12h08 à l’est de Bucarest



Vendredi 20 avril 2007 à 20h30

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Un film de Corneliu Porumboiu – Roumanie – 2006 – 1h29 – vostf

Une petite ville de province roumaine s’apprête à fêter Noël seize ans après la Révolution. C’est la période que Virgile Jederescu, patron de la télévision locale, choisit pour confronter ses concitoyens à leur propre histoire. Aidé de ses deux amis, Piscoce, vieux retraité solitaire, et Manescu, professeur d’histoire criblé de dettes, il organise un débat télévisé qui a pour ambition de répondre à la question qui le préoccupe depuis longtemps : leur ville a-t-elle réellement participé à la révolution ?

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Présenté au Festival de Cannes 2006 dans la section Quinzaine des Réalisateurs, 12:08 à l’est de Bucarest a décroché la très convoitée Caméra d’Or, remise chaque année à un premier long métrage, toutes sections confondues. Le Jury était présidé par Jean-Pierre et Luc Dardenne.  Corneliu Porumboiu est un enfant de Cannes, puisque un de ses courts métrages, Calatorie La Oras, avait été présenté, et primé, dans le cadre de la Cinéfondation en 2004.

Corneliu Porumboiu revient sur la genèse du projet : « J’ai vu un débat télévisé il y a de cela cinq ans, dans ma ville natale de Vaslui, dans l’est de la Roumanie. La question du jour était : y a-t-il eu ou non une révolution dans notre ville ? Trois personnes se disputaient pour savoir comment les événements se déroulèrent à l’époque. Ce sujet me trottait dans la tête depuis cinq ans. Et puis en mai de l’année dernière, j’ai terminé un scénario sur lequel je travaillais depuis deux ans et dont je n’étais pas encore satisfait. C’est pourquoi j’ai commencé à écrire 12:08 à l’est de Bucarest, en m’inspirant des trois personnages que j’avais vus à la télévision. C’était une sorte de thérapie pour m’éloigner de l’autre scénario. A ma grande surprise, je l’ai fini au bout d’un mois. J’étais tellement content que j’ai décidé de commencer à le tourner le plus vite possible.« 

Trois points de vue sur un même événement se confrontent dans 12:08 à l’est de Bucarest. Le cinéaste montre ainsi la dimension relative et subjective des faits historiques : « Je ne crois pas à une seule vérité historique. C’est là le fondement de tout le film« , résume-t-il. « Je me retrouve dans chacun de mes personnages, mais à chacun sa vérité… Ce qui reste par-dessus tout d’une révolution, au-delà des symboles et des images de ses leaders, ce sont les souvenirs contradictoires des gens comme mes personnages. J’ai pensé au Rashomon d’Akira Kurosawa : comment changeons-nous la réalité dont nous voulons nous souvenir. Dans mon film, les personnages ne mentent pas comme ils le font chez Kurosawa, mais, quand ils veulent se souvenir de ce qui a eu lieu seize ans auparavant, ils commencent à transformer la réalité. Tout le monde a ses propres souvenirs et points de vue. Où est la vérité ? Je montre les différents choix : les gens oubliant si vite, leur mémoire obscurcit les faits et change la réalité. » Les événements dont débattent les personnages de 12:08 à l’est de Bucarest remontent à 1989. Nicolae Ceaucescu est au pouvoir en Roumanie depuis 1974, à la tête d’un régime qui ne laisse aucune place à l’opposition. Mais avec la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, ses jours semblent comptés. Il est réélu à la tête du Parti Communiste le 24 novembre, mais à partir de la mi-décembre, des dizaines de milliers de manifestants défilent à Timisoara. La Securitate (les services secrets roumains) tire sur la foule, faisant plusieurs morts. Le 22 décembre, à 12h08 (l’heure à laquelle le titre fait référence), alors que l’armée s’est rangée aux côtés des manifestants, le couple Ceaucescu est évacué par hélicoptère. Le 25 décembre, ils seront condamnés à mort par un tribunal militaire et exécutés le jour-même. De nombreuses interrogations subsistent sur l’ensemble de ces événements, qu’il s’agisse de l’implication du KGB et de la CIA ou du rôle joué par les médias – les téléspectateurs du monde entier découvrent avec effroi les images d’un charnier composé de victimes de la Révolution, mais on apprit plus tard qu’il s’agissait là d’un bidonnage.

Si son film brosse un portrait de la société roumaine, Corneliu Porumboiu ne prétend pas proposer un discours politique. « J’essaie de faire des films sur la vérité d’un personnage« , précise-t-il, avant d’ajouter : « Je ne souhaite pas faire de documentaires ou de commentaires sociaux… Je m’efforce toujours de mettre les personnages au centre de mes films. J’ai peur d’émettre des jugements moraux, de balancer des trucs à la face des gens… pour moi, c’est le contraire de ce qu’est le cinéma. Aujourd’hui, la Roumanie est encore en convalescence. Le communisme ne se souciait pas du tout de l’individu. Face à l’État, l’être humain n’avait aucune importance… Mais, dans une certaine mesure, je lutte contre ces dogmes par la nature même des histoires que je choisis (…) À l’époque [communiste], les films devaient proposer un message, un jugement ou une morale… Il me semble plus important de montrer les personnages et leur destin… Je suis tout sauf un juge !« 

Corneliu Porumboiu n’a pas perdu de temps : il a écrit le scénario de son film en juin 2005 et l’a tourné en décembre de la même année. Soucieux de son indépendance, il a investi une partie de son argent dans le film. En outre, il s’entoure des mêmes collaborateurs depuis quelques années (il a signé 3 courts métrages entre 2002 et 2003). Il s’explique sur sa méthode de travail : « Je passe beaucoup de temps avec mes acteurs. Je change très peu de choses sur le plateau. Il m’arrive, par exemple, d’essayer un placement de caméra différent… C’est un élément clef pour moi. Chaque seconde de film et chaque centimètre de pellicule doivent être justifiés et avoir un sens. Chaque personnage doit avoir sa propre gestuelle. J’attends de mes personnages qu’ils s’oublient afin de mieux entrer dans leur rôle. Nous avons beaucoup répété avant de commencer à tourner –ce qui m’a aidé à saisir les personnages dans leur essence. Quand ça marche, je les suis partout et je suis même prêt à changer leur dialogue. D’un autre côté, quand ça ne marche pas, je rêve d’être à même de travailler avec eux comme  Robert Bresson (rires).« 

Le cinéaste parle de ses réferences cinématographiques, mais aussi picturales : « J’aime beaucoup les premiers films de Jim Jarmusch, même si je ne pense pas vraiment à lui quand je filme. Cependant, on trouve effectivement des échos de son style dans mon film, qui ressemble à un documentaire réaliste. Quand j’écris un scénario, je pense tout d’abord à saisir l’esprit de l’histoire. C’est à partir de là que je commence à écrire en tant que réalisateur. Down by Law a probablement inspiré la structure quelque peu étrange de mon histoire : dans la première partie, on suit chaque personnage, puis on les trouve réunis dans un talk show. Esthétiquement, j’ai été inspiré par l’esprit de Vermeer. Il n’y a pas d’action dans ses oeuvres, mais je voulais capter quelque chose de sa façon d’être et de vivre. »


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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