Sang et or



Vendredi 15 avril 2004 à 20h45

Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice

Film de Jafar Panahi – Iran – 2004 – 1h37 – vostf

A Téhéran, Hussein abat le propriétaire d’une bijouterie d’un coup de revolver avant de retourner l’arme contre lui. Quelques jours plus tôt… Ce modeste livreur de pizzas s’extasie devant un sac rempli de billets de banque trouvé par son ami Ali. L’espace d’une nuit, Hussein va connaître la vie de luxe que son salaire de misère ne pourrait jamais le laisser entrevoir. Au matin, il retourne à la bijouterie.

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C’est lors d’une discussion avec son ami Abbas Kiarostami que Jafar Panahi a eu l’idée de réaliser Sang et or. Il raconte : « Il m’a raconté un fait divers qu’il venait de lire dans le journal : un cambrioleur s’était trouvé piégé par le système de sécurité d’une bijouterie et avait fini par tuer le bijoutier avant de se donner la mort. Cette histoire m’a obsédé. Je me suis interrogé sur les raisons qui pouvaient pousser un être humain à cette extrémité. »

C’est le cinéaste iranien Abbas Kiarostami (Le Goût de la cerise, Ten) qui est l’auteur du scénario de Sang et or. Ami de longue date de Jafar Panahi, il avait déjà signé le scénario du premier film de ce dernier, Le Ballon blanc, en 1995.

« Comment l’être humain peut-il basculer dans la violence extrême ? C’est en tentant de répondre à cette question que Jafar Panahi nous offre un film d’une authenticité poignante, qui tire son origine d’un fait divers qui l’a longtemps obsédé. D’emblée, on sait que toute l’histoire finira mal : le film étant construit sous la forme d’un retour en arrière, on est, dès la première scène, confronté au meurtre du bijoutier et au suicide de son agresseur, Hussein. Comme une évidence, le réalisateur va alors remonter le fil des événements qui l’ont amené là. Finalement, c’est l’humiliation de trop qui pousse à commettre l’irréparable, mais le glissement s’opère de manière si insidieuse qu’il se fait tout naturellement : c’est le mépris de l’officier de police, le pourboire ridicule, un client qui l’utilise pour s’épancher… Avec Jafar Panahi, les inégalités sociales servent de détonateur et lui permettent de pointer les travers d’une société iranienne où le fossé entre les classes n’a fait que se creuser, au point d’étouffer ceux qui se trouvent en bas de l’échelle. Et la caméra de Panahi, si pudique et dénuée de tout artifice dans le regard qu’elle pose sur la déchéance et la misère humaine, le dénonce cruellement. Considéré comme subversif Sang et or a été interdit par les autorités iraniennes, Jafar Panahi cependant ne cherche pas à délivrer un message politique, simplement à mettre en scène une vision pessimiste, mais terriblement réaliste de son pays. Un pari risqué qu’il remporte haut la main.  » (avoir-alire.com)

« Le cinéma est une chose sacrée pour moi, pas au sens religieux, mais parce que ça donne un sens à ma vie. Quand on est habité par cette conception de l’art, on ne pense à rien d’autre, on est tendu vers cet objectif. L’argent, la célébrité deviennent très secondaires, même si je sais pertinemment que ces deux aspects peuvent être utiles pour continuer à faire des films. Je me dis toujours que j’ai un spectateur privilégié que je dois satisfaire : c’est moi et ma conscience. Les films éternels, les chefs-d’oeuvre sont ceux où le cinéaste avait quelque chose de très fort en lui, était en accord profond avec lui-même. Je suis en accord avec mes films, mais je n’en suis pas satisfait pour autant. Je veux toujours me surpasser, me remettre en question. L’horizon que je me fixe est cet éventuel chef-d’oeuvre. Que mon film fasse cinq ou un million d’entrées est presque secondaire. Ces considérations-là ne doivent pas influencer mon travail. Sang et or est parti d’un fait divers, un jeune homme qui s’est suicidé suite à un cambriolage. Un cambriolage, c’est banal : ce qui m’intéressait, c’est le pourquoi du cambriolage et du suicide. J’ai placé la scène du braquage au début, pour que la question de la progression du film soit tout de suite réglée et que le spectateur se concentre sur le pourquoi. On a essayé de laisser le film ouvert pour permettre au spectateur de s’y projeter et de l’interpréter librement. Mais c’est vrai qu’à travers le personnage d’Hussein, il y a un état des lieux de toutes les limitations, économiques, sociales, que le système impose. Ce que subit Hussein est partagé par une bonne partie de la population. Hussein n’est pas un voleur, son combat n’est pas une affaire d’argent. Il veut réparer une humiliation. Son seul bien, c’est sa fierté, son honneur.

« Sang et or séduit par son sens de la topographie urbaine. Nombreuses séquences sur des trajets en scooter. Vitesse et mouvement, saisie du pouls de la ville, plans saturés par la diversité de la population, de l’architecture, de l’urbanisme. En bas, les quartiers populaires, le bazar, les embouteillages, la foule compacte, le lacis de ruelles et de coursives, la multitude d’échoppes… En haut des collines, les quartiers bourgeois, les rues plus larges et aérées, les immeubles plus luxueux, et les commerces aussi ­ dont la fameuse bijouterie braquée.Loin des images des médias, loin de la représentation que l’on se fait de ce pays (société écrasée par le joug religieux, femmes enveloppées de noir, dictatures des mollahs, tout cela est vrai, mais l’Iran ne se résume pas à ça), on a le sentiment de découvrir une ville qui pulse, une métropole qui ressemble à toutes les métropoles, avec ses flux incontrôlables, son grand brassage social, architectural. »Le rapport citadin est très important pour moi, j’essaie de le traduire dans mes films. Filmer en ville donne une dynamique à la caméra, ça imprime un rythme au film. Mon imaginaire fonctionne mieux en milieu urbain. Je crois que je travaille mieux au milieu d’une foule. Travailler avec deux acteurs dans un village me bloquerait peut-être ! J’aime aussi les défis, la difficulté est un moteur pour moi. Tourner à Téhéran est très complexe, ça me dynamise dans mon travail. Autre raison de filmer à Téhéran, c’est le lieu de mon enfance. Je connais cet espace, ces ruelles, ces quartiers, ça me procure un certain bien-être de les filmer. » dira Jafar Panahi.  » (lesinrocks.com)

Les comédiens de Sang et or sont non-professionnels. Pour le réalisateur Jafar Panahi, utiliser des acteurs connus tuerait le type de cinéma qu’il affectionne. Mais « diriger des acteurs non-professionnels demande plus de travail, car il est faux de croire que ces acteurs sont les personnages. Leur sélection ne tient compte que de leur physique et de ce qui s’en dégage. Il s’agit par la suite de faire rentrer le personnage dasn cette enveloppe.« 

Sang et or n’a jamais été distribué dans les cinémas iraniens car considéré comme trop sombre. Avant cette interdiction, le long-métrage était censé être le réprésentant de son pays pour l’Oscar 2003 du Meilleur film étranger, mais sa non-distribution en salles l’empêcha de concourir.

Sang et or a été présenté dans la section Un Certain regard du Festival de Cannes 2003. Le réalisateur Jafar Panahi revenait sur la Croisette huit ans après y avoir remporté la caméra d’or pour Le Ballon blanc, son premier long-métrage.


Présentation du film et animation du débat avec le public : Philippe Serve.

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