C’est un film qui nous laisse un sentiment étrange et contradictoire : un dépaysement total, de par cet univers si fortement magique et en même temps, une sensation tout aussi puissante de quelque chose d’intime qui fait résolument écho en nous. C’est le signe qu’il s’agit bien des enjeux fondamentaux, communs à toutes les époques et à tous les continents.

Le conflit père/fils est le coeur du film. Comme un diamant noir qui irradie ceux qui en font leur raison de vivre. D’ailleurs, à la fin du film, lorsque père et fils se retrouvent face à face, séparés par leurs emblèmes magiques, ils sont aveuglés par la lumière trop vive qui en émane. Comment encore une fois ne pas évoquer la scène canonique du duel au soleil dans tout western qui se respecte. On entendrait presque à ce moment-là, la musique d’Il était une fois dans l’Ouest. Le père, dans sa folie destructrice, n’a pas assumé sa fonction de transmission. Le fils n’a pas d’autre choix que de se dresser contre son père : ils doivent périr tous les deux.

Yeelen, au titre si lumineux est un film sur la noirceur de l’homme, et pourtant c’est aussi un film qui dit l’espoir et la ténacité de la vie. Il est d’abord porté par des images somptueuses. Les paysages, bien sûr. De la savane desséchée aux oasis luxuriantes en passant par le désert, le film chante la majesté du continent africain sans pour autant jamais verser dans la carte postale facile. Et puis les gros plans sur les visages, qui sont autant de moments d’intensité et nous permettent de vibrer avec les personnages. Que ce soit celui, ridé, presque parcheminé, de la mère au moment où elle accomplit ce rituel d’eau et de lait au milieu des marais. Celui du père possédé littéralement par la haine ou encore la très belle scène de la rencontre, à la fois pudique et torride, entre Nyankoro et la jeune épouse du roi peul. Les visages disent les sentiments et les émotions de manière simple et sûre, en accord avec cette dimension de conte primordial qui irrigue tout le film.

L’alternance entre plans larges en extérieur et plans resserrés sur les personnages révèle toute la maîtrise du réalisateur dans la construction de son récit. Il en résulte un rythme ample dans son avancé imperturbable comme un reflet de l’art du conteur qui prend le temps de l’exposition pour camper les personnages et les situations dans un crescendo sans faille jusqu’au dénouement final.

À noter aussi l’utilisation de la musique, résolument contemporaine, signée Michel Portal, musicien capable avant l’heure de toutes les fusions, osant la dissonance, là où on ne l’attend guère au cinéma , loin des effets faciles qui signifient la plupart du temps la menace, la catastrophe ou la folie. Cette bande son, très éloignée de la musique africaine traditionnelle, contribue bien sûr à la progression dramatique du film, mais renforce surtout le caractère universel du récit. C’est une grande habileté du réalisateur d’avoir ainsi, par la musique, court-circuité toute folklorisation de l’image.

S’il n’existe pas pour l’Afrique subsaharienne de terme équivalent à l’orientalisme qui a sévi dès le XIXème siècle autour de l’Afrique du Nord et des pays du Moyen-Orient, les cinéastes africains ont inventé l’expression ‘‘films de calebasse’’ pour désigner ces films remplis de clichés gentiment admis par le regard du colonisateur, sur la simplicité nécessairement idyllique de la vie traditionnelle en brousse avant l’arrivée des Occidentaux. Yeelen n’est résolument pas un film de calebasse. C’est un film empreint de noblesse. C’est un récit initiatique qui plonge avec une facilité déconcertante au début des temps. Il nous parle donc aussi de guerre, car en miroir de la guerre à la vie, à la mort, entre le père et le fils, se reflète la guerre entre les peuples.

Mais ce que Souleymane Cissé veut nous raconter, ce n’est pas l’Iliade. Loin du récit hypnotique des batailles, le sujet est traité sobrement, avec élégance, lors du passage de Nyankoro chez les Peuls, marqué par le personnage tragique du roi peul. C’est le moment charnière du film puisque Nyankoro va faire l’expérience de l’amour. À partir de là, même si Cissé garde son montage parallèle entre père et fils, le film prend une autre ampleur. L’avenir s’ouvre et le personnage de l’oncle, frère jumeau bénéfique du père, permet de sortir de l’impasse de la haine. La transmission redevient possible. Le fils de Nyankoro portera le vêtement de son père. La mise en scène laisse la part belle aux symboles. Les animaux emblématiques de l’Afrique, le buffle, l’éléphant et le lion, viennent rappeler la place toute relative de l’être humain sur Terre et l’impérieuse nécessité de l’harmonie sous peine de mort. Et sans la moindre hésitation, Yeelen fait le pari de la vie. L’enfant marche vers son destin dans la lumière. Car si l’oncle fait la prophétie de l’esclavage et des malheurs à venir, il dit bien qu’un jour l’horizon sera dégagé. L’espoir est donc pour chacun d’entre nous un devoir moral.

Sur le web

Une vingtaine d’ethnies vivent au Mali. Chacune d’entre elles possède une culture spécifique. Elles entretiennent entre elles de nombreux échanges (économiques, sociaux, rituels…). Le film s’intéresse aux plus importantes d’entres elles. En s’inscrivant dans la tradition du conte malien, Cissé évoque leurs relations, à la fois conflictuelles et d’interdépendance. Les Bambaras, dont fait partie Nianankoro, sont l’ethnie majoritaire, en particulier à l’Ouest du pays. Comme on le voit dans la séquence 7, ce sont essentiellement des cultivateurs, mais aussi des forgerons. C’est sous l’autorité de ces derniers, qui savent dominer le fer et le feu, que se place la société secrète du Komo, l’une des plus prestigieuses confréries d’initiation du Mali. Les Peuls, que Nianankoro rencontre au début de son exil, sont un peuple nomade : ils sont essentiellement éleveurs. S’ils ont besoin des outils et des armes forgés par les Bambaras, ces derniers les sollicitent pour leur lait ou le produit de leur élevage. Ils sont nombreux au centre du pays. Les Dogons, que Nianankoro rencontre à la fin de son voyage, occupent la falaise de Bandiagara, près de la frontière avec le nord du Burkina-Faso. Ils sont célèbres en occident pour leur cosmogonie complexe et pour avoir attiré l’attention des ethnologues (comme Marcel Griaule). Nianankoro traverse donc le pays du sud-ouest vers le centre et le nord, en croisant certaines des ethnies les plus importantes. Sa mère dit qu’elle ira au Mandé consulter le griot Kouyaté. Or le Mandé, situé au sud-ouest, est justement la région mère du Mali, d’où s’est construit le grand empire Mandingue et d’où seraient originaires les Dogons, avant qu’ils ne quittent cette région pour fuir l’islamisation. La religion islamique, aujourd’hui majoritaire au Mali, est quant à elle totalement absente de Yeelen. Ce sont donc bien les fondements même du Mali qui sont en question dans Yeelen.

« Grand film épique, Yeelen, comme les grands westerns américains, mêle paysages somptueux, haines familiales et fautes individuelles ou encore, comme les tragédies arthuriennes ou shakespeariennes, fait des fautes individuelles le reflet des dérèglements de la nature et des pouvoirs. Djigui, ayant vu dans un cauchemar son pays réduit à l’esclavage, il est vraisemblable que l’action se situe au XVIIIe siècle, juste avant la traite des noirs. Les cartons introductifs se contentent de situer l’action dans un temps légendaire : «Le Komo est, pour les Bambaras, l’incarnation du savoir divin. Son enseignement est basé sur la connaissance des signes, des temps et des mondes. Il embrasse tous les domaines de la vie et du savoir. Le Kôrê est la septième et dernière société d’initiation bambara. Il a pour symbole le vautour sacré « Mawla Duga » oiseau des grands espaces et de la chasse, de la guerre, du savoir, et de la mort. Son emblème est un cheval de bois, symbole de la diligence de l’esprit humain, son sceptre une planche ajouré appelé Kôrê, « kaman  » ou Aile du Kôrê. « Kolonkalanni » ou pilon magique, sert à retrouver ce qui est perdu, à découvrir et châtier les brigands, les voleurs, les criminels et les parjures. L’aile du kôre et le pilon magique sont en usage au Mali depuis des millénaires»…Yeelen obtint le prix du jury au festival de Cannes 1987. Cet accessit (plus un encouragement qu’une récompense car quatrième prix derrière la palme d’or, le grand prix du jury et la meilleure mise en scène) fut le premier prix attribué par le festival à un film africain avant qu’Un homme qui crie ne reçoive le même en 2010.» (cineclubdecaen.com)

«L’intrigue de Yeelen, inspirée du Komo, ne se prive pas d’inventer son récit propre. Il s’agit d’une quête, au sens où l’a définie A. J. Greimas à travers son modèle actantiel : Nianankoro doit, pour accéder à l’âge adulte, se soumettre à une initiation qui en passe par des épreuves (marche, combats) et un apprentissage (de ses pouvoirs, de la sexualité). Il devra faire face à des opposants (Soma, Bafing, les Peuls) dont certains (le chef peul, Attou) viendront rejoindre le camp des adjuvants (la mère, Djigui). La quête mène au combat, et le combat aboutit à la création d’un monde nouveau. Nianankoro doit assumer une mission, celle de transmettre les pouvoirs que détient sa famille, pouvoirs qui renvoient à un système de croyance commun. Cette transmission transgénérationnelle s’opère à travers un objet symbolique – l’aile du Korê, oiseau des grands espaces, de la chasse, de la guerre, du savoir et de la mort – qui ne trouvera sa puissance qu’au bout d’un long parcours entre un destinateur (Djigui) et un destinataire (l’enfant), au prix du sacrifice de Nianankoro. La quête destructrice de Soma, à la suite des remaniements scénaristiques liés à la mort d’Ismaïla Sarr, est justifiée par le fait que Nianankoro a fait disparaître son oncle Bafing. Dans le scénario initial, le jeune homme était accusé par son père d’avoir voulu fonder une secte mieux adaptée au monde contemporain (dans une posture assez proche de la geste de Cissé).

S’il est impossible de situer le récit de Yeelen à une époque précise, le récit s’inscrit dans une continuité reliée à des origines mythiques. On trouve les références précises à cette époque imaginaire dans les rites comme dans les pratiques quotidiennes traditionnelles. Ce qui n’empêche pas que certains personnages se comportent de manière parfois très actuelle (notamment Attou et Nianankoro), pas plus que cela ne prive Djigui de faire allusion à un avenir bien réel (la colonisation). Cette sensation d’être pris dans une temporalité indiscernable va être accentuée par le recours systématique aux ellipses qui nous projettent du jour à la nuit, de l’aube au plein jour, nous privant de tout repère précis. L’impression est la même concernant les sautes dans l’espace. Ainsi le film jouxte dès ses premiers plans plusieurs points de vue dont deux dominent, celui de Nianankoro et celui de Soma, mais rien ne nous indique la distance précise qui les sépare. Lorsque nous retrouvons la mère de Nianankoro en train de se purifier dans le fleuve, il est à nouveau impossible de savoir si cette action se situe au même moment, dans un lieu proche ou éloigné de celui où nous avons laissé son fils prisonnier des Peuls. Seules des indications de paysage, pour l’un le désert, pour l’autre le fleuve, nous suggèrent qu’ils sont loin l’un de l’autre. Cela ne nous empêche pas de croire que les invocations de la mère, adressées à la déesse des eaux, jouent un rôle bénéfique dans la manière dont son fils va être tiré d’affaire dans la séquence suivante. Mais comme souvent dans les mythes, les liens de cause à effet ne sont jamais explicites. En cela, le montage cinématographique joue à plein tant il permet de suggérer leur efficience tout en conservant le mystère qui les entoure. Du mythe au cinéma, même si elle n’est pas du même ordre, il est toujours question de croyance et de forces invisibles. On peut même considérer les incohérences du récit – l’apparition puis la disparition de l’oncle Bafing, ou encore le fait que le chef peul et Attou se mettent subitement à comprendre le Bambara – comme une caractéristique propre aux récits mythiques, contribuant paradoxalement à en renforcer le pouvoir de vérité. À la fin du film, une dernière ellipse vient confirmer la nature mythique du temps narratif : quelle durée s’est-il passé entre la mort de Nianankoro et la séquence finale où l’on voit son fils déterrer les œufs ? Le temps pour le petit garçon de naître et de grandir de quelques années. Mais cela n’explique pas comment le paysage a été modifié comme après un cataclysme géologique qui s’étale habituellement sur des millions d’années. On pourrait ajouter que ce bouleversement tectonique peut être lu comme une métaphore de la destruction du monde par la guerre et un mauvais usage de la science, introduisant ainsi au film une dimension de parabole actuelle à portée universelle.

Sous son apparente unité esthétique, Yeelen est un film hybride au regard de nos critères occidentaux contemporains. Il mêle en effet le mythique au social, le passé au présent, les dieux aux hommes, le peuple à l’intime. Son titre, La Lumière, en est l’emblème qui peut se décliner des deux façons, prosaïque et spirituelle. Quant au récit, il entrelace cinq genres : l’épique, le mythique, le politique, l’éthique et le psychanalytique. La dimension épique apparaît dès les premières séquences : Nianankoro doit fuir son père, retrouver son oncle Djigui. L’enjeu – transmettre les valeurs ancestrales à la génération suivante – va se révéler au gré des péripéties de ce long voyage qui s’annonce plein de menaces. Les principaux personnages, hors du commun, disposent de pouvoirs surnaturels qui les rattachent à cette catégorie que Hegel nomme, dans L’ Esthétique, les héros épiques. Tel Ulysse, Nianankoro va devoir voyager, franchir des obstacles, se faire des alliés, affronter des ennemis, utiliser ses pouvoirs, sa ruse et sa sagesse au nom d’une cause qui le dépasse. À peine s’est-il séparé de sa mère qu’il doit affronter la fatigue, la soif, la solitude et la mort. Son épopée en passe par l’initiation sexuelle et amoureuse, les rites de purification, la rencontre avec d’autres ethnies (les Peuls et les Dogons). Puis vient le temps de l’affrontement avec son père qui les mène tous deux à la mort. L’épopée se poursuit sans lui quand Attou et leur fils annoncent l’avènement d’un monde nouveau. L’épopée de Nianankoro se développe sous le sceau du mythe : après une succession de signes calligraphiques du Komo, le film s’ouvre sans crier gare par le sacrifice d’un poulet enflammé adressé à la divinité Mari, suivi de l’offrande d’une chèvre à la grande sorcière par celui qui s’avèrera être le fils de Nianankoro. Les rituels se succèdent (visions dans la calebasse, enterrement du tibia de cheval, purifications, réunion des initiés), les sacrifices s’enchaînent (le poulet, le chien rouge, l’albinos), les offrandes s’accumulent (la chèvre, la bière de mil). Cette intrigue à dimension magique s’exerce sous l’emprise du mythe fondateur des Bambaras qu’aucun personnage ne vient remettre fondamentalement en cause. Ainsi fonctionne le mythe, comme une croyance fédératrice parce qu’incontestable. Pour se faire, il s’appuie sur des rituels et des objets symboliques : pilon magique, aile du Korê, statue de la grande sorcière en témoignent. Ces objets auront l’occasion d’affirmer leurs puissants pouvoirs, directement reliés à une histoire mythique renvoyant aux origines et annonçant le futur. Cette loi régissant un temps mythique s’incarne à travers la figure du devin aveugle, Djigui, écho à Tirésias qu’on trouve dans l’antiquité grecque chez Homère et Sophocle, celui qui décrit le monde d’avant, sait prédire l’avenir mais ne peut l’empêcher. C’est du mythe également que surgit l’unique apparition de l’homme hyène pour prédire à Nianankoro un avenir faste. C’est toujours de son fait que le pilon magique s’agite, soumis à des forces contraires et qu’il se met soudain à voler, puis à parler au moment du duel pour rappeler la vérité de l’ordre du cosmos. La dimension cosmologique de Yeelen, met en jeu, à travers les images, les invocations et les rituels, les quatre éléments. Ainsi le père est rattaché au feu, la mère à l’eau et à la terre, le fils au vent, expression des puissances invisibles de la nature. Ce qui n’empêche pas ces espaces traversés par des forces magiques de contenir une dimension concrète, réelle, ordinaire (villages, forêts, brousse, montagnes, déserts). L’intrigue elle-même ne peut se comprendre, notamment dans son dénouement elliptique, que si l’on considère ce combat et ses conséquences à l’échelle du mythe, marquant une cassure historique dont la dimension ne peut se représenter tant elle est de l’ordre de l’inconcevable. C’est comme si le manque de moyens financiers avait paradoxalement servi Cissé pour représenter de manière encore plus juste, par l’ellipse, la toute puissance divine. Il s’agit, en épurant et en actualisant le récit mythique, de produire un nouveau syncrétisme, une réactualisation qui permettent de lui redonner vie et usage pour les générations futures dans un geste à portée universaliste. Ainsi le lieu mythique de Bandiagara est-il montré par un lent panoramique sans pour autant qu’on ne mentionne explicitement la signification de cette falaise qui s’étend sur plus de 200 km du Mali au Burkina-Faso, laissant au spectateur le choix d’interpréter le sens lié à l’étrangeté du lieu et à son apparence originelle plutôt que de mentionner explicitement ses références à la culture Dogon et à celle des peuples troglodytes qui les ont précédés.

Si Yeelen accorde plus de place que les autres films de Cissé au mythe, il n’en reste pas moins une réflexion politique sur le pouvoir et ses abus, celui du mâle et des castes dirigeantes qui, de générations en générations, usent et abusent de cette autorité à leur profit. C’est bien là l’argument mentionné par le pilon magique pour justifier sa décision de priver désormais la famille Diarra de ses services. Cette critique de l’exercice abusif du pouvoir fait écho à des situations politiques contemporaines dans de nombreux États africains, sans que le film n’omette pour autant d’évoquer les ravages commis par le colonialisme. A ce potentat s’oppose l’attitude de l’oncle Djigui qui, enfant, souhaitait faire partager les connaissances détenues par sa famille (dans une version précédente du scénario, il voulait réadapter le Komo au présent et au futur). Il le paye instantanément d’un terrible châtiment, la lumière de l’aile du Korê le rendant définitivement aveugle. Ainsi celui qui s’oppose à la Loi des anciens en paie lourdement le prix. Éthique, le film l’est dans sa manière de respecter les points de vue : si l’essentiel du récit est consacré à la logique de l’affrontement entre le père et le fils, il ne donne totalement raison ni à l’un, ni à l’autre et accorde une place non négligeable à la diversité des peuples, aux enfants (les bergers peuls ou ceux qui activent le feu de la forge sur la place du village, mais aussi celui qui prendra la relève, le fils de Nianankoro et d’Attou) ainsi qu’aux femmes. Ces dernières ne sont pas seulement, comme dans tout système patriarcal, celles qui agissent en retrait. Le film, comme beaucoup d’autres réalisations de Cissé, leur accorde une place qui ne se réduit pas au rôle de la victime ou de l’intrigante. Dans Yeelen, la femme est porteuse de la sagesse (la mère), initiant à l’amour et au sexe en s’initiant elle-même (Attou), prenant en charge les descendants après la fuite du père ou sa disparition, gagnant ainsi en autonomie (la mère, Attou). Elle est celle qui fait lien. La manière concrète avec laquelle Souleymane Cissé aborde la haine énigmatique de Soma envers son fils renvoie également, par sa dimension totalement irrationnelle, au champ de l’inconscient. Pour autant, toute tentative de décalque du complexe d’Œdipe tel que défini par la psychanalyse freudienne, notamment autour de la notion du meurtre symbolique du père, est ici inadéquate. Nianankoro ne souhaite pas l’affrontement avec son père, pas plus qu’il ne cherche à prendre sa place et à posséder inconsciemment sa mère. C’est plutôt le père qui se sent, sans raison, menacé par sa simple existence. En revanche, la signification du pilon magique comme objet phallique à dimension sexuelle et pulsionnelle est avérée, figure d’une virilité mal contrôlée et paranoïaque, contrastant avec celle, plus aérienne, sensuelle, immature et gracieuse, de l’aile du Korê, écho au corps élancé et dansant d’un Issiaka Kane accédant à l’âge d’homme.

En mêlant habilement les genres, Yeelen traite des questions de l’appartenance et de l’autonomie, de la transmission et de l’apprentissage en leur accordant, par cette approche multiple, une portée universelle. Yeelen est le film de Cissé qui révèle le plus nettement, par les procédés auxquels il recourt, la manière dont s’articulent chez lui les notions de magie et de cinéma. Dès le début du film, nous assistons à des rituels dont la dimension magique, à partir d’effets de superposition et de pyrotechnie simples, est évidente : un poulet vivant en train de brûler, un homme qui enflamme un cylindre de bois et l’écorce creuse d’un arbre… Et lorsqu’on pense revenir à la réalité, c’est pour voir apparaître, dans le reflet du liquide d’une calebasse, par un simple effet de superposition, des corps et des visages. Ces trucages sont la résultante d’un mélange complexe entre choix et contraintes. Cissé aurait aimé faire un film fantastique avec des moyens dont il ne disposait pas. Paradoxalement, cette économie restreinte trouve une corrélation avec la manière dont le réalisateur conçoit son œuvre, loin du cinéma ethnographique comme du film de simple distraction. Il s’agit plutôt d’inventer, à travers une esthétique qui lui est propre, une nouvelle articulation qui ne se confonde ni avec le discours archaïque trop rigide, ni avec le rejet des traditions, sous influence occidentale.

Tout au long du film, Souleymane Cissé va multiplier les effets de magie par des procédés d’une simplicité désarmante : le surgissement de la hyène dans l’arbre est obtenu en déguisant et maquillant un comédien de manière délibérément naïve. Plus tard, lorsque Nianankoro fait usage pour la première fois de ses pouvoirs magiques, c’est par la simple immobilisation d’un comédien que l’effet se donne à voir, en même temps que des flammes surgissent de l’épée d’un autre combattant. Lorsque le jeune homme va aider les villageois à combattre les assaillants, c’est le montage parallèle qui permettra au spectateur de faire le lien entre le rituel du tibia et ses effets à distance: immobilisation des guerriers, attaque des abeilles, encerclement par le feu. Là encore, les effets produits sont traités de manière simple et symbolique, les feux sont produits par des branchages entassés (sans autre justification), la présence des abeilles est signifiée par la présence des ruches et la bande-son. Lorsqu’on retrouve Soma invoquant les dieux, ce sont de simples ralentis et l’inversion de défilement des images qui produisent l’effet magique d’un chien ou d’un albinos marchant à reculons. Il s’agit ici d’évoquer un rituel – le sacrifice – que Cissé se refuse à filmer (à la différence de Jean Rouch dans Les Maîtres fous), exprimant à la fois sa crainte d’une incompréhension du spectateur face à la cruauté du geste, et sa désapprobation implicite, notamment concernant le harcèlement des albinos perpétré dans certains pays africains. La séquence du duel final repose sur la même logique : fils invisibles, ralentis, travail en laboratoire pour obtenir une surexposition, fumigènes…

Nous sommes, à la différence des effets réalistes et spectaculaires d’Hollywood dans un monde de représentation qui rapproche le cinéma de Cissé de l’art naïf, et par là même, paradoxalement, le recouvre d’une dimension moderne (au sens de l’art brut et des primitivistes, mais aussi du cinéma contemporain minimaliste tel qu’on le trouve chez  Roberto Rossellini, Pier Paolo Pasolini ou Abbas Kiarostami). Chaque détail de la mise en scène est, chez Cissé, une manière d’affirmer son point de vue.  Ainsi, le recours au travelling n’est jamais anecdotique : il s’agit toujours d’accompagner le trajet d’un personnage dès lors qu’il comporte un enjeu fort, réel et symbolique, comme lorsque les deux combattants se rendent sur les lieux du duel. Filmer le mouvement d’un corps en l’accompagnant, c’est en quelque sorte nous faire adhérer à l’énergie, à la volonté supposées qui l’habitent, mêlant immanence et transcendance...Le découpage interne aux séquences est aussi l’occasion d’insister sur la multiplication des points de vue, qu’il s’agisse de la séquence des initiés dans la brousse, du duel final ou de la séparation de Nianankoro avec sa mère, suite de champs/contre-champs ponctués de regards appuyés et silencieux, expression d’une souffrance des personnages et d’une tragédie qui se noue sur un mode à la fois pluriel et solitaire. Le dernier élément contribuant à produire cette dimension mythique donne son titre au film : c’est le travail sur la lumière, « l’œil divin », comme l’écrit Charles Tesson. Le film se passe soit dans des ambiances d’aube ou de crépuscule, soit dans des lumières plus éclatantes, soit dans des plans de nuit éclairés avec des sources artificielles (lampes) ou naturelles (le feu). Cette lumière du début ou de la fin du jour sublime la réalité, rend les corps sensuels, les paysages lyriques. La lumière blanche, plus crue, est utilisée par Cissé lorsqu’il inscrit ses personnages dans des situations de souffrance (pendant la sécheresse ou lors du duel final). La nuit et le temps du mystère, des confidences et des révélations (celles de Djigui). Cissé retourne en quelque sorte le handicap qui est le sien – le manque de moyens – pour en faire une force. Son cinéma devient, par l’entremise d’une mise en scène rigoureuse et inspirée, le lieu même ou la magie du mythe et celle du cinéma se confondent dans une recomposition, une réappropriation, une articulation entre passé et présent fondées sur une stylistique moderne épurée, en symbiose avec celle des rituels ancestraux.

Souleymane Cissé n’aime pas qu’on compare la séquence du duel final de Yeelen à un western. N’oublions pas pour autant que ce genre constitue une bonne part des films que le jeune Cissé découvrit lors de ses premières expériences cinéphiliques à Bamako. N’occultons pas non plus le fait que le découpage des séquences d’action tel qu’il est pratiqué dans les films hollywoodiens a été inventé dans les années 1920 par des cinéastes de l’Union Soviétique tels que Lev Koulechov et Serguei M. Eisenstein, enseignants de la célèbre école de Moscou, le VGIK, où Cissé a appris quelques années plus tard l’art du montage. Par ailleurs, nul n’ignore que le western occupe pour ce jeune pays que sont les États-Unis la fonction de récit mythique fondateur, ce qui le rapproche de l’ambition de Yeelen. Enfin, le combat entre Soma et Nianankoro a un autre point commun avec le duel à l’aide de « six coups » : la fulgurance de l’affrontement qui s’opère à distance entre les deux antagonistes, bien différent des combats à l’épée ou au corps à corps qui contiennent leur propre dramaturgie, leur nécessaire durée (comme dans Le Cid d’Anthony Mann, le splendide duel à l’épée entre Rodrigue et le comte Lozano, père de Chimène). Cette particularité oblige le metteur en scène à pousser à son comble la dilatation de la situation qui le précède. La séquence se divise en quatre étapes : l’approche, le défi, le temps suspendu et l’affrontement. Passant de l’une à l’autre, Cissé recourt à des effets de symétrie pour évoquer la réflexivité des personnages: même manière de filmer Attou à la poursuite de Nianankoro et le jeune guerrier traversant le village (plan large de face à la longue focale). Même travelling arrière avec panoramique (droite gauche pour l’un, gauche droite pour l’autre) pour filmer l’arrivée de Soma et de son fils sur le champ de bataille. Puis vient le temps du défi auquel on accède par un plan large, le premier depuis le début du film où l’on voit Soma et son fils dans le même cadre : Nianankoro s’avance avec son aile sur l’épaule puis Soma entre au premier plan; deux plans plus tard, on trouve son symétrique, avec Nianankoro en amorce, de dos, et son père et les deux porteurs du pilon en arrièreplan de face. Autre symétrie à distance lorsque l’on voit le visage de Nianankoro en gros plan tandis qu’il demande à son père la raison pour laquelle il veut le tuer et quand on découvre celui de Soma lui indiquant qu’il n’aura la réponse qu’après sa mort. Symétrie encore dans la manière de produire les superpositions sur les visages, l’éléphant pour le père, le lion pour le fils, dont la symbolique se passe de commentaire. Symétrie toujours entre le travelling circulaire qui entoure Soma en se rapprochant, le désignant comme coupable tandis que le pilon l’accuse, et celui encerclant le corps de Nianankoro en se rapprochant de son visage pour indiquer qu’il porte lui aussi la responsabilité de la faute, dans la tradition des filiations mythiques et électives, telles qu’on les trouve dans la tragédie grecque et dans la vendetta. Le mouvement courbe de la caméra renvoie ici à la représentation du Cosmos qui encercle l’humain pour agir de manière invisible sur lui. Ces liens d’opposition et de complémentarité des deux adversaires vont être renforcés par leurs gestuelles similaires (marche, immobilité, aveuglement face à la lumière).

On note également, dans la tradition classique du découpage, un resserrement progressif du cadre sur les visages qui s’accompagne d’un raccourcissement de la durée des plans, produisant un effet d’accélération créateur d’une tension dramatique croissante. La lumière blanche irradiant ce paysage désertique contribue à sa manière à cet effet de dramatisation. Outre les effets explicites renvoyant à la magie (les superpositions, le pilon qui s’anime, vole et parle, l’apparition des deux vaches, la lumière qui surgit), Cissé recourt aux faux raccords pour renforcer la dimension surnaturelle de la situation. Ainsi on passe d’un gros plan de profil de Soma à un plan de face de Nianankoro. On pourra citer aussi la symétrie inversée entre le panoramique vertical de haut en bas lorsque le pilon se défait de son enveloppe et celui, de bas en haut, lorsqu’il commence à parler : le mouvement vertical indique le passage d’un flux invisible, comme lorsque la caméra, partant du pied et remontant au visage, filme le corps de Nianankoro. Ce flux relie le ciel et la terre symboliquement, et permet à la lumière de jaillir. Le son contribue à renforcer cette présence de pouvoirs surnaturels, notamment dans l’usage sobre que Cissé fait de la musique. Le style de cette séquence nous rappelle sans cesse, par le recours précis aux règles cinématographiques (dilatation, travellings, découpage) et à leur remise en question (faux raccords, superpositions), que nous sommes pris (à la différence du western, cette fois) entre l’humain et le divin, dans un univers propre au film. Il nous apporte la confirmation que Cissé envisage cadres et mouvements de caméra d’une manière très maîtrisée, liée au sens implicite qu’il veut suggérer, au point de vue qu’il exprime. Il invente ainsi une esthétique à la fois classique par sa rigueur et moderne par son dépouillement, fondée sur l’économie de moyens, la transgression et l’épure, entre hommage aux grands maîtres et rébellion contre les conventions.

« L’image est très poétique, la musique doit être un ciment qui se mélange à cette poésie et lui donne sa force», affirme Souleymane Cissé. Pour Yeelen, il a fait appel à Michel Portal, connu pour ses compositions et improvisations, en jazz notamment. « Je veux une musique qui n’ait pas de couleur, qui soit intemporelle, qui puisse donner le son de la poussière », lui explique le réalisateur qui ne conserve finalement qu’une faible part de ses propositions. Par ailleurs, Cissé se refuse de faire appel à des musiciens maliens dont la musique chantée ne lui correspond pas. La seule exception concerne la mélodie accompagnant le départ de l’oncle Bafing, chantée par le célèbre chanteur Salif Keïta en hommage posthume à l’acteur Ismaïla Sarr. Pour le reste, la musique est souvent épurée à l’extrême. Après une brève ouverture constituée de cloches, grelots et cymbales, un thème central se fait entendre, mixé avec un cri d’oiseau. Il est constitué d’une musique en nappe, rappelant des sons de flûtes, ponctuée de légères percussions à la basse électrique. Symbolisant l’amorce d’une nouvelle ère, il revient trois fois, lorsque Nianankoro découvre l’usage de ses pouvoirs, lors de l’affrontement final et pendant le générique de fin. D’autres formes musicales interviennent de manière  plus discrète, sous forme de présages menaçants. On entend une mélodie à peine audible quand Nianankoro découvre ses visions dans le reflet de l’eau. Plus tard, des cordes frappées accompagnées d’une basse dramatisent le moment qui précède l’affrontement entre Nianankoro et les villageois, puis avec les guerriers. Des sons cristallins soutenus par des cordes et une basse légèrement frappée leur succèdent, annonçant le retour du thème central. Lors de l’arrivée du jeune couple en pays Dogon, on entend des percussions et des cordes jouées sur des instruments traditionnels, simple ponctuation devant l’étrangeté magique du lieu et sa dimension ancestrale. Le film se termine avec le retour au thème principal qui reprend lorsque Djigui fait ses révélations. Il laisse ensuite la place à des percussions, symboles d’une marche décisive, lorsqu’Attou part rejoindre Nianankoro une dernière fois. Puis le thème central va aller croissant, s’accompagnant de déflagrations et de sonorités métalliques lorsque le pilon s’envole. Après l’ultime dialogue entre père et fils, des sons de cloches et de grelots tintent lorsque les vaches surgissent. Lancé par un cri d’oiseau qui annonce le dénouement du duel, un son de vent croît, auquel s’adjoint une sonorité plus stridente et un sifflement aigu qui s’imposent lors de l’éblouissement des antagonistes et du spectateur, bientôt accompagnés d’une puissante déflagration, sommet dramatique sonore évoquant le chaos auquel se substitue un sifflement qui à son tour décroît. Des percussions ponctuées de coups de cymbales accompagnent les trajets de l’enfant et de sa mère dans le sable pour mieux ritualiser leurs parcours. Le futur est en marche, une nouvelle ère commence, ainsi se clôt le récit qui reprend le thème ancien initial  et le développe pendant le générique. Cissé invente son propre point d’équilibre entre tradition et modernité, mixant sonorités d’instruments traditionnels (percussions, cordes) et sons plus contemporains (synthétiseurs, basse électrique). L’usage qu’il fait de la mélodie reste extrêmement sobre, chargée de dramatiser discrètement certains moments (percussions) et d’évoquer la puissance de forces invisibles (thème principal). Ainsi se refuse-t-il à dramatiser musicalement la séquence de séparation de Nianankoro avec sa mère puis avec Attou, ou celles des combats individuels et collectifs dans le village peul, tant ils ne relèvent pas, comme c’est le cas pour le duel final, d’une dimension mythique. Cette musique s’articule subtilement avec des sons d’ambiance rappelant les pouvoirs des éléments cosmiques : vent, piaillements d’oiseaux, son du feu et craquement du bois, eau jaillissant de la source du Bongo ou lait coulant sur le corps de la mère. Yeelen accorde également une grande importance aux timbres des voix qui énoncent des discours très ritualisés (les saluts, les palabres, les invocations etc.), dotés de leurs rythmiques et de leurs sonorités propres. Ce phénomène est particulièrement perceptible chez Soma, interprété par Niamanto Sanogo, griot à la voix gutturale. Sa voix agressive s’oppose au phrasé doux et hésitant de son fils (Issiaka Kane) et à celle, d’une infinie douceur et d’une mélancolie retenue, de Mâh, la mère de Nianankoro (Soumba Traore). » (Frédéric Sabouraud et Stratis Vouyoucas, Dossier Yeelen, Lycéens et Apprentis au cinéma)


Présentation du film et animation du débat avec le public : Josiane Scoleri

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