Yourself and Yours



Samedi 04 mars 2017 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

FiLlm de Hong Sang-Soo – Corée du Sud – 2017 – 1h26 – vostf

Le peintre Youngsoo apprend que sa petite amie Minjung a bu un verre avec un homme et s’est battue avec lui. Le couple se dispute et Minjung s’en va, déclarant qu’il est préférable qu’ils ne se voient plus pendant un certain temps. Le lendemain, Youngsoo part à sa recherche, en vain. Pendant ce temps, Minjung (ou des femmes qui lui ressemblent) rencontre d’autres hommes…

Notre critique

Par Bruno Precioso

Depuis les années 1990 en Asie, 2000 dans le monde entier, le cinéma coréen (sud-coréen s’entend) est reconnu comme un grand cinéma sur le plan artistique. La génération de la « Nouvelle vague coréenne » incarnée en Europe par Kim Ki-Duk, Park Chan-wook, Kim Jee-woon ou encore Bong Joon-ho ne représente certes qu’une part minoritaire des 110 à 120 films produits chaque année en Corée du Sud (pour une population de 25 millions d’habitants, à rapprocher des 250 productions françaises annuelles) mais leurs nouveaux opus sont attendus et récompensés à chaque occasion festivalière.

« Je fais des films avec presque rien. » Hong Sang-Soo

Hong Sang-Soo parcourt comme un symbole ces 56 années de cinéma, et sa formation correspond aux grands mouvements de l’histoire du 7e art coréen depuis la deuxième guerre mondiale : Hong Sang-Soo naît en 1960, à la fin du premier âge d’or (décennie 1953-1962) qui a vu Kim Ki-Young imposer un cinéma formel et populaire) dont l’adhésion populaire a conduit à l’ouverture de départements de cinéma dans les principales facultés du pays.Pendant les années de la dictature de Park Chung-Hee (1962-1980) Hong Sang-soo découvre le cinéma avec les films hollywoodiens à la télévision ; la production cinématographique est très limitée et surveillée : sévit alors la « Loi des 3 S » : screen, sex & sport, qui vide les films de tout contenu politique ou social. Dans ce contexte, le cinéma national se fait superficiel, les réalisateurs sont surveillés, les plus importants choisissent l’exil (Nam June Paik). Ce sera en quelques sortes le cas de Hong Sang-Soo qui, après avoir étudié la mise en scène à l’université de Chungang à Séoul, part en 1982 étudier aux États-Unis au College of Arts and Crafts de Californie et à l’Art Institute de Chicago.

Après la période de forte tension intérieure qui suit la répression du soulèvement de Gwangju en 1980, les contraintes s’apaisent progressivement et on peut imaginer un cinéma plus libre. Les films alternatifs ou un tant soit peu politiques restent néanmoins limitées à des projections clandestines tolérées sur les campus. La fin des années 1980 est dominée par une libéralisation lente jusqu’à l’ouverture de 1988 – mais il faudra attendre jusqu’en 1993 pour voir se tenir les premières élections libres. C’est à ce moment charnière que Hong Sang-Soo revient en Corée pour se marier, puis travailler enfin dans son pays natal, d’abord comme réalisateur pour la télévision avant de se lancer au cinéma porté par les conditions spécialement favorables qui protègent alors les productions coréennes (la loi dite du screen quotas fixe depuis 1994 à 146 jours par an la diffusion obligatoire de films nationaux, quotas réduits de moitié à partir 2006 sur pression américaine).

Entre 1996 et 2000 Hong Sang-Soo tourne 3 films ; le premier, Le Jour où le cochon est tombé dans le puits connaît immédiatement un certain succès critique et public (récompenses au Dragon Blue Coréen, au Festival du film de l’Asie Pacifique, et aux festivals de Rotterdam et de Vancouver). Le Pouvoir de la province de Kangwon (1998) reçoit la mention spéciale à la section « Un Certain Regard » du Festival de Cannes, et sa Vierge mise à nu (2000) est également remarquée mais il faudra attendre 2003 pour voir sortir ces films en salle en France. C’est précisément la période qui voit émerger la nouvelle génération de réalisateurs coréens lorsque Park Chan-Wook secoue la planète cinématographique avec Old Boy (2003), couvert de prix dans le monde entier, prélude au triomphe désormais constant du cinéma sud-coréen. Si à partir de 2000 presque tous ses films sont sélectionnés à Cannes, il doit attendre 2010 avec Hahaha pour recevoir le Grand prix Un certain regard, et retrouver (après Turning gate en 2003) un succès auprès du public coréen, avec 56 000 entrées. Le léopard d’or reçu en 2015 pour Un jour avec, un jour sans confirme son statut de réalisateur important sur le plan international.

Sexe, losers et alcool de riz

De cette génération née entre 1960 et 1970, Hong Sang-Soo est sans doute aussi le réalisateur le plus régulier – et peut-être le plus prolixe – de la décennie écoulée puisqu’il a tourné un film par an depuis 2005, et que son nouveau film prévu pour 2018 est déjà en post-production… Il est vrai que ses spectateurs habitués, même les plus enthousiastes, s’amusent à affirmer qu’il tourne toujours le même film ; et on serait tenté de le penser cette fois encore, tant il est vrai que pour son dix-huitième long-métrage le réalisateur coréen arpente ses chemins de prédilection, remâche des thèmes qui semblent le définir parfaitement : la rencontre amoureuse (voire le triangle amoureux, de préférence entre un artiste et ses élèves), la découverte de l’autre et les relations conflictuelles, les affres de la création et bien sûr l’alcool. Cette carte d’identité, déjà complète lors de la découverte simultanée par la France en 2003 de ses trois premiers opus, aux titres singuliers (La Vierge mise à nue par ses prétendants, Le Jour où le cochon est tombé dans le puits, Le pouvoir de la province de Kangwon) a révélé un irrésistible moraliste, flirtant parfois avec le fantastique, observateur des petites lâchetés quotidiennes : amours qui tournent mal, hontes et trahisons diverses. Son dernier long-métrage, Un jour avec, un jour sans (2016), y ajoutait son goût (déjà pressenti) pour une forme morcelée et non-linéaire. Un schéma immuable ? C’est vrai cette fois encore, et pourtant le film s’ancre dans un espace nouveau, immobile et familier, et glisse imperceptiblement… la figure de la variation qui constitue l’identité du cinéma de Hong Sang-soo, se trouve poussée ici à un paroxysme qui en fait le moteur même de la narration ; la figure confine désormais au vertige à force de mise en abyme.

Depuis 2008, il enseigne à l’université de Konkuk à Séoul où il anime un atelier consacré à la mise en scène et un atelier consacré au scénario ; la mission a quelque chose d’ironique quand on songe que Hong Sang-soo utilise des moyens légers (sur Oki’s Movie, il n’y avait que 4 techniciens) et travaille généralement sans scénario établi. Il tourne à partir de notes qu’il rédige en partie pendant le tournage, s’adaptant à la personnalité des acteurs, et distribue à l’équipe chaque matin. Pour le chef opérateur Park Hong-yeol, le fait que les techniciens et les acteurs ne connaissent pas l’issue du film les force à une concentration extrême sur le tournage qui permet d’atteindre leur intensité. « Tout ce que je sais du film est écrit dans quelques feuillets en vrac, parfois sur une serviette en papier. Mon tempérament m’empêche de tourner plus de deux ou trois plans par scène. Je fais au plus simple et ne filme que ce que je connais bien. » Et lorsqu’on lui demande ce qu’il connaît le mieux, il répond : « le soju », cet alcool de riz (titrant 20 à 45° tout de même !) incontournable dans tous ses films… On se souvient que Ozu évaluait la qualité de ses films au nombre de bouteilles de saké consommées sur le tournage. Il semble que le maître ait trouvé en Corée de scrupuleux disciples…

Sur le web

Pour son dix-huitième long-métrage, Hong Sang-soo continue d’explorer des thèmes qui lui sont chers : la rencontre amoureuse entre deux artistes et la découverte de l’autre et les relations conflictuelles, à l’instar de Night and Day (2010), The Day of He Arrives (2011), La Vierge mise à nu par ses prétendants (2004) ou encore Un jour avec, un jour sans (2016), dont la forme est aussi morcelée et non-linéaire. Depuis son quatrième long-métrage Turning Gate  (2002), Hong Sang-soo n’écrit pas ses scénarios. « Tout ce que je sais du film est écrit dans quelques feuillets en vrac, parfois sur une serviette en papier. Mon tempérament m’empêche de tourner plus de deux ou trois plans par scène. Je fais au plus simple », a confié le réalisateur à l’occasion du Festival de San Sebastian 2016.

« Yourself and Yours remet en question la primauté du domaine de la raison qui produit des certitudes et des règles. Il orne le domaine du savoir de confusion et d’incertitude, et après l’avoir qualitativement transformé en domaine de non-savoir, il se clôt sur quelque chose de l’ordre du miracle. Le film emprunte divers chemins qui conduisent le spectateur dans une expérience de non-savoir. La voix off qui est très fréquente dans les films de Hong Sangsoo est absente cette fois. Les voix intérieures des personnages, en particulier celle du personnage principal féminin qui forme le noyau impénétrable du film, sont complètement enfouies. Les conversations des personnages s’engagent avec une fluidité acrobatique, partant d’un point A pour sinuer de façon imprévisible jusqu’au point Z. Cette structure complexe est basée sur la temporalité et le fantasme qui s’amplifient dans la seconde moitié du film. » (Jeong Hanseok – Critique de cinéma)

Yourself and Yours est une nouvelle exploration ludique de l’insécurité et de l’obsession romantique, utilisant des éléments comme l’identité confuse et la romance dysfonctionnelle pour montrer combien il est parfois difficile pour un homme et une femme de se comprendre.

« La merveille, avec Hong Sang-soo, c’est qu’il enchaîne les films comme si tout cela était naturel, facile, simple. Il fait du cinéma comme il respire (vingt films en vingt ans de carrière !). Il respire le cinéma. Ses films, un par un, qu’on les aime plus ou moins, tissent une œuvre cohérente. C’est à nouveau le cas avec Yourself and Yours, qui fait son miel d’un point de départ au premier abord très banal, mais qui va engendrer un prodige de film, un petit feu d’artifice en chambre, un petit bijou, une bouffée de bonheur. » (lesinrocks.com)

« Hong Sangsoo explore comme aucun les facettes multiples des rapports amoureux, les jeux de trajectoires manquées, d’espoirs soulevés et de déceptions amères, dans un cinéma d’une apparente facilité, léger et pourtant habité. »(critikat.com)

Le cinéma d’Hong Sang-soo montre des personnages souvent fortement alcoolisés. Le réalisateur confie lui-même son penchant pour la boisson, arguant qu’il ne filme que ce qu’il connaît.

Le réalisateur sud-coréen, souvent comparé à Eric Rohmer, a présenté Yourself and Yours au Festival de San Sebastian en 2016 et à la Berlinale en 2017.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Bruno Precioso

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