Failan



Vendredi 14 février 2003 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Song Hye-sung – Corée du Sud – 2002 – 1h55 – vostf – Interdit aux moins de 12 ans

Lee Kang-jae vient de sortir de prison. Traité avec mépris, il tente de regagner sa respectabilité d’autrefois vis-à-vis des membres de son gang. Mais c’est peine perdue. Il lui faudrait changer d’identité, refaire sa vie, partir ailleurs…Un jour, Lee reçoit un coup de téléphone lui annonçant la mort d’une jeune immigrée chinoise, qui n’est autre que sa femme, Failan, avec qui il avait contracté un mariage blanc sans jamais la rencontrer. Troublé par cette disparition, il entreprend un travail de deuil.

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Failan est l’adaptation d’une nouvelle de Jiro Asada qui s’intitule Lettre d’amour. Elle fut publiée dans un recueil intitulé Le cheminot. L’auteur japonais en parlant du livre dit avoir voulu montrer que si « la réalité est cruelle à l’image des gens qui y évoluent« , la beauté existe aussi. L’écriture du scénario a pris dix mois. Le cinéaste et ses scénaristes ont adapté l’histoire à un nouvel environnement puisque l’action du film se situe non pas au Japon mais en Corée. Ils ont néanmoins gardé l’idée d’engager une comédienne chinoise pour incarner la jeune immigrante.

Après avoir tourné un mélodrame, Song Hye-sung signe avec Failan son second long métrage. Le cinéaste coréen explique avoir cherché à tourner un film plus personnel : « Je voulais surtout communiquer aux autres ma raison d’être. Après l’échec de mon premier film, je suis allé au Japon où j’ai lu la nouvelle dont s’inspire Failan. J’ai pensé que je pourrais montrer avec ironie ma valeur en tant qu’être en parlant d’un homme mis au ban de la société, en quelque sorte un homme comme moi. Je pense que c’était là mon point de départ. Je me disais : « Après tout, pourquoi ne pas parler de moi, de ce que je pense de la société, de la réalité et de l’amour ? » « Lee Kang-jae est un homme solitaire, marginal, qui évolue dans l’univers de la pègre et dont personne n’accepte de reconnaître la valeur personnelle. Au-delà de son apparence, j’ai essayé aussi de m’imprégner de sa mentalité. Il fait semblant d’être fort, il jure à tout bout de champ, mais au fond de son coeur, il ressent un manque. J’ai voulu reproduire le processus par lequel ce manque s’accroît, oppresse cet homme et finalement le purifie, » explique le réalisateur.

«Il n’y a plus grand-chose à quoi il puisse se raccrocher, Lee Kang-jae. Il sort de prison, il est largué, c’est un has been. Les jeunes du gang le méprisent, le chef ne lui concède plus que des tâches minables. Quelle aventure va bien pouvoir prendre forme autour de ce personnage dépassé, cassé, sans ressort ? Quel avenir pour cet homme de main capable de se laisser malmener sans réagir par une vieille femme qu’il est venu racketter ? Qu’attendre d’un type qui va accepter d’endosser le crime commis par son boss et de retourner en prison à sa place contre la promesse qu’il recevra un jour, dans dix ans si tout va bien, le petit bateau dont il a toujours rêvé ?
Surtout ne pas se fier à cette ébauche de portrait d’un loser. Si le réalisateur, Song Hye-sung, décrit le « milieu » coréen avec un réalisme tranchant, si la violence y jaillit abruptement, si l’on échange plus de baffes que de mots et si le cynisme brutal semble être le mode naturel de communication, c’est pour mieux préparer un décisif changement de ton. Le film noir devient mélodrame quand une femme, la Failan du titre, entre en jeu de la plus improbable manière. Elle vient de mourir. C’est l’épouse de Lee Kang-jae, mais, quand il apprend sa mort, il réagit à peine car il avait oublié jusqu’à son existence. La petite immigrée chinoise aux abois n’était que le souvenir à demi effacé d’un épisode anecdotique, un mariage blanc qui lui avait rapporté un petit paquet de fric.
 Grand basculement dans le passé : le film met au jour l’autre versant de la même aventure. En gros, le parcours d’un ange égaré dans un monde de brutes, d’une frêle et gracieuse jeune femme qui croyait à la bonté et finit par trouver une petite place au soleil avant de mourir en crachant le sang.
Le film devient une sorte de puzzle mêlant le passé et le présent, où se profile la lente rédemption du héros. L’homme et la femme ne se rencontrent jamais, mais la belle idée, c’est que l’existence de chacun est, pourtant, peu ou prou transfigurée par l’image rêvée de l’autre. Tandis que Failan a fini par s’imaginer un mari idéal en la personne de ce Lee Kang-jae dont elle n’a connu qu’une simple photo, celui-ci sort peu à peu de son hébétude résignée pour s’attacher au fantôme de celle qui, un jour, a cru en lui, et le lui a écrit dans une lettre bouleversante de simplicité enfantine…
On devine que le réalisateur de Failan connaît bien l’oeuvre d’un certain Takeshi Kitano. Dans les moments les plus réussis de son film, on retrouve cette alchimie qui consiste à télescoper la violence crue et une douceur ténue, la description frontale d’un meurtre sauvage à main nue et la grâce d’un geste délicat (Failan encadre la photo d’identité de « son mari » comme si c’était son plus précieux trésor). Song Hye-sung risque le balancement mécanique entre le trop-plein de noirceur et l’excès de gentillesse un peu mièvre. Mais il est sauvé, le plus souvent, par ses deux interprètes, Choi Min-sik (le magistral interprète du récent Ivre de femmes et de peinture), un concentré de détresse fruste, et Cecilia Cheung (découverte dans Shaolin Soccer), lumineuse incarnation de l’abnégation sereine. Grâce à eux, Failan garde, jusque dans ses débordements sentimentaux, le charme mélancolique d’une rencontre qui n’a jamais eu lieu.» (telerama.fr)

Le producteur et le réalisateur de Failan ont pris beaucoup de soin à choisir les lieux de tournage. Dans le roman, le personnage masculin vit dans un quartier de Tokyo, Shinjuku, qui fourmille de yakuzas et de bars. L’équipe du film a donc cherché une ville qui répondrait à ses deux critères. Il ont finalement choisi Inchon, où les ports et l’usine correspondaient à l’atmosphère qu’ils voulaient donner au film. Pour le village où va travailler Failan, les repérages ont duré cinq mois. Cette partie du tournage a eu lieu sur la côte Est en raison de la beauté des paysages et de sa proximité géographique avec le reste du tournage. Song Hye-sung a traité de manière très différente les scènes avec Kang-jae et celles avec Failan. L’environnement du petit gangster est sombre et lugubre tandis que les images liées à la jeune femme sont belles et chaleureuses.

Failan est interprétée par la comédienne chinoise Cecilia Cheung qui joue également dans Shaolin soccer et La Légende de Zu 2. Son partenaire, Min-Shik Choi, évoque sa performance dans le film : « Dans un film où les cultures et les langues sont différentes, il me semble qu’elle a montré exactement ce qu’il fallait. Cela signifie qu’elle a potentiellement beaucoup d’émotions à exprimer en tant que comédienne. Elle possède également beaucoup de douceur en elle. Bien sûr, les différences culturelles ont engendré quelques difficultés mineures auxquelles elle a pu se heurter.« 

«La réalisation de Song Hae-Seong est superbe, limpide, jouant de tous les cadrages que le cinéma a développé au cours de son histoire pour rendre les émotions changeantes de Kang-Jae, la résignation silencieuse de Failan. Choi Min-Sik est une fois de plus époustouflant, tour à tour repoussant, touchant et drôle, tandis que Cecilia Cheung se révèle être une actrice subtile, capable de donner vie à toute la pureté de son personnage. Chacun incarne une extrémité du spectre humain – l’un auto-destructeur par manque de courage, l’autre combatif en dépit d’une mort certaine. Les deux personnages ne se croisent que deux fois, en parallèle, au cours de Failan. Pourtant ils forment certainement l’un des plus beaux couples que le cinéma nous ait offert ces dernières années. Un couple évoqué, rêvé par Failan et regretté à contre-coup par Kang-Jae, dont le caractère impossible crée un manque durable et bouleversant chez le spectateur.» (sancho-asia.com)

Failan a été une des grandes révélations du Festival du film asiatique de Deauville 2002. Il y a remporté les prix du meilleur film, réalisateur, acteur ainsi que le prix Première du public.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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