18ième Festival Annuel : La nuit et ses mystères – du vendredi 07 février au samedi 15 février


 

 


DU VENDREDI 07 FÉVRIER AU SAMEDI 15 FÉVRIER 2020

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

• Chaque film est précédé d’une présentation et suivi d’une discussion avec le public.

• Tous les films sont en version originale sous-titrée.

• Présentation des films et animation des débats: Josiane Scoleri, Vincent Jourdan, Guillaume Levil, Joseph  Morder et Bruno Precioso.


Programmation : Cinéma Sans Frontières:

Vendredi 7 février à 20h30: J’ai engagé un tueur  de  Aki Kaurismäki (Finlande, 1991, 1h20, vostf). Présentation: Josiane Scoleri.

Samedi 8 à 20h30Tropical Malady de Apichatpong Weerasetahkul (Thaïlande, 2004, 1h58, vostf). Présentation: Josianen Scoleri.

Dimanche 9 à 17h: Nuits blanches de Luchino Visconti (Italie, 1958, 1h37, vostf). Présentation: Josiane Scoleri.

Lundi 10 à 20h30Un long voyage vers la nuit de Bi Gan (Chine, 2019, 2h58, vostf). Présentation: Bruno Precioso.

Mardi 11RELÂCHE

Mercredi 12 à 20h30Ghost Tropic de Bas Devos (Belgique, 1h25). Présentation: Vincent Jourdan.

Jeudi 13 à 20h30: Atlantique de Mati Diop (Sénégal, 2019, 1h45, vostf) précédé du court métrage Hymen de Cédric Prévost (24min.). Présentation: Guillaume Levil.

Vendredi 14 à 20h30Opening night de John Cassavetes (USA, 2h24, vostf). Présentation: Joseph Morder.

Samedi 15:

à 14h30Atelier de Super 8 avec Joseph Morder et Vincent Jourdan.

– vers18h: Rencontre autour d’un verre avec Joseph Morder  au local d’Héliotrope 10 bis rue Penchienatti, réservée aux adhérents.

– à 20h30Assoud, le buffle + Assoud et les fantômes de La Havane de Joseph  Morder, 2 moyens métrages inédits, tournés en Super 8 et gonflés en 35.

 

La nuit, trouble et mystère

Le cinéma est l’art de la vision par excellence. On va « voir » un film (dans le noir, d’ailleurs). Se pose alors très vite la question de nous faire voir quelque chose, y compris quand on n’y voit rien!  Autrement dit, comment filmer la nuit ou  plus largement comment éclairer l’obscurité. De multiples solutions techniques ont ainsi vu le jour au fil de l’histoire du cinéma. Meliès lui-même, dans son studio tout en verre à Montreuil, avait mis au point un système d’éclairage avec 15 lampes montées sur un cadre avec réflecteurs pour palier aux déficiences de la lumière naturelle et de la pellicule. Mais au-delà de la technique se profile l’essence même du cinéma-illusion et sa capacité à nous faire prendre gentiment des vessies pour des lanternes sans même avoir à nous forcer la main, tant nous sommes consentants. L’exemple le plus fameux est bien sûr celui de la nuit américaine qui consiste à filmer les scènes de nuit en plein de jour et que les Américains appellent avec leur légendaire pragmatisme anglo-saxon « day for night ». Quelques filtres et un peu de bleu feront bien l’affaire! Et c’est ainsi que tous les clairs de lune du monde sont devenus bleu cobalt, voire indigo pour notre plus grand bonheur. N’oublions pas à ce propos que le poste de chef  opérateur a longtemps  été le seul à être considéré comme indispensable à Hollywood, bien plus que celui de metteur en scène en position subalterne par rapport aux producteurs qui avaient le fameux « final cut ».

Cela dit, si nous avons choisi ce thème pour notre festival annuel, ce n’est évidemment pas pour passer en revue tous les trucs et ficelles du cinéma en la matière, mais bien parce que la nuit est en soi à la fois un objet et un sujet de cinéma à part entière. La nuit est ce domaine où tout bascule. Endormis, nous entrons dans le monde merveilleux du rêve où la pauvre logique diurne n’a plus court. Éveillés, nous perdons nos repères, enveloppés dans un mystère tour à tour excitant  ou  inquiétant. Le cinéma, dans sa passion pour la représentation du monde, se devait de relever le défi et de s’approprier-quoi qu’il puisse lui en coûter sur le plan technique – le monde de la nuit. Ainsi sont nées nombre d’expérimentations majeures et d’une certaine manière, on pourrait dire que tout le mouvement expressionniste résulte de ce désir de jouer avec l’ombre et la lumière. Il suffit de penser à ces chefs-d’œuvre que sont Nosferatu ou L’Aurore de Murnau. D’autres  genres emblématiques suivront, à commencer par le film noir, le bien nommé, où la nuit accompagne nécessairement femmes fatales et flics véreux. De manière générale, le film policier, le film de gangsters sous toutes ses variantes, exploitent volontiers le trouble qui fait rimer activités illégales et ambiance nocturne. On imagine mal mettre en scène les descentes de flics des Incorruptibles dans les bouges de Chicago sous un soleil radieux. La nuit, c’est l’envers du décor, là où la respectabilité vacille, où les notables s’encanaillent et révèlent leurs penchants les plus inavouables. Prostitution,  alcool, trafics en tous genre, le cinéma regorge de films qui nous emmènent dans ces mondes interlopes qui ont chacun leurs codes et leurs rituels et qui deviendront des univers cinématographiques à part entière, avec leur ambiance sonore et visuelle, leur personnages totémiques, leur rythme scénaristique, etc… Sans oublier le film de fantômes et de vampires, genre qui suscite toujours autant d’engouement depuis les débuts du cinéma. Bien sûr, comme toujours dans l’histoire du cinéma, le genre appelle le  dépassement, le détournement ou le renversement du genre lui-même. Ainsi nous avons vu des films de vampires qui font rire, l’exemple indépassable étant sans doute Le bal des vampires de Polanski ou des fantômes grotesques  qui ne font trembler personne. (Fantômes à Rome d’Antonio Pietrangeli que nous ne désespérons pas de passer un jour). 

Dans notre sélection de cette année, nous avons donc tenter  un aperçu panoramique à travers les époques, les styles et les continents pour explorer différents aspects du sujet. Avec J’ai engagé un tueur, nous sommes dans la parodie du film noir. Pour la première fois je crois dans l’histoire du cinéma quelqu’un met un contrat sur sa propre tête … pour le regretter presque aussitôt ! La nuit occupe donc une bonne partie du film, tueur à gages oblige, mais vire en permanence au burlesque. Il fallait oser et on peut compter sur Kaurismaki pour ça! La nuit au cinéma est avant tout urbaine et nous en aurons  de beaux exemples avec notamment Ghost Tropic de Bas Devos, une traversée nocturne de Bruxelles à pied qui s’avère une sorte de déambulation sociologique, entre beaux quartiers tranquilles et faune agitée qui agit comme le révélateur d’une réalité occultée. De même, la nuit à Dakar, dans Atlantique la nuit qui fait peur, la nuit qui réveille les fantômes, lesquels ne sont que l’autre nom de nos propres peurs.  Mati Diop réussit le tour de force de transformer le classique film de fantômes  en un film sur la lutte des classes ou pour le dire autrement  comment les pauvres parmi les pauvres (les femmes) peuvent vraiment faire peur aux riches tout en puisant dans la prégnance des esprits dans l’imaginaire africain. Nuit urbaine encore avec Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan, mais nuit magique, propre au déploiement de l’univers intime de chacun. Fantasmagorie onirique, rêve éveillé ou rêve tout court, nous finissons par nous envoler comme les amants du film en chaussant nos lunettes 3D. La nuit, c’est aussi le territoire de l’amour. Nous en aurons deux exemples opposés, mais en Noir et Blanc tous les deux . Un grand classique romantique avec Les nuits blanches de Visconti qui travaille la nuit comme espace où la parole et le corps se libèrent, où les sentiments s’expriment en accord avec l’ombre et la lumière . À l’autre bout du spectre, une première fois originale avec escort girl dans un hôtel de luxe aujourd’hui et même un bref écran totalement noir. Mais rassurez-vous, nous n’avons pas programmé L’Homme atlantique de Duras ! Beaucoup plus rare au cinéma, la nuit dans la nature avec Tropical Malady, dans le noir profond de la forêt vierge, si dense, si touffue que littéralement on n’y voit rien, où la moindre goutte de rosée, une feuille qui tombe, un insecte qui vrombit, notre propre respiration suffisent à nous faire tressaillir. Et si la nuit, c’est le cinéma, c’est aussi le théâtre avec cette inoubliable première de Cassavetes, Opening night l’artiste face au public et à la représentation du monde si fort et si fragile à la fois. Inoubliable Gena Rowlands. Et pour conclure, nous sortirons de la nuit avec le cinéma de Joseph Morder, ses jeux d’ombre et de lumière, de clair-obscur et de contre-jour entre présent et mémoire, pour terminer sous le soleil des Tropiques avec le dyptique inédit Assoud le buffle et Assoud et les fantômes de La Havane. Bon festival.

Josiane Scoleri

 

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